La Lune était au menu des conversations entre les chefs des agences spatiales européenne et américaine cette semaine à Washington. En particulier cette question: quel sera le prix du billet pour les Européens?
Le directeur général de l’Agence spatiale européenne (ESA), l’Allemand Jan Wörner, confie à l’AFP avoir une idée du prix demandé –en nature– par la Nasa, dirigée par Jim Bridenstine.
« Nous parlons avec les Américains », a dit Jan Wörner, pendant le 70e Congrès astronautique international, un grand rendez-vous annuel auquel participent des dizaines d’agences spatiales et des milliers de chercheurs et entreprises spatiales.
« Jim m’a envoyé une lettre dans laquelle il dit que son intention est d’avoir un Européen et un Américain ensemble sur la Lune », explique le patron de l’ESA.
La Nasa développe le programme Artémis avec en vue l’envoi de deux premiers astronautes américains sur la Lune en 2024. L’agence américaine veut des partenaires étrangers, et l’Europe entend garantir une place pour l’un de ses sept astronautes dans une mission suivante. Les Japonais veulent aussi une place.
L’ESA fournit déjà un élément indispensable à Artémis: le « module de service européen », c’est-à-dire la partie du vaisseau habité Orion qui fournira l’air, l’eau, l’électricité et la propulsion.
Les Américains ont demandé des modules supplémentaires, et Jan Wörner va demander aux pays membres de l’ESA de financer aussi deux parties de la future mini-station qui sera assemblée en orbite lunaire, la Gateway.
Quand l’astronaute européen sera-t-il envoyé ? « Je ne sais pas si ce sera pour le deuxième, ou le troisième atterrissage sur la Lune, et pour être très honnête, je m’en fiche », dit Jan Wörner.
Paradoxalement, cet Européen convaincu n’est pas certain que le premier pas d’un astronaute européen sur la Lune soit important symboliquement.
« Nous manquons d’identité européenne », dit-il. « L’identité européenne garde des frontières, des frontières nationales fortes. »
– Dépendant des Russes et Américains –
L’ingénieur civil regrette que les Européens ne connaissent pas les noms des sept astronautes actuels de l’ESA, sauf quand ils viennent de leurs propres pays; les Français connaissent Thomas Pesquet… Les Italiens Luca Parmitano… Les Allemands Alexander Gerst… Il se lamente que les pays souhaitent surtout envoyer l’un des leurs.
Les Allemands lui ont déjà fait la requête; pas les Français, assure-t-il.
Dans tous les cas, « nous n’apporterons pas de drapeau européen sur la Lune, non, non, non. Ces symboles appartiennent au passé », dit-il.
Le choix de cet astronaute européen reviendra entièrement au directeur général. Il n’a pas décidé, c’est trop tôt. Tout juste note-t-il que Thomas Pesquet a « de bonnes chances » en raison de son âge relativement jeune, 41 ans, puisque la mission pourrait n’avoir lieu que dans une décennie.
Aux Etats-Unis, c’est le Congrès qui vote le budget de la Nasa.
En Europe, l’ESA doit convaincre tous les trois ans les pays membres de financer ses programmes.
La prochaine demande budgétaire, qui sera débattue à une réunion ministérielle à Séville en novembre, porterait le budget total de l’ESA à plus de 6 milliards d’euros par an en incluant la contribution de Bruxelles, contre environ 5,7 milliards aujourd’hui (par comparaison, la Nasa a de l’ordre de 21 milliards de dollars par an, soit 19 milliards d’euros).
Ce budget européen n’inclura toujours pas de fusée européenne pour astronautes, quelque chose que Jan Wörner défendait autrefois, mais auquel il a renoncée face au manque d’appétit des leaders européens…. qui selon lui privilégient des résultats à court terme, et ne veulent pas assumer la responsabilité d’un accident spatial.
Si l’ESA ne dépensera pas des milliards pour construire une « Ariane habitée », l’agence financera en revanche de multiples programmes scientifiques, d’observation de la Terre, de nettoyage des débris spatiaux…
Et notamment une folle mission qui semble avoir la faveur particulière du directeur général, consistant à rapporter sur Terre des échantillons prélevés par un rover sur Mars, en partenariat avec la Nasa.
AFP