Lors de son discours à la nation du 06 août dernier, le Président de la République a pris une loi d’amnistie au bénéfice des personnes poursuivies pour crimes commis lors de la crise postélectorale. Toutefois, de celles-ci sont exclues les personnes ayant commis des crimes de guerre. Une attitude du chef de l’Etat qui rencontre la vision de la Justice internationale sur la question.
En effet, selon le CICR, une amnistie « désigne généralement un acte officiel relevant du pouvoir exécutif ou législatif qui empêche pour l’avenir ou de manière rétroactive, d’enquêter sur une personne, un groupe ou une catégorie de person
nes pour certaines infractions ou d’engager des poursuites pénales contre elles et qui annule toutes les sanctions prises à leur encontre. » Ainsi, d’après le CICR, « dans des sociétés divisées par un conflit armé, l’amnistie a pour objectifs de faciliter la réconciliation et de contribuer à rétablir le cours normal de la vie (…) Les mesures d’amnistie, pour autant qu’elles ne soient pas étendues aux crimes de guerre, peuvent constituer un instrument efficace pour faire respecter le Droit International Humanitaire (DIH). »
Ainsi, cette mesure exceptionnelle prise par le Chef de l’Etat vise-t-elle globalement à réconcilier les Ivoiriens. Mais, entre cet objectif indispensable et son atteinte, il y a encore du chemin à parcourir pour toutes les populations ivoiriennes, sans exception.
Une chose est tout de même claire. L’acte d’amnistie du Président Alassane Ouattara, même si des analystes et certains acteurs politiques y voient un acte de portée purement politique, voire politicienne, est avant tout, sincère et de profond humanisme. A juste titre, parce qu’on oublie de tenir compte de la valeur hautement symbolique du contexte de cette mesure de pardon. En effet, cette décision est prise par le Chef de l’Etat avant qu’il effectue son voyage pour son pèlerinage en terre sainte de l’Islam. Le voyage de la vie pour tout musulman, à la rencontre de Son Seigneur, qui exige pour son agrément, avant tout, de pardonner et de se faire pardonner. Contrairement à ce qui se raconte, cette amnistie est donc un acte sincère de pardon et de volonté de réconciliation des Ivoiriens.
Néanmoins, nul n’ignore que tout seul, cet acte n’octroie pas la réconciliation. Mais, elle constitue la condition sine qua non à la réconciliation. L’acte déclencheur et moteur de la réconciliation. Faut-il encore que les esprits soient ouverts et apaisés pour qu’à l’unisson, nous écrivions de proses pacifiques et apaisantes, cette nouvelle page de notre histoire commune qui s’ouvre.
Pour ce faire, d’abord, il incombe au Gouvernement de déployer plus d’efforts de communication sur la question. Le seul acte du Chef de l’Etat ne suffit pas. Il faut l’amplifier et l’expliquer aux populations afin qu’elles en saisissent la portée et se l’approprient dans leur vécu. Si cette dynamique nationale de paix est effective, elle constituera le vrai front aux irréductibles de la violence et aux ennemis de la paix. Car, à lire les réseaux sociaux, sept ans après la crise postélectorale, la société ivoirienne est en train de changer. C’est une société qui gagne en maturité. Tant pis pour les hommes et femmes politiques qui n’auront pas changé de lunette pour mieux apprécier cette mutation des mentalités.
Ensuite, l’acte d’amnistie du 06 août 2018 ouvre une nouvelle page de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Celle-ci exige de chaque Ivoirien, un nouvel esprit citoyen et civique ainsi que de nouveaux comportements de paix. Cela, au risque de demeurer à jamais au quai alors que le train du renouveau se met en branle. Certes, des questions d’intérêt non éludées peuvent exister, mais il faut en faire l’objet de débats citoyens dépassionnés, permettant d’aboutir à des réponses qui rencontrent l’intérêt de tous au lieu d’en faire l’acte moteur d’une stratégie politique malsaine et rétrograde.
NURUDINE OYEWOLE
Expert-consultant en communication