Hamback et la générosité

 

Après des décennies de dignes et loyaux services à l’Etat de Côte d’ivoire, le Premier ministre et ministre de la Défense, Hamed Bakayoko a tiré sa révérence le 10 mars dernier, en Allemagne, dès suite d’un cancer fulgu­rant. Un décès qui déclenche une onde de choc non seulement dans le mi­lieu politique, mais aussi dans toutes les composantes de la société ivoirienne. Allô Police met ici en lumière la dimension humaniste de l’illustre disparu. Veuves, orphelins, démunis… le pleurent et témoignent…

HAMBAK, l’homme des défis

‘’ Si Hamed Bakayoko est devenu Premier minis­tre, c’est parce qu’il sait saisir sa chance dans tout ce qu’il fait Voilà ce qu’il déclarait en ré­sumé lors d’une intervention en tant que Pre­mier ministre’’.

HAMBAK :

« Le plus important pour moi, c’est le travail. Le travail bien fait. Être capable de saisir les opportunités et d’en tirer profit. Moi, j’ai presque tout fait. Boite de nuit, restaurant, radio, journal, studio d’enregistrement, pro­duction d’artistes… etc. Je n’ai malheureuse­ment pas fait de longues études. Ce déficit qui peut être vu comme un handicap dans lequel j’évolue. A chaque fois que je suis nommé quelque part, on dit « le poste est trop gros pour lui ». Par la suite, mes résultats me don­nent raison et quand on m’enlève de là, ces mêmes personnes se plaignent : « pourquoi vous enlevez Hamed de là ? ». J’ai toujours vécu avec Le complexe : « il ne peut jamais faire » et au final Je fais. Vu que Je n’ai pas de grands diplômes, on est à fois plus exigeant envers moi, alors je travaille 3 fois plus pour être au-dessus des challenges qu’on me confie. Je n’ai pas fait les grandes écoles mais j’ai fait la plus essentielle, celle de la vie. N’ayez pas honte de ce que vous êtes, n’ayez pas honte d’où vous venez. Travaillez ! Le travail corrigera tout ça », affirmait-il tout fier. Voilà ainsi présenté Hamed.

Sinon, avec un niveau de 2e cycle d’études de médecine à la faculté de médecine d’Abidjan (1988-1990), rien ne te prédisposait à un avenir radieux. Mais Hambak, comme l’appellent les intimes, est pragmatique. Il sait qu’avec un tel niveau en médecine, il ne deviendra guère mé­decin.

Très vite, il change de cap. Il faut dire qu’il avait déjà le virus de la communication en lui dès le collège. A cette époque, l’élève Hamed Bakayoko dirigeait le journal du Collège Mo­derne d’Adjamé. Tribun, il est né aussi leader. Raison pour laquelle, il s’intéresse et devient responsable d’associations estudiantines no­tamment l’amicale des élèves et étudiants ivoi­riens au Burkina Faso où il a fréquenté l’école en 1986, et en 1990 le Mouvement des étudiants et élèves de Côte d’ivoire (MEECI).

Les affaires n’avaient pas de secret pour lui

Après un cursus universitaire éphémère, l’étu­diant Hamed se lance dans les affaires. Récem­ment, le célèbre homme de la nuit, Innocent Bokolobango a fait des révélations inédites sur l’illustre disparu sur le site de viberadio.

Il déclare avoir conseillé à l’étudiant ressortis­sant de SEGUELA de s’investir dans l’industrie de la nuit. « Je lui ai proposé d’acheter son premier night- club dans la commune du Pla­teau « La java ». Ayant le sens des affaires, le business décolle aussitôt. Avec ces économies, il achète un second night- club nommé « La Piedra discothèque ». Le succès est également au rendez-vous. L’appétit venant en mangeant, le golden Boy de la nuit s’investit dans l’évé­nementiel avec le label : ‘‘Mayama Production”. Au menu, organisation de spectacles et pro­duction d’artistes. Le costume de mécène lui va à merveille. Des artistes tels que DJ Arafat sont passés par là. Et Hambak a bonifié ces pépites.

« Hambak fait partie des premiers promoteurs ivoiriens à organiser à Abidjan, les premiers concerts des artistes congolais que sont : Koffi Olomidé, wengue Musica, JB Mpiana à travers sa structure Mayama production », avoue l’ex- compagnon du ministre.

Après quoi, en 1999, quand Alassane Ouattara, ex-Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny créé le RDR, Hamed y voit une aubaine pour lancer le journal de combat « Le Patriote » qui devient le journal de référence de ce parti d’opposition. Et ce n’est pas tout. Hambak de­venu le bon petit du couple Ouattara se voit confier la gestion de Radio Nostalgie. Il impose cette station radiophonique comme un passage obligé pour tout artiste chanteur d’Afrique. La légende continue aujourd’hui…

La Fondation Mayama au secours des démunis

Très sollicité pour les aides par les femmes et la jeunesse démunis, il se lance dans l’huma­nitaire pour soulager les plus faibles. Mieux, au lieu de leur offrir toujours du poisson, il veut leur apprendre à pêcher. Cette idée sera concrétisée par la création de la Fondation Mayama en 20iq. Mayama est le nom de sa mère, décédée en 1973.

