J’entrepris bientôt un autre projet de développement avec mon cher frère et ami, Essy Amara, dans son village natal. Le petit village dormant de Kouassi-Datèkro, dans la région du Bini, à l’Est de la Côte d’ivoire, était peuplé d’environ deux mille habitants constituant un cocktail de musulmans, de chrétiens et d’animistes. Il revenait d’un pèlerinage à La Mecque, où il se trouva miraculeusement en train de prier dans la Ka’aba, le sanctuaire le plus vénéré de l’Islam, après avoir perdu pied alors qu’il était emporté par le flot des milliers de pèlerins accomplissant des circonvolutions. Une prémonition divine l’inspira de bâtir une mosquée dans son village, mais le conseil des anciens, y compris son père bien-aimé, lui recommanda d’inclure l’église catholique délabrée dans ses plans, pour assurer la continuité d’une harmonie religieuse dans la communauté. Son épouse, une catholique fervente, était heureuse d’apprendre la nouvelle. Il vint me rendre visite à la maison à Abidjan lorsque la décision fut prise. « Mon frère, il faut vraiment que tu nous aides à réaliser ce projet. » J’embrassai l’idée sur-le-champ. Nous nous rendîmes plus tard dans sa ville et nous nous réunîmes avec quelques anciens. Nous inspectâmes les sites des deux projets, une mosquée à côté d’une église, et passâmes en revue nos options. Il avait déjà fait don de matériaux de construction, nous décidâmes de joindre nos forces avec les aînés pour constituer un fonds et nous lançâmes l’investissement.
Lorsque j’informai le président de nos plans, il se fit le champion de cette vision et promit d’appuyer le projet par un apport considérable au fonds. La simple idée du projet me réjouissait le cœur car nous projetions d’ériger deux bâtiments appartenant à deux dévotions uniques côte à côte, pour illuminer la beauté de notre foi commune.
Le Ministre Amara Essy
- Le Curé du village
Le curé du village, un jeune Français, le père Alain Derbier, nous impressionna par ses connaissances extensives dans le domaine de la construction, lorsqu’il se porta volontaire pour le projet. Nous adhérâmes à l’idée et lui donnâmes la pleine responsabilité de surveiller la construction tout entière. En tant qu’ambassadeur, représentant permanent de la Côte d’ivoire aux Nations unies, Essy passait le plus clair de son temps à New York et je me déplaçais de temps à autre pour des missions, mais je pris sur moi la responsabilité de superviser les deux projets. L’engagement entraînait une série de voyages et de longues heures en voiture entre Abidjan et le village, durant mon temps libre. Je passais plusieurs heures sur les chantiers, travaillant jusqu’au coucher du soleil avant de reprendre la route pour arriver à la maison tard dans la nuit. Le curé s’appliquait à me tenir informé. Néanmoins, nous expérimentions quelques difficultés dues à des problèmes passagers de téléphone. Lorsque les moments de black-out se à prolongeaient, nous avions recours aux services d’un messager.
Cette occasion unique permit une interaction exceptionnelle entre frères de toutes les fois, poussant chacun à donner le meilleur de soi-même. Tous les ouvriers, invariablement, travaillaient dur sur les deux projets quelle que soit leur affiliation religieuse, chacun semblait impatient de les conduire jusqu’au bout avec succès. Au terme de la construction, nous inaugurâmes la mosquée et l’église le même jour, en organisant une célébration grandiose pour tout le village ; je me joignis à Essy et à sa famille pour faire participer tout le monde à cette manifestation joyeuse. Bien qu’il n’ait pu être présent, le président Houphouët fut très heureux du résultat. Il était extrêmement fier de tous ces travailleurs opiniâtres. Je ne cessais de remercier le Tout-Puissant de m’avoir permis d’être témoin de cette manifestation d’altruisme parmi les villageois et d’une telle atmosphère au caractère harmonieux exemplaire.
A Suivre….
Extrait de ²Un rêve pour la Paix² du Dr Ghoulem BERRAH, ancien conseiller du Président Houphouët Boigny