Comment le premier conflit mondial a transformé l’économie

Le 100e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale était célébré à Paris dimanche 11 novembre 2018 avec les représentants des États acteurs de cette guerre. L’occasion de rappeler que toute l’Europe est sortie ruinée de ce conflit.

Ce fut d’abord une crise démographique, avec 10 millions de combattants morts recensés lors de ce conflit. On peut citer l’exemple de la France. Avec la Serbie, c’est le pays le plus touché en proportion de sa population : 1,4 million de soldats tués.

Sans parler de tous les infirmes et les invalides qui retrouvent difficilement leur place dans la société. La France a perdu 10% de sa population active masculine. L’impact sur la main-d’œuvre disponible en 1918 est évidemment formidable.

Et puis, il y a ces routes, ces ponts, ces usines… toutes ses terres agricoles anéanties. Au total, on estime que la France a perdu un tiers de ses richesses d’avant le conflit.

Sans compter que ce sont des pays « endettés » qui doivent se remettre sur pied

C’était un conflit « total », au sens où il a mobilisé toutes les ressources humaines, industrielles, agricoles, financières des pays. Pendant quatre ans, les principales puissances européennes ont dédié 50% de leurs PIB à l’effort de guerre.

Le conflit a entraîné un phénomène jusqu’alors quasiment inconnu en Europe : l’inflation ; à force de faire tourner la planche à billets mais aussi à cause de la spéculation sur les monnaies, les devises européennes ont toutes perdu de la valeur.

Bien sûr, pour reconstruire, on a exigé de l’Allemagne défaite de payer en 1918 : 32 milliards de marks-or, dont la moitié devaient revenir à la France. Mais il a fallu aussi que les Etats européens s’endettent à l’intérieur comme à l’extérieur.

A eux seuls, les Etats-Unis ont prêté aux Alliés l’équivalent de 162 milliards de dollars actuels

Des prêts qui devaient servir en grande partie à acheter des produits américains. S’il y a bien un Etat qui a tiré profit de ce conflit, ce sont les Etats-Unis. Non seulement ils sont entrés en guerre en 1917 seulement, avec un territoire préservé des combats. Mais en plus, les Etats-Unis sont devenus les principaux créanciers des Etats européens.

Héritant peu à peu des stocks d’or des Alliés, en 1918, ils finissent par détenir la moitié du stock mondial d’or. Il n’a dès lors pas été difficile d’imposer le dollar comme équivalent à l’or après la guerre. Facile aussi pour New York de supplanter Londres sur l’échiquier de la finance mondiale.

Est-ce qu’on assiste à un déclin européen ?

Ça y ressemble, d’autant que certaines régions du monde où les intérêts européens étaient importants comme la Chine, l’Inde ou encore l’Amérique latine, s’émancipent économiquement. Et que les Etats-Unis, le Japon, progressent dans le reste du monde.

Mais si les empires centraux, ceux de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Hongrie ; si les possessions de la Russie, de l’Empire ottoman sont démantelés, les puissances européennes alliées préservent leurs empires.

Ce qui est vrai, c’est que la guerre a distendu les liens avec certaines colonies, car les échanges ont été bouleversés. Surtout, l’image du progrès que renvoyaient les Européens est définitivement altérée par la boucherie de 1914-1918. Et on en mesurera plus tard les conséquences.

Dans le même temps, les sociétés européennes se transforment

Pour reprendre l’exemple de la France, on assiste à une modernisation des outils de production. C’est l’essor du fordisme venu des États-Unis, le début du travail à la chaîne dans les mines, l’industrie automobile notamment.

De nombreux immigrés sont venus prêter leurs bras. Les femmes, qui sont entrées en masse dans les ateliers et les usines pendant la guerre, y restent.

Si bien que dans les années 1920, surtout à partir de 1924, on accueille à nouveau la prospérité. Mais cela ne dure pas. La crise de 1929 aux États-Unis va inciter les Américains à revenir à leur isolationnisme traditionnel, privant les Européens de capitaux et replongeant le « vieux continent » dans le marasme économique.

A commencer par l’Allemagne, dont la dette vis-à-vis des Alliés avait été maintes fois revue à la baisse. Et qui bientôt, laissera l’extrême droite prendre le pouvoir avec la suite que l’on sait.

lemonde.fr