HAMBAK, c’était le soutien à la jeunesse à travers des projets…

Son slogan : « Pour la promotion de la femme et de la jeune fille ». La Fondation Mayama est une organisation apolitique, laïque à but non lucratif. Ses missions sont nobles : promouvoir les droits des femmes et des jeunes filles, pro­mouvoir l’autonomisation des femmes et des jeunes filles, aider à l’autonomisation des jeunes désœuvrés, promouvoir les droits des enfants de la rue, soutenir les personnes en difficulté. Pour accomplir ces missions, le ministre s’in­vestit à fond dans la scolarisation plus accrue des filles ; la protection des droits de ta femme ; l’accès des femmes aux moyens de produc­tions ; l’accès des femmes aux crédits et aux sources de financement ; une meilleure repré­sentativité des femmes dans les instances de décisions ; la lutte contre la discrimination et les violences basées sur le genre.

Des milliers de bénéficiaires pris en charge

 Depuis 7 ans, chaque année, des milliers de jeunes et démunis bénéficient de ses lar­gesses. L’éducation étant le plier fondamental de toute promotion, la Fondation Mayama a inscrit dans son programme phare, la construction d’un lycée de jeunes filles avec internat et toutes les commodités modernes propices à une instruction de référence. C’est ainsi que le ‘‘ Lycée Moderne des jeunes filles de Séguéla ’’ voit le jour en 2015. C’est une école d’excellence. Le coût est estimé à 3 milliards de francs pour un effectif de plus de 500 élèves. La Fondation Mayama a décidé de la gratuité du transport et de la nourriture pour les élèves du lycée moderne des jeunes filles de Séguéla. Les apprenantes de cet établissement situé à trois kilomètres du centre-ville, à l’entrée sud, sont transportées à bord de deux cars ayant trois itinéraires, à savoir du lycée à l’ANADER, à la sortie nord de la ville, du lycée à l’ex- camp de l’ONUCI et du lycée au collège le Worodougou. Ce qui concourt à un maillage quasi complet de la ville. Là-bas, c’est le système de journée continue qui y est pratiqué. Chaque année, les meilleurs élèves sont récompensés.

Dans son élan de bienfaisance en faveur de la promotion de la femme, la Fondation Mayama a aussi parrainé deux prix à l’occasion de la Finale « 2e édition » du Concours Féminin d’Art Oratoire et de débats, le mercredi 6 mars 2019, à l’institut Français d’Abidjan-Plateau. A cette occasion, les lauréates classées 2ème Meilleure Oratrice et 2ème Meilleure de Débats au niveau des Lycées se sont adjugées ces deux Prix, entièrement financés par la Fonda­tion du Ministre d’Etat, M. Hamed Bakayoko. Ce concours est une initiative de l’ONG Appui au Développement de l’Art, la Culture et l’Education en Côte d’ivoire (AUDACE CI).

Par ailleurs, la Fondation Mayama et FulIBoss Agency (The CAGE) organisent chaque fin d’année, une caravane dénommée : « Les 10 stations du père Noël ». L’objectif des organi­sateurs est d’apporter le sourire et un brin de joie dans les cœurs des personnes défavori­sées en sillonnant les 10 communes d’Abidjan.

DES VEUVES ET ONG TEMOIGNENT

Les témoignages des bénéficiaires sont inter­minables. filous avons choisi les plus émou­vants. En avril 2020, la pandémie de corona- virus touche la Côte d’ivoire. Les rassemble­ments et certaines activités sont interdits.

Dame Man Hélène, septuagénaire à Abobo et sa famille ont faim. Elles ne savent plus à quel saint se vouer. Sa fille qui faisait du poisson braisé les soirs pour subvenir aux charges de la maisonnée de 10 personnes ne peut plus l’exercer. Une décision gouvernementale qui tombe mal. Désespérée, la vieille dame lance un cri du cœur via Facebook. Voici la teneur.

« Mon fils Hamed Bakayoko, notre maire d’Abobo, je m’adresse à toi. Viens à mon se­cours. Il y a ma fille qui vendait du poisson à la braise. Elle ne vend plus. Elle veut même fuir pour me laisser. Viens à mon secours. La faim va me tuer. J’ai faim. Je n’ai pas de mari ni de parents même. Pardon, viens à mon se­cours ».

