Dans un monde où tout nous presse, nous sommes de plus en plus rebelles à l’attente, de plus en plus étrangers au rythme de maturation des choses. On finit par en oublier que rien ne s’accomplit dans l’instant, à commencer par une naissance… La patience est indispensable au parent, à l’éducateur, elle est essentielle dans tout apprentissage. Elle permet de mûrir les décisions, les résolutions. Elle aide aussi à mieux vivre les efforts, les imprévus, les déconvenues de l’existence et ses grandes souffrances, comme la maladie ou le deuil. Elle laisse au temps sa chance, celle d’accomplir son oeuvre de maturation naturelle. Il est toutefois des circonstances qui réclament autre chose que d’attendre patiemment que le temps les fasse changer… Sans impatience, sans révolte, sans lutte contre l’inacceptable, que serions-nous aujourd’hui ? La patience a ses faiblesses… La patience est une force capable de « déplacer des montagnes », mais, à un certain degré d’excès, elle peut devenir un véritable facteur d’inertie. Lorsqu’elle conduit, par exemple, un individu ou un peuple opprimés à ne plus oser espérer que leur destin puisse évoluer. Est-ce une force que de tout accepter sans broncher ? Cette patience-là ne mène pas à une quelconque amélioration. Au contraire, elle en empêche la venue. Les stratégies totalitaires ont bien compris comment tirer avantage de cette forme de patience et comment l’imposer par l’oppression, pour faire accepter les formes les plus dégradantes d’existence. Impatience et rébellion deviennent alors indispensables pour réveiller, secouer le cours figé des choses, mettre en lumière et bousculer ce qui, depuis longtemps, était inacceptable.
Du bon usage de la patience et de l’impatience
Sans un minimum de patience, la vie devient intolérable et nous n’obtenons rien d’important. Mais, pour rester une force, la patience doit être habitée d’un espoir, d’une promesse en un futur meilleur. Sans horizon et sans limites, elle se fige dans la résignation et l’attentisme stérile. Si rien ne se fait sans temps, rien ne se fait non plus sans décision et action, qui permettent de rompre avec ce que nous ne voulons plus accepter. Patience et impatience ne sont dommageables que dans leurs excès, quand patience rime avec passivité et impatience avec violence et avidité. Elles nous sont toutes deux indispensables, la première pour nous aider à ne pas nous laisser démonter par les difficultés, la seconde pour nous pousser à nous défendre face aux situations qui nous sont nuisibles.