Dossier : Le nouveau visage de la Birmanie

Nouveau gouvernement, nouveaux espoirs : la Birmanie est à un virage de son histoire. Mais le chantier est énorme.

La Birmanie entre dans une nouvelle ère. Depuis un demi-siècle, les militaires dirigeaient ce pays en proie à la répression. Le nouveau gouvernement a pris ce vendredi 1er avril ses fonctions. Et pour la première fois depuis plus de cinquante ans, le gouvernement est composé de civils. Parmi les ministres, la plus charismatique est sans doute Aung San Suu Kyi, à qui les militaires avaient bloqué la route vers la présidence. Mais le prix Nobel de la paix rafle tout de même quatre portefeuilles et pourrait bien avoir un pouvoir plus important que le Parlement. Retour sur l’histoire de ce pays et sur la face cachée d’une Birmanie qui persécute sa minorité musulmane.

En Birmanie, un prix Nobel pour un génocide

La situation des Rohingya continue d’empirer en Birmanie, où a lieu un véritable génocide. La communauté internationale reste pourtant immobile.

Silence radio chez les Bernard-Henri Lévy et consorts, habituellement si prompts à dénoncer les pays qui commettent des exactions contre leurs populations et à demander au président français d’intervenir. Pourtant, en Birmanie, la situation est de plus en plus critique pour les Rohingya, la minorité la plus persécutée au monde selon l’ONU. Si les médias parlent désormais plus volontiers de ce génocide, les exactions, elles, continuent notamment avec le soutien de l’armée locale et sans qu’Aung San Suu Kyi ne bouge le petit doigt. Le prix Nobel de la Paix 1991 est d’une passivité déconcertante face à ce qui se passe actuellement dans son pays. Actuellement ministre des Affaires étrangères, ministre de la Présidence de la République de l’Union de Birmanie et porte-parole de la présidence, Aung San Suu Kyi laisse aujourd’hui le massacre se poursuivre. C’est à se demander s’il ne faudrait pas lui retirer son prix Nobel de la Paix, qu’elle n’honore plus depuis près de trois ans en minimisant ce qui se passe actuellement en Birmanie.

La France répond aux exigences d’Aung San Suu Kyi

L’« opération de nettoyage » militaire continue donc, sans que la communauté internationale ne mette réellement la pression sur la Birmanie. « Les incidents sont des conflits confessionnels qui sont une affaire purement interne d’un Etat souverain. Ils ne sont liés à aucune forme de persécution ou de discrimination religieuse. Par conséquent, nous n’accepterons aucune tentative de régionaliser ou d’internationaliser ce conflit comme une question religieuse », expliquait la Birmanie en 2013. Depuis, les atrocités commises dans le nord-ouest du pays par l’armée obligent la communauté internationale à ouvrir le dialogue avec Aung San Suu Kyi. En décembre dernier, le conseiller spécial de l’ONU pour la Birmanie, Vijay Nambiar, a invité Aung San Suu Kyi « à réfléchir à la situation, à écouter sa ‘voix intérieure’ et à parler directement aux Birmans pour leur demander de s’élever au-dessus de leur appartenance ethnique, religieuse. » Mais rien n’y a fait : les exactions dans l’Etat de Rakhine continuent. Et Aung San Suu Kyi ne daigne toujours pas évoquer le problème. Le prix Nobel de la Paix assure que tout est « sous contrôle » et estime que la communauté internationale nourrit les « feux du ressentiment. » Cette communauté internationale, qui a décidé d’intervenir en Syrie ou encore en Libye, ne cherche pas à mettre fin au génocide. La Birmanie reste dans l’axe du bien sans que l’on sache vraiment pourquoi. Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères, s’est même rendu dans ce pays en juin dernier. Une visite de courtoisie lors de laquelle l’ex-Premier ministre n’a jamais voulu prononcer le mot « Rohingya », comme le lui avait demandé Aung San Suu Kyi. « Je ne suis pas là pour donner des leçons et compliquer les choses », a indiqué le ministre français. Pour lui comme pour la communauté internationale, l’indignation reste donc à géométrie variable.

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