Dilemme cornélien pour tous ceux qui s’y sont risqués, l’aveu d’une aventure extra-conjugale demeure un cas de conscience épineux, oscillant entre un besoin irrépressible de se déculpabiliser et la peur panique de blesser, voire de perdre celui qu’on a trompé. Avouer ou ne pas avouer, telle est la question.
“Tu ferais mieux de tout me dire. Si je connaissais vraiment la situation, je tenterai d’y faire face”. Quand Monique, femme au foyer aimante et épouse dévouée, découvre que son cher et tendre l’a trompée avec une jeune et ambitieuse avocate, son monde s’écroule. Mariée depuis 20 ans, elle apprend en effet de la bouche de son “Maurice” que celui-ci a une aventure d’un soir, avant de finalement lui avouer petit à petit qu’il entretient une relation extraconjugale depuis plusieurs années.
Un aveu d’adultère aux allures d’électrochoc qui plongera la célèbre Femme Rompue de Simone de Beauvoir dans une lente descente aux enfers, mêlant perte d’identité et avide curiosité. “C’est plus fort que moi : je veux savoir ce qu’il y a. ‘(…) L’ignorance me ronge”, confie cette héroïne fictive emblématique, dans cette nouvelle écrite sous la forme d’un journal intime.
S’il est empathique, le lecteur considérera sans appel qu’il aurait sans doute mieux value, au nom de la santé mentale de cette quadragénaire, qu’elle n’ait jamais eut écho de cette infidélité et que son mari finalement, au lieu de maintenir les deux relations, se contente de la quitter en lui assurant un minimum de dignité. Bref, on se dit qu’il aurait mieux valu qu’elle ne sache rien. Et on n’a pas complètement tort.
L’infidélité, une relation entre soi et soi
“C’est une telle entorse au contrat explicite ou implicite qu’il vaut mieux garder cette infidélité pour soi, ne pas soulager sa conscience en se confiant à l’autre, car cela ébranle trop les fondations du couple”, explique Florence Escaravage, coach en amour et fondatrice du site Love Intelligence*. “Un couple n’est pas toujours une forteresse, il faut savoir le préserver d’un pas de côté qui peut puiser ses raisons dans une histoire personnelle qui ne regarde pas vraiment votre conjoint”, explique-t-elle.
Et pour cause, selon l’experte, une infidélité relève moins du désir pour un tiers que d’une pulsion pour se connaître soi, autrement, à travers un autre qui nous révèle un aspect inédit de notre individualité. “Une infidélité, c’est une relation entre soi et soi”, souligne la coach qui rappelle que cet aveu va créer une blessure narcissique qui ne va pas cicatriser facilement.
Au-delà de l’acte lui-même, cette incartade vient créer de nouvelles réalités comme celle d’un désir pour une autre personne, la rupture d’un accord ou d’un lien de confiance désormais bafoué.
L’art égoïste de soulager sa conscience
Une opinion que partagent de nombreux experts, qu’ils soient coach en amour ou professionnels de la psychologie, la majorité d’entre eux déconseillant fortement de succomber à la tentation de tout avouer. “Être honnête n’est franchement pas la meilleure des stratégies : cela va plus aider le fautif à soulager sa conscience qu’aider la relation en elle-même”, confirme la psychologue en ligne Deborah Duley.
Il ne faut surtout plus nier sinon l’autre peut devenir fou, perdre confiance, tourner en rond, et scléroser ainsi la relation
Plus que l’infidélité en elle-même, l’aveu est en effet majoritairement considéré comme une ultime manifestation d’égoïsme, l’infidèle souhaitant mettre fin à ses tourments moraux au détriment de la souffrance sentimentale qu’il inflige ainsi à sa moitié, qui n’a vraiment rien demandé. En faisant part de ses aventures extra-conjugales, il refuserait ainsi de se positionner en individu autonome et responsable, se déchargeant du poids de sa faute en la faisant porter par l’autre : “je suis tellement malheureux que, par ta faute, je suis obligé de te tromper et d’aller voir ailleurs.” D’autres y donnent une interprétation plus psychanalytique encore, celui (ou celle) qui avoue se mettant dans une position d’enfant qui, après avoir fait une bêtise vient quêter le pardon et requérir une certaine forme d’approbation. Soit.
“Nier, c’est dire que l’on ne peut plus se croire”
Seule exception envisageable : celle d’avouer lorsque le partenaire est déjà au courant ou émet des doutes sur l’existence avérée (ou non) d’une infidélité. “Dans ces cas-là, il ne faut surtout plus nier sinon l’autre peut devenir fou, perdre confiance, tourner en rond, et scléroser ainsi la relation. Continuer à lui mentir alors qu’il sait pertinemment ce qu’il s’est passé, c’est lui dire que l’on ne peut plus se croire, se parler, communiquer vraiment”, explique Florence Escaravage.
Si l’on se décide à tout balancer, attention toutefois à faire preuve de respect et de tact, en évitant notamment de rentrer dans des détails intimes ou de justifier son acte par des considérations culpabilisantes (“Je t’ai trompé car tu ne voulais plus coucher avec moi”.) Même dans ces moments, gentillesse et bienveillance sont de mise, tout en ayant conscience qu’une telle démarche de vérité ne sera pas nécessairement reçue comme le fautif l’espère : faute avouée ne sera pas forcément à moitié pardonnée. “Il faudrait un couple ultra-solide, éclairé, très connecté et c’est très rare. On peut croire aussi qu’on est capable de tout entendre, puis on se rend compte finalement que la blessure entache trop la relation”.
Alors, avouer ou ne pas avouer ? Certains psychologues tentent de rappeler qu’au-delà de toute tentation normativiste, il nous appartient de rappeler que chaque couple, chaque individu étant singulier, il peut s’avérer périlleux d’établir de façon péremptoire des présupposés règles de conduites et autres mode d’emploi amoureux.
Que la nature de la relation qui nous unit avec notre tendre moitié, notre complicité, les accords tacites ou explicites établis ou encore simplement notre personnalité, sont mieux à même de déterminer notre degré de transparence et sincérité. CQFD.