Une prison où il fait bon vivre à l’ombre des barreaux, à tel point que les femmes détenues qui y purgent leur peine ne veulent plus en sortir, est-ce un mirage ou une réalité en plein désert ?
C’est à Dubaï, au cœur de l’oasis dorée et luxuriante du Golfe persique, que se dresse dans le paysage ce centre pénitentiaire présenté comme idéal, propice à une expiation des fautes en douceur.
Fait suffisamment rare pour être cité, cette prison pour femmes, unanimement louée par celles qui y vivent recluses, cultive avec soin ses spécificités qui en font plus un lieu de refuge décrit comme « paisible et sûr », favorisant les « bons traitements et la réinsertion sociale », qu’un enfer carcéral où le tout-répressif règne en maître.
Aussi n’est-il pas si étonnant d’apprendre qu’après avoir baigné dans cet univers fermé, mais serein et créateur de liens, et mis pleinement à profit ce temps suspendu au-delà de leurs espérances, 11 prisonnières libérables refusent aujourd’hui de se retrouver dehors, à l’air libre, dans un monde extérieur qu’elles jugent hostile.
Pour la directrice de la prison, le Col. Jamila Khalifa Al Zaabi, la peur qui paralyse ces femmes à la perspective de recouvrer leur liberté la conforte dans le bien-fondé de sa politique interne de réhabilitation, aux antipodes de la conception strictement punitive du rôle de la prison.
« Grâce au programme que nous avons mis en place, les prisonnières évoluent dans un environnement paisible, sans discriminations de quelque ordre que ce soit. Elles forment une véritable communauté », se félicite-t-elle. « Par ailleurs, nous ne lésinons pas sur les moyens pour leur servir des repas équilibrés et de qualité, et leur prodiguer des soins médicaux appropriés. Nous veillons également à ce que les liens avec leurs proches, et particulièrement avec leurs enfants, ne soient pas rompus », a-t-elle souligné.
Parmi ces 11 femmes qui rechignent à franchir les portes grandes ouvertes de la prison de Dubaï pour retourner chez elles, l’une d’elles, originaire d’un pays arabe, ne se résout absolument pas à partir. « Les bons traitements que j’ai reçus tout au long de mon incarcération, la gentillesse des gardiennes et de la directrice, l’incitation à acquérir de nouvelles compétences et ma découverte de la peinture, ont été comme une bouffée d’oxygène dans ma vie », a-t-elle insisté, avant de s’exclamer : « Je n’ai jamais connu ça dans mon pays d’origine ! ».
Que va-t-il advenir de ces 11 détenues qui, paradoxalement, se sont senties libres comme rarement, enfermées entre quatre murs – elles ont été encouragées à tirer le meilleur parti des équipements mis à leur disposition, que ce soit la grande bibliothèque, un vaste salon et les salles de sport et d’activités artistiques – si bien qu’elles considèrent leur libération comme la pire des prisons ?
La question se pose avec acuité à la directrice Jamila Khalifa Al Zaabi. En effet, en privilégiant à tout prix la réadaptation sociale des femmes condamnées à des peines d’emprisonnement plus ou moins lourdes, elle était loin d’imaginer qu’elle ferait de la prison de Dubaï un nid à ce point douillet qu’il soit si difficile de le quitter…