Gbagbo a parlé : « Autopsie » d’une interview historique

 

Le président Laurent Gbagbo avait envie de parler depuis longtemps. Mais, il avait pris la sage décision de parler qu’une fois libre, et chez lui en Côte d’ Ivoire. Cependant, pourquoi l’envie lui est venue maintenant, à 48h des élections que son parti et l’opposition ont décidé de boycotter par tous les moyens ?

A-t-il pris seul la décision ou sous pressions de ses communicants, ou de ses conseillers juridiques et politiques ? Dans tous les cas, le vin est tiré ; il faut le boire.

De prime abord, on constate que les mots constitution, troisième République, respect de la parole, respect des règles dominent de bout en bout la grande interview accordée par le président GBAGBO sur TV5 monde.

De toute évidence, GBAGBO a voulu d’abord s’adresser à Alassane OUATTARA, et à lui seul qu’il accuse directement de tous les maux. Car On le savait. Mais au moment où Alassane venait de dire quelques heures auparavant que GBAGBO va rentrer et qu’il prendrait des mesures spéciales, cela pose la question de la disponibilité des uns et des autres sur la question de la réconciliation.

Même sur la question de l’avènement d’une nouvelle génération d’homme politique GBAGBO s’oppose à ADO.

Il va jusqu’à ignorer les efforts des organisations africaines et internationales, et le gouvernement d’ADO pour nouer et renouer le dialogue avec l’opposition.

Enfin, il finit et insiste là-dessus. Il affirme haut et fort qu’il est résolument avec l’opposition dans sa désobéissance civile. Il ne tient même pas compte de la mise en garde de BENSOUDA et des Nations Unies. Et pourtant, le Président Gbagbo tient à préciser qu’il parle en tant qu’ancien Président de la République, ancien prisonnier de la Haye et ancien homme politique connu.

Justement avec cette riche expérience, pourquoi GBAGBO ne semble s’adresser qu’à ADO et à ses militants, au lieu de s’adresser à toute la Côte d’Ivoire? En outre, après dix ans de silence volontaire, pourquoi n’a-t-il pas dit un mot de compassion pour ses nombreux admirateurs qui sont morts pour lui et dont les parents continuent à porter et supporter les affres et les conséquences de leur engagement pour lui et lui seul ?

Pire, en faisant cause commune avec l’opposition qui prône le boycott actif, il  demande encore à ses militants de continuer le sacrifice. Est-ce que ce n’est pas trop leur demander encore, alors que ceux-ci ont soif de le voir, lui sain et sauf ?

Avec cette expérience de vieux combattant de la liberté et homme politique de terrain, comment GBAGBO peut-il croire que le boycott actif de 2020 pourrait-il réussir que celui que lui-même a conduit en 1995 contre Henri Konan BEDIE, son nouvel allié ?

Le boycott de 1995 n’a été véritablement suivi qu’à l’Ouest. D’où son échec. Jusqu’à aujourd’hui le boycott de 2020 n’est point suivi dans le Grand Nord. Même dans le grand Abidjan, il est peu suivi à Abobo gare, Adjamé, Anyama, Koumassi et Treichville. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Autrement dit, il serait très difficile que le boycott de 1995 qu’il a dirigé sur le terrain, soit différent de celui dont il a pris la direction depuis ce 29 octobre 2020 en étant à plus de 6000 Km d’Abidjan.

Par ailleurs, la confirmation par GBAGBO qu’il était bel et bien candidat, contrairement à ce que son avocat avait dit, replace l’unité du FPI au centre du débat à l’intérieur de l’opposition contre ADO. En effet, une opposition dirigée sur place par AFFI N’Guessan qui avait juré sur tous les toits que si GBAGBO était candidat, lui ne serait pas candidat.

A la question de savoir le message qu’il avait pour les jeunes qui ont aujourd’hui 18 ans et qui vont voter pour la première fois ce samedi 31 Octobre 2020, GBAGBO n’a pas répondu. En fait cela paraissait une question piège qu’il a su éviter intelligemment. Cependant, les jeunes de 18 ans qui ne l’ont jamais connu  auraient certainement voulu avoir un message du président GBAGBO,  ne serait-ce que pour les rassurer sur leur avenir au lieu de la catastrophe prédit après le 31 octobre 2020: d’autant plus qu’il a manifesté son admiration pour les jeunes militants qui étaient fans de lui quand il était au palais.

Enfin et pour terminer, GBAGBO avec cette interview confirme que c’est un homme qui n’a non seulement peur de rien, mais aussi qu’il est un homme qui n’a pas peur de prendre des risques. Car en pariant sur la catastrophe de l’après 31 octobre, il prend à témoin tous les ivoiriens et le monde entier.

En un mot comme en cent, pour sa première sortie médiatique depuis 10 ans, beaucoup de personnes l’attendaient. Mais tout le monde n’a pas été servi pour le moment. Attendons peut-être après le 31 octobre 2020. Wait and see !

 

Par Alex comoé