Pour certains fins observateurs de la politique américaine et pour nombre de ses concitoyens de Detroit dont elle se fait un devoir d’être l’ardente porte-parole, Rashida Tlaib, 41 ans, a l’étoffe d’une héroïne locale qui pourrait fort bien graver son nom dans l’histoire du Capitole, en tant que première femme musulmane à siéger sous sa coupole.
Animée de fortes convictions que rien n’ébranle, pas même la chaleur accablante qui règne dans le Michigan en ce début de mois de juillet, cette fille d’immigrés palestiniens, mère de deux jeunes garçons âgés de 6 et 12 ans, sillonne le terrain sans relâche, frappant aux portes du 13e District en quête de voix, revêtue de son tee-shirt bleu sur lequel est inscrit « Rashida, une Démocrate pour le Congrès ». Tout un programme !
A l’approche des élections primaires du 7 août, cette militante dans l’âme, qui ne craint pas l’adversité et cristallise les espoirs d’un nombre croissant d’électeurs, notamment de confession musulmane, met les bouchées doubles sous un soleil de plomb. Munie de ses tracts, elle déploie des trésors de persuasion sur les perrons des maisons, particulièrement à Dearborn et Hamtramck, parfois ruisselante de détermination, afin de convaincre qu’elle est bel et bien la femme de la situation.
Loin d’être une parachutée, Rashida Tlaib est au contraire une candidate du terroir qui en connaît, mieux que quiconque, les contours, les spécificités, les attentes pressantes, les carences ou encore les doléances et, à ce titre, a toute la légitimité requise pour représenter sa population à Washington.
Forte de la confiance de la communauté musulmane locale, elle avait même forcé l’admiration de ses coreligionnaires il y a deux ans de cela, en étant expulsée sans ménagement d’un meeting survolté de Donald Trump à Detroit. Que lui avait valu un tel ostracisme ? Elle avait courageusement hurlé au milieu de la foule de ses sympathisants galvanisés « Nos enfants méritent mieux que vous ! Vous feriez mieux de lire la Constitution ! », laissant l’incendiaire de la Maison Blanche sans voix…
A la fois offensif, sincère et direct, le ton de la campagne menée tambour battant par celle qui fait encore figure d’outsider séduit une frange élargie de la population, au-delà de la sphère arabo-musulmane, au point de faire dire à Hoda Hawa, la directrice régionale de l’organisation nationale Muslim Public Affairs Council, que « Rashida Tlaib a toutes ses chances pour le Congrès », au même titre que Ilhan Omar, la porte-voix somalienne des sans-voix du Minnesota.
A quelques encablures d’un vote crucial, Rashida Tlaib a toutefois fendu l’armure auprès de la presse locale, confiant avec amertume que la rhétorique islamophobe fielleuse, véhiculée et attisée par la caste politico-médiatique, a eu de graves répercussions sur ses propres enfants.
Les larmes aux yeux, elle a relaté le jour où son fils aîné s’approcha d’elle, après l’avoir entendue s’indigner contre une BD représentant un squelette dans un uniforme nazi s’écriant « Allahou Akbar ». Se voulant rassurant, il lui avait lancé d’une voix grave qui contrastait avec son jeune âge : « Maman, ne t’inquiète pas, si quelqu’un me demande si je suis musulman, je mentirai et je répondrai que je ne le suis pas ».
« Nous avons l’impression que nous avons travaillé si dur pour changer les regards, mais force est de constater que nos enfants, aujourd’hui encore, souffrent des même préjugés dévastateurs et ce constat est très douloureux », a-t-elle déclaré, visiblement affectée, avant de surmonter son émotion en songeant aux nombreuses personnes qui misent sur sa candidature et, chez qui, elle a fait renaître une lueur d’espoir et insufflé de son énergie. « Tu dois gagner, parce que si tu gagnes, nos enfants réaliseront que nous faisons partie intégrante de la société, me répétent-ils », a-t-elle souligné en ayant retrouvé son sourire légendaire.
Ecrira-t-elle demain une nouvelle page de l’histoire américaine ? En tout cas, une chose est certaine : Rashida Tlaib puise plus que jamais dans sa notoriété grandissante les ressources nécessaires pour livrer son combat dans l’arène politique.
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