Selon le cabinet McKinsey Global Institute, l’Internet pourrait contribuer à hauteur de 318 milliards de dollars US dans le produit intérieur brut du continent d’ici 2025. Mais cette performance ne se réalisera que si les investissements considérables actuellement réalisés pour renforcer les réseaux et booster davantage la connectivité se poursuivent sans heurts. Etat des lieux de l’actuelle capacité internet de l’Afrique et aperçu de son potentiel économique.
En 2007, lorsque les pays d’Afrique mettaient en branle l’initiative Connecter l’Afrique, destinée à développer l’Internet haut débit et à en faire un moteur de croissance économique, l’idée semblait folle et suscitait d’ailleurs de certains, quelques réserves muettes quant à sa concrétisation. Mais onze ans plus tard, le paysage Internet de l’Afrique a radicalement changé et le rêve quelque peu loufoque d’antan ne semble plus aussi lointain.
435 millions d’internautes africains en janvier 2018
Au fil des années, plus de 50 milliards de dollars US ont été investis pour doter le continent en infrastructures de télécommunications indispensables à sa croissance. Aujourd’hui, ce sont 43 pays sur 55 qui font déjà l’expérience de la 4G. La 3G est disponible dans près de 90% des marchés du continent tandis que la 5G, récemment lancée au Lesotho s’éveille peu à peu.
Aujourd’hui, ce sont 43 pays sur 55 qui font déjà l’expérience de la 4G. La 3G est disponible dans près de 90% des marchés du continent tandis que la 5G, récemment lancée au Lesotho s’éveille peu à peu.
Au réseau mobile, il faut associer vingt et un systèmes sous-marins de fibre optique qui relient actuellement le continent au reste du monde. Ces systèmes sous-marins sont d’ailleurs à l’origine des près d’1,5 million de kilomètres de fibre optique déroulés à travers l’Afrique pour mettre le haut débit au plus près des populations. Tout ceci, c’est sans compter les services Internet par satellite fournis par un nombre important d’opérateurs désireux de toucher un plus grand nombre de coins reculés du continent. Grâce à ces investissements combinés, l’Afrique enregistrait déjà 435 millions d’internautes en janvier 2018 sur une population de 1,272 milliard de personnes. Soit un taux de pénétration de 34%, bien mieux que les 110,9 millions d’internautes de 2010. Mais au-delà de l’amélioration de la capacité de communiquer des populations, l’Internet joue surtout un rôle de catalyseur du développement socio-économique de l’Afrique.
Services financiers
L’amélioration de l’accès à Internet en Afrique est à l’origine du développement de divers secteurs stratégiques. Le secteur des services financiers, longtemps réservé aux détenteurs de compte en banque, s’est développé et touche aujourd’hui les non-bancarisés longtemps en marge des systèmes financiers classiques.
Les services financiers pourraient alors passer de moins d’un milliard de dollars aujourd’hui à 19 milliards de dollars US en 2025.
Flutterwave, une start-up nigériane créée en 2014 a par exemple lancé en 2016 sa solution de paiement baptisée Moneywave. Elle permet aux petites entreprises et aux commerçants locaux d’effectuer et de recevoir des paiements sous quelque forme que ce soit. La banque mobile, les services de transferts d’argent en ligne, les services de paiement en ligne, sont autant de produits que l’Internet de qualité a contribué à développer. Avec les solutions technologiques adéquates, McKinsey dans son étude « Lions go digital: The Internet’s transformative potential in Africa », indique que plus de 60% des Africains pourraient avoir accès aux services bancaires d’ici 2025 et plus de 90% pourraient utiliser des portefeuilles mobiles pour les transactions et les envois de fonds quotidiens.
En 2025, les gains de productivité dans le secteur financier sont estimés entre 8 et 10 milliards de dollars US
Les services financiers en ligne pourraient alors passer de moins d’un milliard de dollars aujourd’hui à 19 milliards de dollars US en 2025. Outre l’augmentation des recettes, les gains de productivité dans le secteur sont estimés entre 8 et 10 milliards de dollars US.
Education
Dans le segment de l’éducation, le nombre d’apprenants qui accèdent aujourd’hui à des manuels didactiques, à de meilleures connaissances grâce à l’Internet a considérablement augmenté, comparé à 2008, lorsque les programmes de couverture d’établissements scolaires en Wifi étaient encore balbutiants, les réseaux d’éducation et de recherche régionaux encore naissants, les universités virtuelles comme celle du Sénégal encore de simples projets.
De nombreuses plateformes d’e-éducation comme OkpaBac, Samaskull, Ubongo ou encore Tutor.ng tracent leur voie et accompagnent des milliers de jeunes dans leur quête d’une éducation de qualité.
De nombreuses plateformes d’e-éducation comme OkpaBac, Samaskull, Ubongo ou encore Tutor.ng tracent leur voie et accompagnent des milliers de jeunes dans leur quête d’une éducation de qualité.
Pour le moment, les dépenses d’éducation représentent une part non-négligeable de la plupart des budgets publics. Avec Internet, les systèmes de gestion des écoles et les tests en ligne pourront prendre en charge la normalisation et le suivi des performances scolaires qui rendront ces dépenses publiques plus efficaces.
Entre 30 et 70 milliards de dollars de gains de productivité dans l’éducation d’ici 2025
Les gains de productivité liés à la technologie dans le domaine de l’éducation pourraient atteindre entre 30 milliards de dollars US et près de 70 milliards de dollars US d’ici 2025 souligne McKinsey. Cela permettrait alors aux gouvernements de réaliser davantage leurs budgets d’éducation et de fournir aux millions d’étudiants les bases d’un avenir meilleur.
