Flora Kouassi, présidente des femmes pâtissières de Côte D’Ivoire: « L’entrepreneuriat, ce n’est pas la poche de son frère ou de son mari« 

Femme dynamique et entreprenante, Mme KOUASSI née HOUSSOU Flora Pauline incarne la persévérance et la rigueur dans l’entrepreneuriat. Après avoir  débuté, avec 750 f/CFA, ses activités, pour devenir aujourd’hui la Directrice générale de‘’ Les Pâtisseries Flora‘’, Mme KOUASSI est propriétaire de trois pâtisseries à Abidjan. Elle est la présidente de l’Association des Femmes Pâtissières de Côte d’Ivoire (A.FE.P.CI) depuis 2012. Réélue en octobre 2017 pour un second mandat de cinq ans, ses efforts ont été couronnés en juin 2017. Elle a été distinguée ‘’Meilleure femme entreprenante et dynamique’’ de l’année et faite ‘’Ambassadrice du leadership féminin’’. Excellence, savoir, savoir-faire et savoir-être sont autant de valeurs qui caractérisent cette femme qui, la main sur le cœur, a décidé pour les internautes d’Afriquefemme.com de lever le voile sur son parcours inédit.

Pourquoi avez-vous choisi ce métier de pâtissier ?

Comme le dit François Salvat : « Le plus beau des métiers, c’est de vivre de sa passion. » Et la pâtisserie, c’est ma passion. J’ai aimé la pâtisserie.

Faut-il avoir une qualité ou un talent particulier pour exercer le métier de pâtissier ?

Je pense bien. Ce qui me paraît fondamental à ce sujet, c’est qu’il faut avoir un talent pour pratiquer le métier de pâtissier. Cela, parce qu’il y a deux genres de pâtissiers. Il y a le pâtissier calligraphe et le pâtissier simple. Si tu n’as pas le talent de pâtissier calligraphe, tu ne peux pas tenir dans la pâtisserie.

Quelle est la différence entre ces deux genres ?

Le pâtissier calligraphe en plus de faire les gâteaux, il est un bon décorateur et un bon dessinateur. Si vous voulez c’est celui qui  maîtrise l’art de la pâtisserie. Alors que le pâtissier simple est limité à faire seulement des gâteaux.

Comment se déroule une journée type dans votre métier ?

Je me laisse absorber par le travail. J’y suis tout le temps et je monte à 9h pour terminer à 20h.

Mettez-vous aussi la main à la pâte?

Oui ! Sans la main à la pâte, ça ne peut pas évoluer et ça ne peut rien donner. Parce qu’il est évident que ce que tu ne connais pas, tu ne peux pas demander à quelqu’un d’autre de le faire. Cela va de soi. Il faut alors connaître le métier d’abord avant que ça ne puisse évoluer. Il faut en être cultivé.
 
En combien de temps réalisez-vous un gâteau ?

(Rire). C’est vraiment délicat de déterminer un temps standard étant donné que les formats et le design des gâteaux varient. Pour le format des petits gâteaux, il faut entre 20 et 30 minutes pour la décoration. Mais, en y ajoutant la cuisson, comptons environ une heure. Il faut pétrir le gâteau, faire la cuisson puis le laisser refroidir avant de faire la décoration.

Qu’est-ce qui fonde votre amour pour métier ?

Je l’ai dit tantôt, il faut être passionné. C’est de l’art! Il faut aimer le métier et l’avoir dans le sang.

Avez-vous fait une école de pâtisserie, ou est-ce venue comme ça ?

Je n’ai pas fait d’école de pâtisserie. J’ai pris des cours sur internet pour mieux me former. Comme la base était déjà acquise, j’ai eu plus de courage et de détermination à continuer. Une chose est sûre, c’est qu’il est possible de voir les dessins, mais si tu n’as pas les pré-requis et les acquis nécessaires, il est évident que tu ne peux rien faire.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez au quotidien ?

Elles sont nombreuses, les difficultés que nous rencontrons quotidiennement. L’une des plus importantes est qu’on a trop de taxes. On est éprouvé. Au lieu de nous enseigner nos droits en venant vers nous, ou vis versa, on ne le fait pas. On ne fait que nous imposer des choses qu’on ne connaît pas. Ils viennent nous imposer des faits, nous effrayer, nous intimider. Et ça fait peur tout ça. Il faut avoir le cœur pour vraiment investir et pouvoir s’en sortir.

