► Comment le Coran a-t-il été « révélé » ?
Le mot Coran viendrait du terme syriaque queryâna, désignant la lecture faite au cours d’un office religieux. « Il contient à la fois les notions de lecture, récitation, proclamation, prêche, annonce et même connaissance et mémorisation », note l’islamologue Ghaleb Bencheikh (Le Coran, Éd. Eyrolles, 2009). Pour les musulmans, il est « le Livre », copie d’un archétype consigné au ciel – « Umm al Kitab », la mère du Livre – sur « une table gardée » (sourate 85, verset 21). Il est surtout le dernier rappel qui clôt la révélation entamée avec Abraham.
La tradition musulmane rapporte que, vers l’âge de 40 ans (soit en 610 ap. J.-C.), Mohammed, qui avait pris l’habitude de se retirer chaque année dans une grotte au sommet du mont Hirâ, près de La Mecque, en reçut la révélation apportée par l’ange Gabriel. Pour certains, la « descente » (tanzîl en arabe) du Coran se serait faite en une seule fois, pendant la nuit du destin. « Le Coran a été révélé durant le mois de Ramadan. C’est une direction pour les hommes ; une manifestation claire de la direction et de la loi », indique le verset 185 de la sourate II (trad. Denise Masson). Pour d’autres, cette révélation s’est faite par bribes, entre 612 et 632, se mêlant donc à l’histoire du prophète Mohammed et à celle de sa communauté.
En tout état de cause, la grande majorité des musulmans considère que le Coran est « incréé ». Pour mieux signifier qu’il ne peut en être l’auteur, Mohammed est volontiers présenté comme illettré. En raison de son origine divine et miraculeuse pour les musulmans, ce livre est aussi réputé « inimitable », « intraduisible », et avoir été transmis dans une « langue arabe claire ».
► Comment se présente-t-il ?
Du vivant du Prophète, ses compagnons ont essayé de réunir par écrit et sur divers matériaux des extraits de sa prédication. Après sa mort en 632 et la disparition de ceux qui l’avaient apprise par cœur, le troisième calife, Othman, fixe vers 650 ce qui deviendra la version officielle. Les autres Codex en circulation auraient alors été détruits. Il semble en réalité qu’il ait fallu du temps pour que les recueils non officiels cessent de circuler.
Les textes sont classés en 114 sourates (et 6 236 versets), organisés par ordre décroissant de longueur. La première – Al Fâtiha, « l’ouvrante » – est une prière de louange et de demande adressée à Dieu. « Tous les musulmans la connaissent par cœur et la récitent pendant la prière rituelle et dans les grandes circonstances de la vie personnelle et communautaire », indique Colette Hamza, xavière, directrice adjointe du Service national des relations avec les musulmans de la Conférence des évêques.
Les sourates provenant de la prédication de Mohammed à La Mecque sont plutôt disposées à la fin du livre, alors que celles proclamées à Médine – après qu’il a été chassé de La Mecque – viennent en premier.
Sur les 6 236 versets, 228 sont considérés comme ayant une connotation juridique, portant sur le droit de la famille, le droit civil ou le droit pénal. « Les versets dits normatifs ou prescriptifs sont beaucoup moins nombreux que les versets à visée narrative, informative ou exhortative », note Ghaleb Bencheikh, qui les a classés par thème : ceux ayant trait à la foi (imân) – les plus nombreux –, au culte (islâm), au « bel-agir et à la mystique » (ihsân), ou encore au rapport que doit entretenir l’homme au monde.
► Comment est-il lu et commenté ?
D’une manière générale, et en signe du respect qui lui est porté, le Coran est souvent mis à la place d’honneur dans la maison, et il n’est pas consulté sans précaution. « Il a également une place centrale dans le cœur des croyants qu’il a pénétré dès l’enfance de ses rythmes et de ses injonctions », écrivait Mgr Pierre Claverie, l’ancien évêque d’Oran, assassiné en 1996 (Petite introduction à l’islam, Éd. du Cerf). Marquant par là leur attachement à leur livre, de nombreux musulmans récitent, psalmodient, ou écoutent le Coran.
Il existe ensuite de nombreuses manières de lire le texte : des plus littérales aux plus mystiques. Très tôt, des commentateurs se sont donné pour mission d’éclairer le sens des passages obscurs, pour certains en se fondant sur les « hadîth », ces récits censés avoir été recueillis de la bouche des premiers compagnons du Prophète et rapportant soit ses propres commentaires, soit des épisodes de sa vie. Au fil des siècles, le commentaire du Coran (tafsîr) s’est imposé en islam comme une science, sans qu’il fasse encore droit aux sciences humaines, et notamment à la lecture historico-critique du texte.
« La Révélation n’est pas un discours didactique, scolaire, de Dieu qui s’adresse aux hommes en leur disant : voilà qui je suis, avec une liste de ce que je demande et commande, de ce que je fais, etc. », affirme, quant à lui, l’historien Rachid Benzine dans Le Coran expliqué aux jeunes (éd. du Seuil). « Elle est beaucoup plus obscure, plus subtile, plus riche, et demande à être lue, relue, scrutée, interprétée… pour être comprise. » En particulier, et concernant les versets juridiques, ce spécialiste de l’herméneutique coranique rappelle qu’« on ne peut pas toucher au texte, (…) le réécrire ou encore le réduire (en supprimant les versets qui nous posent question). Mais nous pouvons changer la lecture que nous en faisons. »
► Quelles difficultés pour le dialogue islamo-chrétien ?
Les conceptions chrétienne et musulmane de la révélation sont très différentes. Pour le chrétien, Dieu s’est révélé dans la personne de son fils Jésus-Christ – ce dont témoignent les Évangiles. Pour le musulman, en revanche, la révélation est « comme enclose dans cette parole divine qu’est le Coran », écrivait Mgr Pierre Claverie.
« Il juge les Écritures et l’Évangile à partir de sa conception de la révélation et de son expression coranique. Dès lors, toute différence est, pour lui, falsification de textes et il en voit la confirmation dans le fait que les chrétiens ont quatre évangiles différents (…). Ils reprochent aux chrétiens de se contenter de ces textes et de ne pas reconnaître leur racine et leur achèvement dans le Coran. (…) Il faut donc que chaque communauté retrouve dans ses textes sacrés la Présence dont ils sont l’écho humain. »