Une partie du centre et du nord de la Côte d’Ivoire fait face à une pénurie d’eau courante sans précédent depuis trois à six mois selon les villes. Après un manque d’anticipation, puis de réaction, le gouvernement tente désormais de parer au plus pressé.
En pleine fête de l’Ascension, ce jeudi 10 mai, Alger Ekoungoun achète des bidons vides de 20 litres avec sa famille. Cet enseignant à l’université Alassane Ouattara de Bouaké (centre), les met dans le coffre de sa voiture et se dirige dans un village à une vingtaine de kilomètres de la ville. Objectif : s’approvisionner en eau potable pour quelques jours, en essayant de faire contre mauvaise fortune bon cœur : c’est la première fois que ses enfants voient une pompe manuelle, et que les efforts physiques de leur père pour faire jaillir l’eau les amusent davantage que la situation ne les attriste.
À Bouaké, comme dans de nombreuses villes du centre (Botro, Diabo, Sakassou, etc.) et du nord de la Côte d’Ivoire (Ferkessédougou, Niakaramandougou, Tortiya, Odienné), les populations sont contraintes de multiplier les déplacements de ce genre pour obtenir de l’eau plus ou moins potable. Une situation qui a exacerbé les tensions dans certaines villes. Fin avril notamment, des habitants de Niakaramandougou, sont descendus dans la rue, aux cris de « Émergence d’accord, l’eau d’abord »…
Assèchement des barrages
La principale cause de cette pénurie est l’assèchement des barrages qui alimentent les installations de la Société de distribution d’eau en Côte d’Ivoire (Sodeci), du fait du changement climatique. Une situation relativement prévisible, dont le gouvernement était en tout cas informé depuis au moins trois ans. De fait, en 2016, face aux prévisions des experts, le gouvernement avait préféré gérer l’urgence, en ciblant les déficits immédiats, dans trois villes du nord : Korhogo, Bouna et Bondoukou.
« L’urgence d’un plan Marshall post-crise s’imposait pour Bouaké, cela aurait eu au moins l’avantage de faire faire l’économie de solutions-bidons et de barriques baroques », s’indigne Alger Ekoungoun. Toujours est-il qu’après avoir manqué de réactivité, le gouvernement a décidé de passer à l’action. Depuis le début du mois de mai, quinze camions citernes circulent à Bouaké et « approvisionnent gratuitement les populations en eau potable », insiste un communiqué du conseil des ministres. Sept forages sont pratiquement achevés et trois autres sont en cours de réalisation, toujours à Bouaké, indique le gouvernement. Des solutions identiques sont mises en place dans d’autres villes du pays.
En 7 ans, les autorités ivoiriennes ont consacré plus de 400 milliards de Francs CFA pour endiguer les problèmes de l’eau dans l’urgence, assure la FES
« Le constat aujourd’hui est que les solutions proposées sont d’ordre conjoncturel et non structurel », commente la branche locale de la Fondation allemande Friedrich-Ebert (FES). Les autorités en ont sans doute conscience, elles qui ont consacré au cours de ces sept dernières années « plus de 400 milliards de Francs CFA pour endiguer les problèmes de l’eau dans l’urgence », assure encore la FES.
Le gouvernement compte pourtant allier aux palliatifs actuels des initiatives à long terme. « Une mission avec la Banque mondiale a été effectuée (à Bouaké) et des travaux sont envisagés en vue de régler la situation de façon durable, au plus tard à l’horizon 2019 », indique Anne Désiré Ouloto, ministre de la Salubrité, de l’Environnement et du Développement durable. En attendant une solution pérenne, la nature apportera également son aide : la saison des pluies qui s’annonce devrait bientôt soulager les populations en renflouant les retenues d’eau des barrages.
Par jeuneafrique