PARTIE I : LA VIE POLITIQUE DE LA COTE D’IVOIRE DE 1989 A 1993
I. La maladie d’HOUPHOUET et l’arrivée d’un inconnu dans le marigot politique ivoirien
Avant 1989, très peu d’hommes politiques connaissaient Alassane Dramane OUATTARA. Il en est de même pour la majorité des populations ivoiriennes.
Tout commençait avec les remous sociaux des années 1989. Au plan interne, HOUPHOUET était vieillissant et malade. Son souci n’était plus tellement l’avenir, mais plutôt comment bien finir sa vie avec Dieu et les hommes. Pour Dieu, il accélérait la finition de la construction de la plus grande Basilique du Monde sur ses terres de Yamoussoukro. Pour les hommes, il fait venir un technocrate qui n’avait jamais travaillé en Côte d’Ivoire, et qui de surcroit, ne lui posait aucun problème politique. Car il soupçonnait dans son entourage politique immédiat un certain empressement à se débarrasser de lui. Effectivement avec l’âge et la maladie du Président HOUPHOUET, on s’affairait sur l’après HOUPHOUET. Également, La France se préoccupait de l’avenir de la Côte d’Ivoire après HOUPHOUET. D’autant plus que la rue grondait. On le traitait de « voleur », il en était terriblement meurtri et seul. Contrairement aux autres Présidents africains, HOUPHOUET n’a pas associe ses enfants au Pouvoir. Il disait fièrement qu’il avait fait la politique pour des générations d’HOUPHOUET.
C’est dans cette atmosphère chargée qu’ADO apparaissait pour la première fois, pour juguler la crise économique. Ce qu’il réussit très bien. Les ivoiriens quittent et reprennent le travail. L’économie cessait de battre de l’aile.
Au niveau social et économique, l’espoir renaissait. Mais au niveau politique national, on aiguisait les couteaux avec les acteurs suivants en présence :
- la nomenclature clanique autour d’HOUPHOUET veillait au grain. Il n’était point question de perdre le pouvoir suprême qui leur appartenait depuis de plus un quart de siècle ;
- un peu plus loin le Parti Etat, le PDCI RDA cogérait le Pouvoir avec HOUPHOUET depuis la lutte pour l’indépendance ;
- Avec enfin l’ouverture Démocratique, la gauche et les intellectuels piaffaient d’impatience pour obtenir l’alternance au Pouvoir.
Il y’a un quatrième groupe qui ne suivait même pas ou qui s’intéressait à peine à ce qui se tramait dans la Maison HOUPHOUET. Alassane faisait partie de ce groupe avec de nombreux autres technocrates et autres composantes de la nation ivoirienne en construction telle que conçue par le père de la Cote d’Ivoire moderne. En outre être Premier Ministre, surtout Tout Premier Ministre d’un homme d’Etat aussi Puissant qu’HOUPHOUET en cette période cruciale, faisait d’Alassane une personnalité énigmatique à surveiller de près. Car les caciques du PDCI se sont rendus compte que cet Homme qui n’était pas prévu et attendu va tôt ou tard compter dans l’avenir du pays après HOUPHOUET. Or il ne faisait pas partie de ceux qui ont construit le Parti. Mais de son poste de Premier Ministre, il a commencé à avoir ses entrées dans le Parti. Cette entrée fracassante au sein de l’appareil du Parti unique, instrument du pouvoir, ne plaisait pas à tout le monde. Il y a ainsi le Groupe YACE composé des premiers compagnons de route et de fortune d’HOUPHOUET. C’est à dire ceux qui pouvaient légitimement prétendre à la succession au sein du PDCI et le groupe BEDIE qui s’appuyait d’abord sur le clan animé par KONAN BANNY et Camille ALIALI. Visiblement, BEDIE avait les faveurs du Président HOUPHOUET.
Ainsi, HOUPHOUET avait méticuleusement pris le temps de neutraliser Phillips YACE renvoyé au Conseil Economique et Social après avoir été éjecté de l’Assemblée Nationale, pour laisser la place à BEDIE. Donc dans la tête de BEDIE, le seul véritable obstacle pour son avènement au Pouvoir suprême n’était plus que HOUPHOUET lui-même. Donc toute tentative de ressusciter politiquement HOUPHOUET était mal vue.
Phillipe YACE Jean KONAN BANNY
Et la personne qui incarnait cette politique de résurrection du Vieux n’était autre qu’Alassane Dramane OUATTARA. Aussi envoyait-il, de temps en temps, ses lieutenants pour pourfendre aussi bien la gestion économique que politique du Premier Ministre. Laurent Dona FOLOGO dirigeait cette offensive. Alassane comprit très vite que politiquement, il était dans le collimateur aussi bien des caciques du PDCI et d’une certaine France aux mains de Chirac. Car la France le soupçonnait d’être un sous-marin américain dans le meilleur de son pré carré, d’autant qu’il hésitait à faire recours aux conseillers technique français qu’on lui proposait.
Il lui fallait rapidement trouver une parade politique à son isolement. Ce n’était pas compliqué pour lui car sa gestion des affaires de l’Etat a créé dans l’opinion publique une certaine sympathie. En outre, les attaques personnelles contre lui et ses origines dans la presse et certains milieux politiques ont poussé des gens et des régions à s’identifier à lui. Pour sa contre-attaque il alignait au centre un brillant intellectuel et grand tribun issu du PDCI. Le vin est tiré il faut le boire. C’est dans ce contexte chargé que le Président Felix HOUPHOUET-BOIGNY tire sa révérence le 7 août 1993, après son retour, quelques jours plus tôt en avion sanitaire médicalisé.
A la mi-journée du jour de 07 août 1993, le Premier Ministre Alassane OUATTARA annonçait à la nation ivoirienne la mort du père fondateur. Le dauphin constitutionnel était le Président de l’Assemblée Nationale. Donc normalement la passation devrait avoir lieu et surtout être organisée par la loi. Contre toute attente le Ministre des Affaires étrangères un cacique du PDCI annonçait sur les antennes sa démission du Gouvernement. Et le soir BEDIE déclara à la Télévision nationale qu’il prendrait ses responsabilités et demanda a tout le monde de se mettre à sa disposition. A ce moment, tout pouvait arriver d’un instant à l’autre.
Alassane OUATTARA |
Un témoin des évènements racontait sa part de vérité ; « …la France proposait qu’ADO soit reconduit à la Primature, mais il refusa catégoriquement. BEDIE forma son Gouvernement et ADO quitta la scène politique officielle pour rejoindre le FMI comme DGA un poste spécialement crée par son ami français Michel CAMDESSUS, alors Directeur Général du Fonds Monétaire International… »
Ainsi, l’ancien Premier Ministre quitta la scène nationale pour cette fois la scène internationale. Les observateurs de la politique en déduisaient que l’affrontement entre ADO et le système PDCI est inévitable à moyen et long terme. Chacun de son côté détenait une arme. BEDIE, l’appareil de l’Etat et ADO, l’appareil des relations internationales…
A suivre…….