DIALOGUE DES RELIGIONS : CHRETIEN ET MUSULMAN ENSEMBLE POUR CONSTRUIRE UNE MOSQUEE ET UNE EGLISE (Suite et fin)

 

2. Le Curé et l’action de grâce des Musulmans

 

Peu de temps s’écoula avant qu’une saison sèche prolongée ne provoque une atmosphère discordante qui me valut une visite surprise du jeune prêtre français. Il fit des heures de route jusqu’à Abidjan pour me rapporter des tensions croissantes entre catholiques et musulmans dans le village. « Le tout commença à cause du manque de pluie », dit-il avec regret. Les résidents étaient au milieu de la pire sécheresse jamais expérimentée, et les membres de la communauté musulmane se rassemblèrent pour procéder à une session spéciale de prière pour invoquer l’intercession du Tout-Puissant en faveur de la pluie. De façon étonnante, au cours de la prière, de gros nuages s’amoncelèrent, suivis de grondements de tonnerre, et des pluies abondantes commercèrent à tomber. Convaincus qu’Allah avait entendu et exaucé à leurs prières, les musulmans, pleins de gratitude, projetèrent d’organiser une cérémonie d’action de grâce. Ils devaient sacrifier quatre moutons au nom du village et pensaient qu’il allait de soi que les catholiques apportent leur quote-part, soit le prix de deux moutons. Lorsqu’ils approchèrent les leaders catholiques, ces derniers refusèrent de participer aux dépenses, arguant que c’était un rite particulier, étranger à leur croyance.

Je ressentis sa frustration, mais je comprenais également l’état d’esprit de ceux qui avaient une position antagoniste à celle de ses paroissiens. Il m’exprima sa surprise quant à l’incident de façon posée et réfléchie. « Mon opinion est que les catholiques sont forcés de participer à un rite du culte islamique », dit-il avec découragement. Je lui exprimai ma sincère gratitude pour avoir pris le temps de venir me voir et lui fit savoir que je sympathisais avec son point de vue. Nous parlâmes de l’importance de conserver une unanimité constante au niveau du village, semblable à celle qui prévalait parmi les fidèles au moment des cérémonies inaugurales. Notre conversation eut sur lui un effet apaisant. «Mon père, dis-je après avoir respiré profondément, il s’agit simplement d’un malentendu. Je voudrais faire un don au nom de mes frères catholiques et régler les deux moutons, si vous n’y trouvez pas d’inconvénient. » Il m’écoutait attentivement.

« Comme vous le savez, le principe d’action de grâce au Tout-Puissant est un fondement qui nous vient des enseignements de toutes les religions. Quelquefois la manière de remercier diffère, mais nous partageons une foi commune.

– C’est bien dit», comment a-t-il.

Je l’assurai de ma disponibilité constante et tout particulièrement chaque fois qu’il y aurait matière à friction dans le village. « Il est primordial pour moi de savoir que tous dans le village continuent à vivre dans la paix. » Il quitta la maison avec sur ses épaules un fardeau allégé et quelques jours plus tard il me téléphona pour me confirmer que le village avait recouvré concorde et harmonie.

 

Extrait de ²Un rêve pour la Paix² du Dr Ghoulem BERRAH, ancien conseiller du Président Houphouët Boigny

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