Les heures qui ont suivi, la vidéo devient virale sur les réseaux sociaux. Elle est partagée des centaines de milliers de fois. Des amis et fils du Premier ministre lui envoient la vidéo. Le maire d’Abobo est ému. Il faut faire quelque chose dare-dare. Une délégation composée de collaborateurs du maire est aussitôt en­voyée au domicile de la vieille femme avec les mains chargées de vivres (riz, spaghetti, sar­dines, bidons d’huile…) et d’une somme de 300.000 francs.

Trop émue, la bénéficiaire fond en larmes. Avant d’égrener un chapelet de bénédictions en langue et en français à l’endroit du géné­reux donateur.

« Merci mon fils. Je n’ai plus de garçons parmi mes enfants. Quand je suis arrivée à Abidjan, mes deux garçons sont décédés. Il ne me reste que des filles. Mais aujourd’hui grâce à toi je ne manque de rien, je te remercie beaucoup. Que Dieu te bénisse ! (en larmes). Je ne m’at­tendais pas à cela. Depuis que j’ai perdu mon mari en 1990, je n’ai plus de soutien. Les pa­rents de mon mari sont morts. Nous sommes dix dans la famille. C’est ma fille qui nous pre­nait en charge, mais elle est malade. On n’avait rien à manger. Je suis allée m’installer à Korhogo avec mes enfants. Mais quand la guerre a éclaté, je suis revenue avec mes en­fants à Abidjan. Papa, merci que Dieu te bénisse. (en larmes). J’ai un petit-fils qui m’envoie de temps en temps 1000 francs… », révèle-t-elle au téléphone au ministre.

HAMBAK :

« Mes amis et mes enfants m’ont envoyé ta vidéo dans laquelle tu me demandais de l’aide. J’ai été ému et très sensible. Je pense que tu as été courageuse dans la vie. Tu peux compter sur moi. (…) Ne t’en fais pas. Je suis ton fils. Désormais, on va pouvoir s’appeler pour échanger comme un fils et sa mère. On va te donner mon numéro de téléphone et je vais prendre le tien. On va s’appeler sans intermé­diaire. Dieu est grand et bon. Il y a une souf­france sans fin. Du courage maman, tu peux compter sur moi. Je vais t’appeler plus tard quand il y aura moins de personnes et je vais voir comment aider votre fille dans son com­merce afin qu’elle puisse continuer à aider la famille. Je t’embrasse très fort », a répondu le ministre.

Quant à Dame Bakayoko née Touré Mariam, présidente des veuves et démunis d’Adjamé, c’est en larmes qu’elle s’est adressée à nous quand elle a appris la disparition du premier ministre.

« Notre GOLDEN BOY où es-tu ? Pour­quoi si tôt Tu étais là à travers ta FONDATION MAYAMA pour nous tes veuves et nos orphe­lins. Tu nous as abandonnées comme l’a fait SEM AMADOU GON COULIBALY. Je suis sans voix, je suis dépassée, dévastée : Héee Allah, je suis croyante, mais Seigneur mon cœur est en peine. Toute âme goûtera à la mort. Merci Sei­gneur Allah accorde lui ta miséricorde et le paradis comme récompense pour toutes les bonnes œuvres qu’il nous faisait à chaque ra­madan. Nous les veuves et nos orphelins adressons nos sincères condoléances à la Veuve BAKAYOKO, ses enfants, sa famille BAKAYOKO, la Nation ivoirienne. Allah renforce notre foi et aide-nous à rencontrer des âmes généreuses comme AGC ET HAMBAK. REPOSE EN PAIX NOTRE BIENFAITEUR GOLDEN BOY. Merci », a-t-elle déclaré.

Gnaprahio, village de Didier Drogba, a aussi bénéficié de l’aide financière du Golden Boy. le 3 août 2018, la fondation Mayama a fait don de 5 millions aux habitants de ce village dont 3 millions pour la réhabilitation d’une école primaire et 2 millions pour les activités créa­trices de revenus des femmes du village. Ainsi qu’une foultitude de jeunes femmes et d’ONG ayant aussi bénéficié des largesses du ministre philanthrope.

Enfin qui ne se rappelle pas encore l’orga­nisation marathon et gigantesque des funé­railles de Dj Arafat « fils » du premier ministre, fin août 2019. C’est grâce au Golden Boy que l’Etat a tout pris en charge. On parte de plus de 150 millions de francs CFA. Et d’ailleurs, la famille de la star du coupé-décalé lui est tou­jours reconnaissante. Sans oublier, les artistes en herbe qu’il a rencontrés dans la rue et qu’il a bonifiés pour en faire des artistes confirmés, les témoignages fusent de partout quant à la bonté de l’illustre disparu. Hamed était un hu­maniste. Un humain qui partageait. Raison pour laquelle, sa disparition brutale affecte des millions d’ivoiriens et d’Africains.

 

KONE SIBIRINAN

 Source : ALLO POLICE ! N°582 du 15 au 21 mars 2021 page 12