DJAÏLI AMADOU AMAL : Être femme ce n’est pas une mince affaire, l’être africaine…

Oujda – Dans le stand du Cameroun, invité d’honneur de la troisième édition du Salon Maghrébin du Livre, Djaïli Amadou Amal, une écrivain camerounaise, témoigne de son engagement dans la cause féminine et dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Sourire aux lèvres, chaleureuse, elle raconte comment l’écriture est devenue pour elle plus qu’une passion, une vocation. A l’instant même où elle a appris à écrire, elle commençait déjà à griffonner des petites histoires illustrées qui faisaient le bonheur de ses amis.

Mariée très jeune, ce fut pour elle le déclic! “Je me suis mariée très tôt, c’était un mariage précoce. J’avais besoin de mettre sur papier tout ce que je ressentais” a t-elle confié à la MAP.

Plus la feuille noircissait, plus ses personnages prenaient vie: Ramla, Hindou, Safira… ces femmes l’accompagnaient et racontait des histoires, les siennes, celles des filles de son pays et celles des femmes Africaines.

A travers ses romans, elle raconte le combat continu des femmes du Sahel: les traditions lourdes, les violences physiques et morales, la déscolarisation, le mariage précoce, le sexisme…

Pour cette amoureuse du verbe être une femme en soi n’est pas une mince affaire, mais être une femme africaine est encore plus délicat, “le poids des traditions étant plus lourd, la société moins tolérante, le regard de la famille plus appuyé, la femme africaine est plus confrontée aux nombreuses pressions sociales, familiales et culturelles”.

Les sujets des livres de Djaïli portent sur des causes féminines mais n’en condamnent pas les hommes pour autant. En effet, raconte-elle, “les femmes sont confrontées à beaucoup d’injustices, mais pas uniquement de la part des hommes, d’autres femmes peuvent également être la cause de leurs malheurs, c’est toute la société qui en est complice”.

Dans ses écrits, Amadou Amal condamne le silence d’une société muette et aveugle, sourde aux cris de détresse de nombreuses femmes vulnérables.

Sur les violences faites aux femmes, sa réponse est poignante: l’une des plus grandes violences à l’égard des femmes, au delà de la violence physique, demeure le mariage précoce. Pour l’auteure, cela représente un des problèmes les plus préoccupant du Sahel. “Les parents n’ayant pas les moyens de subvenir aux besoins de leur fille, préfèrent la donner en mariage, l’offrir, évitant ainsi des charges supplémentaires… C’est un crime contre l’humanité qu’il faut absolument abolir”, affirme Djaïli.

Elle évoque par ailleurs des violences cachées, non perçues mais dont les conséquences sont désastreuses aussi bien sur le plan physique que moral. “Une petite fille qui voit son frère aller à l’école mais pas elle”, “les bancs de l’école pris par des garçons”, “le harcèlement sur le chemin de l’école”, “le viol conjugal”, “le mariage forcé”… tous ces points omniprésents au sein de la société africaine la révoltent.

A travers ses livres, elle espère changer les mentalités, provoquer des prises de conscience et faire basculer les traditions.

Née de père peul et de mère Égyptienne, Djaïli Amadou Amal est une femme africaine, musulmane, féministe, engagée et écrivaine. Ses deux premiers romans “Walaande, l’art de partager un mari” et “Mistiriijo, la mangeuse d’âmes”, l’ont classé parmi les valeurs sûres de la littérature africaine. Son dernier roman “Munyal les larmes de la patience” a reçu le prix Orange en Afrique ainsi que le prix de la presse panafricaine 2019.

Elle est également présidente et fondatrice de l’association “Femmes du Sahel”, pour l’éducation et la promotion de la femme sahélienne. L’association prends aujourd’hui en charge près de 400 jeunes filles retournées grâce à cette initiative sur les bancs de l’école.