Et avec les clients, le personnel, comment ça se passe ?

Les relations entre les clients, le personnel et nous sont au beau fixe. Nous nous entendons bien, parce que le travail va de l’avant et c’est le plus important. Un client sur un nombre réduit va forcément se plaindre. Tout le monde n’a pas la même manière d’apprécier les choses.

Quel est votre meilleur souvenir (professionnel) ?

On a souvent envie que notre mérite soit reconnu. Et le meilleur souvenir à cet effet est le  prix que j’ai eu. En plus, j’ai été nommée présidente des femmes pâtissières de Côte d’Ivoire avec agrément. J’ai eu aussi le prix de la femme dynamique en 2017 qui m’a conférée le titre du leadership de la femme entrepreneure.

Faites-vous partie de la fédération des pâtissiers ?

Oui ! Bien entendu!

Depuis quand ?

J’ai eu deux mandats. Je suis à mon deuxième mandat. Je suis présidente des femmes pâtissières. On fait partie de la fédération.

Pour être un bon pâtissier, faut-il aussi être un bon entrepreneur ?

Oui ! Il faut être un bon entrepreneur. Il ne suffit pas d’être un bon pâtissier. Il y a des bons pâtissiers qui ne sont pas de bon entrepreneurs.
 
Vous avez deux pâtisseries. Avez-vous eu une aide financière pour agrandir votre entreprise ?

Ici c’est la base. On a des succursales et on ouvre bientôt aux Deux Plateaux. ‘’C’est au pied du mur qu’on voit le vrai maçon’’. Les gens n’ont pas confiance en nous. Ils ne financent pas comme il le faut. Sinon on pouvait faire plus que ça.

Est ce qu’il y a une aide financière au niveau des banques ?

Oui, un peu mais pas comme on le souhaite. Il te voit au pied du mur, mais ils vont te demander tellement de papiers, et cela prend du temps. Il faut 6 mois pour faire un dossier alors que tu es dans le besoin. Les gens ne nous aident pas réellement.

Existe-t-il des tendances dans la pâtisserie comme dans la mode ?

Oui, il faut innover à tout moment. Il faut créer. Il faut étudier la pâtisserie.

Comment appréhendez-vous les nouveautés d’ailleurs, avec Internet ?

Oui, mais il faut avoir aussi de l’imagination, être unique dans ce qu’on fait. Ce que la pâtisserie Flora fait, on ne le retrouvera pas ailleurs. C’est personnalisé. Il ne faut pas compter ce que l’autre a déjà fait.
 
Comment alliez-vous vie professionnelle et vie privée ?

Les deux vont ensemble. Il faut s’organiser, ne pas les mélanger.
 
Comment vous voyez-vous dans cinq ou dix ans ?
 
Je veux couvrir réellement le territoire ivoirien. C’est par manque de moyens. Les gens n’ont pas confiance en nous pour nous installer. On fait avec nos petits moyens au fur et à mesure.

Que conseilleriez-vous à une jeune fille qui souhaite faire le même métier que vous, même celles qui n’ont pas fait d’école de pâtisserie ?

Moi-même, je n’ai pas un bon niveau d’étude. Je n’ai jamais fait une école de pâtisserie, mais je forme des pâtissiers. C’est aussi un don. Si elles veulent faire la pâtisserie, il faut prendre cela au sérieux. Ce que Dieu te confit de faire, fait le avec vie, avec envie. Il faut aimer le métier. Il ne faut pas créer et fuir, c’est très important.

Que diriez-vous aux femmes qui ont peur d’entreprendre ?

Il est temps que la femme se réveille dans la tête pour dire que l’entrepreneuriat, ce n’est pas la poche de son frère, ce n’est pas la poche du gouvernement, ce n’est pas la poche de son mari. Tu peux être heureuse en créant quelque chose. Même si c’est au bureau, il faut être parmi les premiers. C’est très important de prendre ce que Dieu t’a confié au sérieux. On compte sur les autres pour évoluer. Non ! Il faut avoir de la force, être courageuse dans tout ce qu’on fait.