Santé
Dans le domaine de la santé, Internet a révolutionné la manière dont les populations des zones éloignées accèdent actuellement aux soins de santé. La télémédecine, qui n’existait pas il y a encore quelques années, s’est déjà s’imposée dans les habitudes des populations au Cameroun, en Côte d’Ivoire ou encore au Ghana. Des applications ou plateformes de consultations comme Vula se multiplient, grâce à la connectivité qui se répand. Mais aujourd’hui encore, l’Afrique ne compte que 1,1 médecin et 2,7 infirmiers pour 1 000 personnes, et de nombreuses personnes parcourent encore de longues distances pour se faire soigner. Internet pourrait révolutionner tout cela et améliorer également l’efficacité des dépenses de santé en réduisant le coût du traitement des maladies chroniques, en réduisant la contrefaçon de médicaments de 80% ou plus, et en économisant le temps des infirmières. McKinsey estime que les avantages liés à la technologie pour les soins de santé sont estimés entre 84 et 188 milliards de dollars US.
McKinsey estime que les avantages liés à la technologie pour les soins de santé sont estimés entre 84 et 188 milliards de dollars US.
Internet a le potentiel, grâce aux diagnostics à distance et la télémédecine de résoudre jusqu’à 80% des problèmes de santé des patients dans les dispensaires ruraux généralement les moins dotés en personnel. Ce qui révolutionnera les soins de santé pour une grande partie de la population, tout en réduisant les coûts et les temps de déplacement. Internet permettra aussi à travers l’automatisation, une meilleure gestion des admissions de patients, des dossiers médicaux et des chaînes d’approvisionnement dans les systèmes de santé publique et les hôpitaux privés. Il ouvre également la voie à des progrès dans l’éducation et la formation des praticiens.
Agriculture
Même l’agriculture surfe sur les opportunités qu’offre Internet en termes d’informations de qualité qu’il s’agisse de la météorologie, de la sélection des cultures ou de la lutte antiparasitaire, en passant par la gestion et les finances, tout au long du cycle de vie agricole. Dans ce secteur qui fournit 70% de l’emploi du continent et contribue à 30% de son PIB, Internet a permis de rompre avec certaines traditions pour laisser la place aux données scientifiques. Par exemple, iCow au Kenya est une plate-forme agricole développée pour les petits producteurs laitiers avec des vidéos et des vidéos éducatives en ligne et sur téléphone portable. Elle a permis l’augmentation de la production de lait de 30% chez ses utilisateurs.
iCow au Kenya est une plate-forme agricole développée pour les petits producteurs laitiers avec des vidéos et des vidéos éducatives en ligne et sur téléphone portable. Elle a permis l’augmentation de la production de lait de 30% chez ses utilisateurs.
Dans le secteur de l’agriculture, la technologie Internet pourrait générer jusqu’à 3 milliards de dollars US de gains de productivité annuels d’ici 2025.
E-commerce
Le développement de l’Internet, il a aussi influé sur l’essor du commerce en ligne. Selon Deloitte, le segment qui a connu un démarrage timide ces dernières années, couvrant à peine 2 % du marché mondial avec un chiffre d’affaires de 8 milliards de dollars US en 2013, pourrait connaître une envolée pour culminer à 50 milliards de dollars US dès 2018 grâce à la qualité de la connectivité et à son accessibilité.
75 milliards de dollars US de ventes en ligne annuelles dès 2025.
En 2025, le commerce électronique pourrait représenter 10% des ventes au détail dans les plus grandes économies africaines, ce qui se traduirait par près de 75 milliards de dollars US de ventes en ligne annuelles. Parallèlement, Internet permettra d’obtenir des gains de productivité et d’efficacité substantiels, notamment des économies de coûts, un renforcement des chaînes d’approvisionnement et la collecte des paiements numérisés. Les gains de productivité liés à la technologie dans ce secteur sont estimés entre 16 et 23 milliards de dollars US.
E-gouvernement
Enfin, qui dit gouvernance électronique dit obligatoirement offre de services via Internet. Bien que le système ne soit pas encore parfait dans de nombreux pays, l’indice de développement de l’e-gouvernement (IDEG) démontre tout de même que les choses avancent. Les services publics en ligne se démocratisent, l’efficacité de la fonction publique se renforce.
Puissant outil pour améliorer la transparence, Internet a le pouvoir de fournir aux citoyens un accès à l’information et automatiser la perception des recettes. D’ici 2025, si la moitié ou plus de tous les départements gouvernementaux en Afrique ont des systèmes d’informations automatisées- avec tous les services gouvernementaux présent en ligne- les gains de productivité potentiels liés à la technologie au sein de l’État pourraient osciller entre 10 et 25 milliards de dollars US par Etat.
Les gains de productivité potentiels liés à la technologie au sein de l’État pourraient osciller entre 10 et 25 milliards de dollars US par Etat.
En Afrique, internet ne représentait que 1,1% du PIB en 2012. Mais McKinsey prédit qu’avec les progrès appropriés, la productivité globale dans les six secteurs clés abordés plus haut devraient générer entre 148 et 318 milliards de dollars pour le continent d’ici 2025.
Ces progrès dans la connectivité viendraient également booster l’employabilité des jeunes dans le domaine transversal de l’innovation technologique. Selon l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA) l’Afrique enregistrait 314 hubs d’innovation en 2016. Ils ont contribué à l’éclosion de nombreuses start-up qui opèrent aujourd’hui à travers le continent, concourant à la création de milliers d’emplois. En 2018, le nombre de hubs d’innovation a grimpé à 442.
Ecofin Hebdo