Des forêts urbaines pour lutter contre le réchauffement climatique

L’ONU mise sur les forêts urbaines pour rafraîchir les villes en Afrique et en Asie. Le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Qu Dongyu, a annoncé le lancement d’une initiative baptisée « une Grande Muraille verte pour les villes ». Entretien.

Ce projet, qui devrait voir le jour d’ici à 2030 dans les zones arides d’Afrique et d’Asie centrale, est une réponse pour faire baisser la température des villes et les aider, en plantant des arbres, à lutter contre le réchauffement climatique. Simone Borelli est en charge de l’agroforesterie et de la foresterie urbaine et périurbaine à la division des politiques et des ressources forestières du service forestier de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

RFI : Le directeur général de la FAO a annoncé à New York, en parallèle du Sommet action climat, le lancement d’une initiative baptisée « une Grande Muraille verte pour les villes ». En quoi consiste ce projet à destination de l’Afrique et de l’Asie ?

Simone Borelli : L’objectif de la « Grande Muraille verte des villes » (Great Green Wall of Cities – GGW) consiste à créer une série de « nœuds verts » qui apporteront des avantages à la fois aux villes et à leurs banlieues dans le cadre d’une stratégie plus large d’interventions de restauration de paysages dans les régions semi-arides du monde. Le projet GGW s’étendra de l’Afrique à d’autres régions du monde, telles que l’Asie centrale et au-delà, et créera jusqu’à 500 000 ha de forêts urbaines nouvelles et restaurera, en plus, près de 300 000 ha de forêts existantes. Pour mettre en œuvre cette stratégie de développement de reforestation urbaine à grand échelle, nous souhaitons pouvoir travailler dans chacun des 30 pays qui se trouvent le long de cette région, afin de développer ce projet, dans chacun de ses pays, dans au moins trois villes, de grande, moyenne et petite taille.

Vue aérienne de Khartoum, Soudan

Quel a été le constat de départ qui vous a amené à développer ce projet ?

En 2014, 54% de la population mondiale était urbaine. Ce chiffre devrait passer à 60% d’ici 2030 et à 66% d’ici 2050. Près de 90% de l’augmentation se produira en Asie et en Afrique, l’Inde, la Chine et le Nigeria représentant à eux seuls un tiers de cette augmentation. L’augmentation de la population urbaine implique une demande croissante de nourriture et de services de base, posant d’importants défis infrastructurels, sociaux, environnementaux et économiques aux administrations locales. La dégradation des paysages et les changements climatiques affectent de plus en plus les zones urbaines en termes d’inondations, de sécheresses, de glissements de terrain et de vents extrêmes. Les forêts et les arbres dans les villes et leurs périphéries constituent une solution stratégique basée sur la nature pour améliorer la durabilité du développement urbain et renforcer la résilience aux défis mondiaux.

Un certain nombre de villes d’Afrique et d’Asie ont déjà pris des mesures dans ce sens : Kigali, Addis-Abeba et Nairobi en sont de bons exemples. En Asie, de très nombreuses villes en Chine prennent aussi des mesures à grande échelle, pour créer par exemple des barrières contre les tempêtes de sable ou pour réduire la pollution de l’air.

Comment allez vous procéder ?

Pour soutenir cette idée, nous avons créé un partenariat avec des acteurs qui peuvent apporter des compétences différentes. Ces partenaires sont la FAO, Habitat, C40, Jardins botaniques royaux de Kew, Stefano Boeri Architetti, Arbor Day Foundation, Cities4Forests, la Société italienne pour la sylviculture et l’écologie forestière (Sisef) et le Centre de recherche sur la foresterie urbaine en Chine. Ces contributions pratiques incluent par exemple des évaluations et l’élaboration de stratégies locales de planification, de conception et de gestion des forêts urbaines et périurbaines. Ce type de soutien devra bien entendu être déterminé au cas par cas.

Un comité GGW dirigera et suivra le programme sur la base d’indicateurs environnementaux et socio-économiques, comprenant les objectifs du développement durable (ODD)les plus pertinents. Sur le terrain, l’initiative explorera et favorisera des mécanismes d’intendance locale.

Qui va financer ce projet ?

Un mécanisme mondial multi-donateurs sera mis en place et fournira des fonds de contrepartie pour des projets nationaux ou locaux. Cela pourra se faire par exemple en utilisant des fonds collectés au moyen de redevances environnementales, il peut y avoir des partenariats public-privé dans lesquels les utilisateurs de forêts urbaines contribueront à leur création et à leur préservation. Nous avons établi des contacts initiaux et nous explorons différentes possibilités de financement.

C’est dans cette jolie cour, sous 42°C à l’ombre, qu’a lieu cet atelier de sensibilisation

Ce type d’initiative est une réponse en matière d’adaptation. Ce programme sera-t-il comptabilisé dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique ?

Une fois établi, le GGW capturerait 0,5 à 5 GTonnes de CO2 par an. Comment cela sera mesuré, rapporté ? Cela n’a pas encore été discuté.

L’initiative a le mérite de paraître simple et abordable (planter des arbres) mais elle va avoir un fort impact sur l’urbanisme sur l’économie des villes et dans d’autre domaines. Quels sont les problèmes qui peuvent se poser ?

La solution est effectivement simple, cependant, les arbres ont besoin d’espace et les utilisations concurrentes des terres sont inévitablement conflictuelles. Il y a aussi la question de la compétence, de la responsabilité sur les espaces verts et la gestion des arbres qui est souvent fragmentée entre différents organismes et qui peuvent être mal coordonnées. Les capacités techniques de l’administration municipale sont souvent limitées, ce qui rend difficile de choisir le bon endroit et de pouvoir assurer un entretien et une maintenance adéquats. En outre, dans de nombreux cas, la planification des forêts urbaines et des arbres n’est pas bien intégrée aux autres aspects de la planification urbaine et ils ont tendance à être ajoutés après coup. Bien sûr, ce ne sont que quelques-uns des problèmes, mais il existe de nombreux exemples positifs de la manière dont ces problèmes peuvent être résolus. En 2018, à l’occasion du Forum mondial sur les forêts urbaines, nous avons lancé un appel à l’action et mis au point un système de reconnaissance qui encourage les villes à prendre des mesures.

Au-delà des raisons climatiques, qu’elles sont vos attentes ?

Le verdissement urbain peut créer jusqu’à 30 000 nouveaux emplois par million d’habitants. Les espaces verts de qualité favorisent des modes de vie plus sains, diminuant le nombre de maladies mentales non transmissibles et le coût des soins de santé. Les forêts urbaines favorisent l’équité sociale et aident à préserver les valeurs spirituelles et culturelles. L’impact des arbres sur la valeur des propriétés privées est important, contribuant aux recettes municipales et privées et soutiennent les efforts de régénération urbaine. Ils augmentent la disponibilité et l’accessibilité de produits forestiers ligneux et non ligneux abordables, réduisent les coûts d’approvisionnement et de traitement de l’eau potable et réduisent les besoins en énergie en refroidissant l’air et en réduisant les besoins en air conditionné.

RFI