L’annonce d’une réforme hospitalière en Côte d’Ivoire suscite des craintes et des interrogations dans l’opinion publique, alors que les autorités s’emploient à rassurer les sceptiques. Au centre de la grogne : une privatisation supposée des principaux centres hospitaliers.
C’est dans l’optique d’une « modernisation de la gouvernance, de l’organisation et du fonctionnement des établissements hospitaliers », que le gouvernement du président Alassane Ouattara a prévu de soumettre un projet de loi pour réformer le secteur hospitalier. La proposition, présentée le 13 mars à l’issue d’un Conseil des ministres pour réformer un secteur souvent critiqué pour sa vétusté, ses sous-effectifs ou sa désorganisation, indigne certains professionnels.
« C’est un scandale ! », s’est écrié Ange Olivier Grah, magistrat en exil et président du conseil d’administration de la Mutuelle de la grande famille judiciaire et responsable du pôle des experts de la mutualité ivoirienne. Pour lui, il ne fait l’ombre d’aucun doute : « On passe d’une politique où des soins gratuits nous étaient promis, à une autre qui va entraîner nécessairement un renchérissement des frais hospitaliers et médicaux car des (acquéreurs) privés ne s’investissent pas dans une activité sans perspectives de bénéfices ».
Privatisation du service public ?
De fait, la nouvelle réforme hospitalière – qui doit d’abord être validée par le Parlement – prévoit des signatures de contrats de concession en faveur du privé. Selon l’article 36 du projet de loi, « le service public hospitalier est assuré par les établissements publics hospitaliers (EPH), les établissements hospitaliers militaires et paramilitaires (EHMP) et les établissements hospitaliers privés (EHP) qui participent au service public ».
Non, les CHU ne seront pas privatisés
Cette disposition a vite été interprétée par certains médias et une partie de l’opinion publique comme une volonté de privatiser le service public de la santé, à l’instar du secteur de l’électricité. « Non, les Centres hospitaliers et universitaires (CHU) ne seront pas privatisés, a certifié dans un communiqué Eugène Aka Aouélé, ministre de la Santé et de l’Hygiène publique. Il n’est nullement question de privatisation des structures de santé publiques mais d’un nouveau mode de gestion pour se conformer aux normes pour une offre de soins de qualité ».
Une réforme nécessaire pour certains
Le gouvernement n’a pas que des pourfendeurs. Parmi ceux qui soutiennent cette réforme, Diahou Bertin N’Guessan, un docteur en biologie moléculaire des plantes. Habitué des centres hospitaliers publics et confronté à leurs limites, ce médecin praticien est convaincu du bien-fondé de la réforme. « Pour avoir pratiqué notre système hospitalier public, celui du CHU de Yopougon (Abidjan) en l’occurrence, j’en suis arrivé à la conclusion selon laquelle il faut soit le fermer, soit le réhabiliter, soit le privatiser », explique-t-il.
Bien que le débat sur le projet de réforme hospitalière soit focalisé sur la « privatisation » supposée des principaux centres hospitaliers, il ne demeure pas moins que celui-ci traite d’autres aspects, comme la médecine traditionnelle, dans un pays où « le droit à un accès aux services de santé » est constitutionnel et où « 80% de la population – particulièrement en milieu rural – a recours à la médecine traditionnelle », selon une étude menée conjointement par Human Dignity, le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) et la Clinique de droit de l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po).
Dans la réforme proposée par le gouvernement, une section est consacrée à la « coopération avec la médecine traditionnelle et autres soins alternatifs ». L’article 35 indique que « les établissements publics hospitaliers collaborent avec les praticiens de la médecine traditionnelle et autres professionnels de soins alternatifs autorisés ».
En début d’année, le président Alassane Ouattara a annoncé un vaste programme de construction, de réhabilitation et d’équipement d’une cinquantaine d’établissements hospitaliers et de 600 centres de santé. La Couverture maladie universelle (CMU) lancée depuis décembre 2014, devrait débuter ses prestations le 1er juillet 2019 après plusieurs reports.
Jeuneafrique