L’évènement a fait peu de bruit dans la presse africaine, et pourtant la visite en solo de Mélania Trump en territoire africain n’était pas banale. Une semaine durant, elle a séjourné dans une région qui, progressivement, semble revenir sur les radars de l’adminstration US. Chine oblige..
Début octobre 2018, un avion rempli d’officiels américain atterri à Accra au Ghana. A son bord, une passagère exceptionnelle, Mélania Trump, la femme de celui qui, parlant de plusieurs régions dont l’Afrique, aurait selon le Washington Post, utilisé le qualificatif de « Trou à Merde ». Donald Trump depuis le début de son mandat, focalisé sur l’objectif de reconstruire la « Grande Amérique », n’a montré que peu d’intérêt pour un continent qu’il associe aux réfugiés, au terrorisme et à la misère.
Une visite humanitaire survenue sur un bon timing
Des médias américains ont pourtant émis l’hypothèse que Mélania Trump a presque imposé ce voyage à son mari, suivant son propre agenda. Derrière cette visite, elle voulait surtout apporter son soutien à l’USAID, l’institution américaine de financement du développement. Un objectif qui a peu retenu l’attention de la presse internationale ayant couvert son voyage.
A son retour aux USA, son mari aura une déclaration assez particulière. « La première dame a fait un travail remarquable en représentant notre pays en Afrique – comme personne ne l’a fait auparavant », a-t-il déclaré dans un communiqué. « Elle a appris à connaître les habitants de l’Afrique et ils l’ont aimée et respectée partout où elle est allée. Melania m’a raconté son voyage en détail et je suis tellement fière du travail qu’elle accomplit au nom des enfants partout dans le monde. Elle travaille si dur et tout cela par amour.», a-t-il ajouté.
« Elle a appris à connaître les habitants de l’Afrique et ils l’ont aimée et respectée partout où elle est allée. Melania m’a raconté son voyage en détail et je suis tellement fière du travail qu’elle accomplit »
Même si Melania Trump, dans chacune de ses étapes en Afrique subsaharienne a rappelé la vision chère à son mari, selon laquelle les pays africains doivent cesser de compter sur l’aide américaine, de nombreux changements dans la politique US indiquent que Washington se retrouve contraint de revoir la manière dont elle aborde les questions africaines. Alors qu’est lancée la guerre commerciale contre la Chine, l’Amérique ne peut en effet se permettre de perdre sur un seul tableau, face à son nouvel ennemi déclaré.
Pression du congrès en réponse à la boulimie chinoise…
Lorsque Trump est entrée en fonction, son intention première était de fermer l’OPIC (Overseas Private Investment Corporation), qui utilisait des fonds publics pour encourager les investissements du secteur privé américain dans les pays en développement, en particulier en Afrique. Moins de deux ans plus tard, l’administration a validé une expansion massive du programme, doublant ainsi son financement à 60 milliards de dollars et lui permettant de faire davantage d’investissements dans plus de projets.
Un revirement notable à l’égard de l’Afrique
Une évolution qui a été rendue possible, grâce à l’adoption de la loi dite BUILD (Better Utilization of Investments Leading to Development). Avec cette dernière, l’OPIC devient désormais l’International Development Finance Corporation. En plus de soutenir les entreprises américaines qui investissent à l’étranger, elle peut désormais consentir des prêts ou des garanties de prêt, acquérir des participations ou des intérêts financiers dans des entités en tant qu’investisseur minoritaire, fournir une assurance ou une réassurance aux entités du secteur privé et aux entités souveraines éligibles, fournir une assistance technique, gérer des projets spéciaux, établir des fonds d’investissement, émettre des obligations et facturer des frais pour ses services.
« Plutôt que de simplement critiquer l’utilisation du financement du développement par la Chine, l’administration Trump a décidé de soutenir la législation qui offre aux pays une alternative à la recherche de financement auprès de la Chine ».
« On peut vraiment considérer cela comme la principale réponse à la finance chinoise dans le monde », a déclaré Scott Morris, un analyste américain du Center for Global Development. « Plutôt que de simplement critiquer l’utilisation du financement du développement par la Chine, l’administration Trump a décidé de soutenir la législation qui offre aux pays une alternative à la recherche de financement auprès de la Chine », a-t-il ajouté.
Un revirement davantage poussé par un Congrès plus réaliste
Toutefois il est important de rappeler que, dans toutes ces évolutions, c’est le Congrès américain qui semble avoir forcé la main du président américain. Six jours avant l’adoption de la loi BUILD, l’institution avait ré-autorisé la loi sur la sécurité alimentaire mondiale, adoptée pour la première fois en 2016. Cette loi historique, qui soutient le programme Feed the Future de l’ère Obama, est une stratégie à l’échelle du gouvernement pour lutter contre la faim et la malnutrition dans les pays en développement.
Au cours des prochaines semaines, le Congrès devrait adopter un troisième projet de loi, à savoir celui sur l’entreprenariat féminin et l’autonomisation économique des femmes. Ce projet de loi élargirait l’autorité du programme de développement des microentreprises de l’USAID pour inclure les petites et moyennes entreprises appartenant à des femmes et gérées par elles.
Ce projet de loi élargirait l’autorité du programme de développement des microentreprises de l’USAID pour inclure les petites et moyennes entreprises appartenant à des femmes et gérées par elles.
Cela contribuerait également à réduire les disparités entre les sexes liés aux opportunités économiques, soutenir les droits de propriété des femmes et éliminer la violence sexiste. Ce projet de loi a été activement soutenu par l’Organisation Non Gouvernementale CARE, l’organisation mondiale anti-pauvreté, et…. par la fille du président, Ivanka Trump.
C’est le Congrès américain qui semble avoir forcé la main du président américain.
Pragmatique comme il sait l’être parfois, le président américain semble laisser se mettre en place les pièces du puzzle de sa politique africaine. Les derniers événements, que ce soit la visite de son épouse ou encore les évolutions au niveau du Congrès, montrent bien qu’il peut être ouvert à mener des actions, tant qu’on parvient à lui montrer ce que l’Amérique y gagne. Melania Trump, sans conteste, a apporté une douceur et un glamour que ne pouvait procurer Rex Tillerson, l’ancien Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, viré avant même d’avoir terminé sa tournée.
Le Congrès quant à lui travaille à défendre les intérêts d’investisseurs américains, qui ont besoin d’un appui du gouvernement pour réduire des prises de risque à l’étranger.
Ecofin Hebdo