HOUPHOUET, BEDIE ET LE COMPLOT DU GENERAL KOUASSI (Deuxième partie)

 

C-LE DEPART DE CESAREO

Nous étions en train de terminer un briefing quotidien par une matinée exceptionnellement pluvieuse lorsque le président, après ses remarques finales, m’informa que notre précieux ingénieur pour les infrastructures, Césaréo, venait de lui remettre sa démission, se plaignant d’épuisement physique et mental après treize années à ce poste. Sachant combien j’étais proche de Césaréo, le président Houphouët me demanda d’essayer de lui parler afin qu’il reconsidérât sa décision. Je partageais l’avis du président ; perdre l’ingénieur consti­tuerait un problème majeur, qui résulterait en l’élimination du mur financier sans brèche qui avait fait ses preuves depuis que le schéma avait été adopté. Je m’en allai rencontrer Césaréo et son épouse dans leur charmante maison pour discuter de la question autour d’une tasse de thé.

Alors que j’abordai le sujet, Mme Césaréo me regarda droit dans les yeux. Très tendue, elle avança sur le rebord de son siège et exprima ses sentiments : « Docteur Berrah, je dois vous dire que, depuis quelque temps, mon mari est sujet à des insultes vicieuses et attaques verbales de la part de certains ministres et officiels du gou­vernement qui refusent d’appliquer le règlement. Il y a des moments où ils vont jusqu’à rejeter ses demandes quant à certains fichiers et autres documents. Je prie que mon mari ne succombe pas à la dépres­sion, ou pire, qu’il ne soit pas victime d’une crise cardiaque. Je préfé­rerais quitter la Côte d’ivoire en le tenant par la main plutôt que de m’en aller avec son corps dans un cercueil. » Elle prit la main de son mari et la tint fermement. Ses mots m’allèrent droit au cœur et je ressentis la tristesse profonde dans l’air. Il est vrai qu’il s’était plaint à moi dans le passé d’entretiens avec certaines personnes au carac­tère menaçant qui étaient lasses de son approche droite et stricte.

J’avais apaisé ses préoccupations en plusieurs occasions mais cette fois c’était tout à fait différent, je ne pouvais pas supporter d’avoir à porter sur la conscience une occurrence adverse. « Je voudrais que vous sachiez que je respecte votre décision et vous assurer également que vous nous manquerez beaucoup. Merci pour tout ce que vous avez fait pour notre pays. » Le président organisa une cérémonie d’adieu à Yamoussoukro pour exprimer sa gratitude vis-à-vis des services rendus à la nation. Il lui décerna une médaille d’honneur au cours d’une cérémonie hautement émouvante. Nous étions très tristes de le voir partir.

A suivre…

Source: LES MEMOIRES DU Dr BERRAH (Ancien conseiller du Président Felix HOUPHOUET BOIGNY)