Alors que s’achève la 73e Assemblée générale des Nations Unies les principaux dirigeants de ce monde ont eu l’occasion de réaffirmer leur détermination à faire face aux enjeux de ce siècle. Au cœur de cet engagement se trouve la lutte contre l’extrême pauvreté inscrite dans le premier des Objectifs de développement durable (ODD) et la lutte contre le réchauffement climatique, consacrée par les accords de Paris lors de la COP 21 en 2015.
Si chacun de ces deux enjeux est aujourd’hui indiscutable, les différentes parties prenantes adoptent une approche en silo alors que, plus que jamais, ces problématiques sont extrêmement liées. Le Bassin du Congo nous en offre une démonstration éloquente.
Dans un article paru dans le journal américain The New York Times, Nick Kristof a voulu démontrer pourquoi 2017 a été la meilleure année de l’histoire de l’humanité. Son argumentaire reposait en grande partie sur les avancées sociales que nous vivons depuis quelques décennies et, effectivement, elles sont impressionnantes. Chaque jour, 217 000 personnes dans le monde sortent de l’extrême pauvreté ; 325 000 personnes sont raccordées à l’électricité et 300 000 ont accès à l’eau potable.
Publié en début septembre, le Goalkeepers report de la fondation Bill & Melinda Gates nous rappelle que la proportion mondiale vivant sous le seuil de pauvreté est passée de 35% en 1990 à 9% en 2017, soulignant notamment les résultats spectaculaires obtenus en Chine et en Inde.
Toutefois, à l’ombre de ce discours volontairement optimiste, se cache une réalité plus subtile.
Les poches de pauvreté subsistent si bien qu’il est fort probable que l’objectif de « zéro pauvreté » en 2030 ne soit pas atteint. Pire, alors que la pauvreté dans le monde a chuté d’une dizaine de points cette dernière décennie, les prévisions annoncent une baisse de 3 points seulement entre aujourd’hui et 2030. Soit une réelle stagnation de la pauvreté. L’ancrage géographique de la pauvreté est également un enseignement important.
Quand on parle d’extrême pauvreté dans le monde aujourd’hui, on parle de facto de l’Afrique dans la mesure où 2/3 des personnes en situation d’extrême pauvreté sont africaines. Il est question ici de certains pays fortement dotés en ressources naturelles. La République démocratique du Congo, par exemple, est en passe de prendre la place de l’Inde au deuxième rang des pays qui comptent le plus grand nombre de personnes dans l’extrême pauvreté, le Nigeria étant en première position. Encore plus dramatique, il est attendu que 3,2 millions personnes de plus viennent grossir les rangs des personnes dans l’extrême pauvreté en Afrique (à quel horizon ?).
La solution qui est proposée à ces pays pour réduire le nombre de personnes vivant dans la pauvreté est de suivre le modèle d’industrialisation à la chinoise ou à l’indienne. Un modèle qui a hissé ces pays, en quelques décennies, au hit parade des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre puisque la Chine et l’Inde émettent respectivement 20% et 4% des gaz à effet de serre mondiaux. Cette stratégie serait donc catastrophique pour la planète.
Dans un pays comme la République démocratique du Congo qui abrite 7% des réserves d’eau douce mondiale, 17% des réserves forestières mondiales et une biodiversité unique, c’est le vieux monde qui affronte le nouveau. Réinventer et financer un modèle de croissance durable est impératif pour atteindre les objectifs de lutte contre la pauvreté sans anéantir tous les progrès en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Pour y arriver, les acteurs miniers doivent être en première ligne dans cette bataille. Ils doivent fournir des efforts pour un meilleur usage des ressources, notamment l’eau, à l’heure où 40% de la planète est impactée par les phénomènes de sècheresse. L’industrie minière doit également améliorer son impact sociétal en assurant un meilleur partage de la valeur créée et assurer une croissance verte et inclusive.
En somme, le développement économique est indispensable pour faire baisser la pauvreté. Parallèlement, la réussite d’un développement économique pérenne et respectueux de l’environnement est capitale pour répondre aux enjeux générationnels.
La République démocratique du Congo semble avoir pris la mesure des enjeux en question en engageant quelques réformes et en affichant une réelle volonté de créer un nouveau cadre favorable à l’environnement et à la redistribution des richesses. Toutefois, il faut être lucide. Cette bataille ne sera pas remportée sans la contribution de tous les acteurs.
C’est pourquoi toutes les parties prenantes doivent être mises à contribution, des acteurs nationaux aux partenaires au développement en passant par les acteurs du secteur privé, dont les exploitants des ressources naturelles.
Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser la digue du bassin du Congo céder, car cette zone revêt une importance symbolique. Pour l’importance de ses ressources dans l’économie mondiale, pour sa place au front de la lutte contre la pauvreté et le réchauffement climatique. Inverser la tendance sonnerait assurément la reconquête sur les deux fronts !