Le mot jahilia véhicule le critère de discernement entre l’islam et le contraire de l’islam. Le mot jahilia, quatre fois répété dans le Coran, fustige la mécréance, la mal-gouvernance, l’avilissement de la femme et la fureur virulente du tribalisme jahilien.
A chaque époque sa forme de tribalisme, de mécréance, de mal-gouvernance, de dévergondage et d’injustice. Je recours à la racine du mot jahilia et le traduis par deux mots : Ignorance et Violence que j’écris en majuscules pour mettre en relief les traits saillants et permanents de la jahilia.
Il y a de la jahilia partout où l’homme ignore ce pourquoi il existe, où les sociétés (nominalement musulmanes ou pas) se gouvernent mal, où la femme est avilie, où ce sont les impulsions instinctuelles violentes qui règlent les différends et non l’esprit d’équité.
Je consulte le Coran et l’enseignement du Prophète pour faire ressortir le Savoir et le devoir de non-Violence. J’écris Savoir avec une majuscule et j’écris Science au singulier avec majuscule pour passer d’un univers conceptuel que nous avons longuement écouté à un autre univers.
Le mot Science au singulier et avec majuscule n’a pas la même signification que celui que j’ai employé jusqu’ici parlant des savants philosophes d’avant-garde pour qui les multiples certitudes de fait et sur le plan de la concrétude se dissipent et se volatilisent au niveau de la théorie. Les savants d’avant-garde, désespérés de ne pouvoir atteindre par leurs moyens une connaissance ferme et absolue, se résignent à tâtonner et à passer d’une discipline scientifique à un système philosophique, à la quête d’une vérité absolue de plus en plus fuyante, de plus en plus hors de portée.
Nous, qui avons la foi par la grâce de Dieu -loué soit Dieu- nous parlons de Science et de Savoir pour exprimer la Vérité révélée en partant de nos principes et en utilisant notre système notionnel, celui du Coran. La question, cher frère, chère sœur, n’est pas: quel Savoir peut nous offrir la Révélation?
La question est de savoir si nous sommes prêts à ouvrir notre esprit pour écouter, si nous avons le temps d’écouter et si l’angoisse existentielle effleure notre cœur. Mais si on a arrêté définitivement notre choix, calés confortablement dans notre position, dans notre sanctuaire égoïste, à rien ne servira de faire des objurgations
Si l’on se pense libellule éphémère et si l’on s’accepte coquille vide, toute tentative de nous convaincre de lire le Coran ne sera qu’un agacement insupportable. Cela ne m’empêchera pas d’insister encore; la compassion humaine et le poids du fardeau que tout musulman conscient de sa responsabilité ressent ne me laisseront pas décourager.
La Science que le Coran enseigne et que la fitra primordiale peut capter le plus naturellement du monde est que je ne suis pas là par hasard et pour rien. Deuxième degré de la Science: le Coran me communique la Grande Information, celle qui embrasse ma vie et qui l’accompagne depuis ma naissance jusqu’à mon passage de cette existence éphémère sur la terre à la Vie Dernière pour répondre de mes actes et être récompensé ou puni ad eternam.
La simplicité de cette Science et la modestie -ou la grande ambition- de l’Information peut prêter au rire et au persiflage chez les têtes fortes cadenassées dans leur suffisance: oser parler de ces choses-là à des esprits bien formés, quelle naïveté et quelle niaiserie!
Les dents cannibales des sceptiques sont acérées et la pusillanimité conformiste dressera des barrages infranchissables pour endiguer cette “mauvaise littérature”, à moins qu’une soif spirituelle et que le désabusement qu’expriment les rationalistes désespérés de trouver un sens à la vie et à la mort ne dégagent un être capable de s’étonner d’être là pour le libérer de la cabane culturelle où il est otage.
Le mordant de la critique incrédule n’importera plus, et on mettra l’argumentation des ignorants violents sur le compte de l’inconscience des natures rouillées et satisfaites d’une existence animale sans angoisse métaphysique.
Les repoussoirs que notre imagination ou notre manque de courage nous dépeignent sont autant de chimères gardant l’entrée de grottes cauchemardesques. Le mauvais argument que représente l’exemple des guerres tribales en Afghanistan et l’atrocité des tueries d’Algérie injustement imputées aux islamistes, est la pièce maîtresse dans le dossier des pourfendeurs de l’islam.
Un mauvais procès est intenté à l’islam devant les tribunaux d’Occident où le juge est partie prenante intéressée, où les procureurs sont corruptibles et les avocats de la défense soudoyés. Le verdict est formel et sans appel: l’islam est le grand coupable, islam égale fanatisme, obscurantisme, terrorisme. J’épargne au lecteur les arguties interminables de la parodie d’une « justice » à deux poids deux mesures.
L’Occident qui a mis en branle des armées immenses durant les deux dernières guerres mondiales, qui a permis la mise en fonction de l’arme nucléaire et dont l’économie prospère grâce, en partie, au commerce des armes, est innocenté et l’islam, parfait bouc émissaire, est accusé de violence au bruit de la moindre pétarade dans le monde.
Les Musulmans (avec une majuscule), nationaux de pays musulmans ou membres de tribus musulmanes, ne sont ni les premiers hommes ni les derniers à casser leur engagement et à trahir leurs principes.
Je ne suis pas en train de défendre les actes répréhensibles de quelque homme désespéré (ou de quelque organisation se proclamant islamique) qui réagit avec violence à une situation intolérable d’iniquité, et qui se trouve être musulman. La violence, qu’elle soit légitimée ou pas, n’est pas dans les principes de notre Loi.
Le principe de non-Violence est un principe indiscutable de la Loi islamique que nous proclamons haut et fort. La non-violence d’un Ghandi, politiquement efficace, et la bonhomie du chrétien qui offre benoîtement la joue gauche quand on l’a giflé sur la droite ne correspondent pas à la non-Violence (avec une majuscule) de l’islam.
Défendre le Message est un autre principe sacré qui ne va nullement à l’encontre de celui énoncé plus haut; le modèle du Prophète qui a guerroyé pendant treize ans contre, justement, la furie tribaliste a donné l’exemple de la non-Violence.
Au cours de cinquante affrontements menés vaillamment, et dans les règles de l’art, il nous a donné l’exemple de la résistance irréductible contre toute agression, mais sans acharnement et sans démesure: Le nombre de victimes pour tous ces affrontements fut de part et d’autre neuf cents tués sur les champs de bataille.
Les prisonniers étaient libérés contre rançon ou sans rançon, jamais ils ne furent tués ou maltraités. Les femmes, les enfants et les vieillards étaient toujours épargnés et humainement traités. Le Prophète interdisait aux armées de l’islam de couper ou de nuire à la végétation; de nuire à l’environnement en langage moderne.
Il est vrai qu’à l’époque il n’y avait pas d’orgues de Staline ni de kalachnikovs à vous moissonner les gens avec l’efficacité diabolique que l’on sait. Il n’y avait pas l’arme qui vous grille en un clin d’œil une ville de plusieurs millions d’habitants. Il n’y avait pas d’armes chimiques à vous abîmer l’environnement pour des décennies et à vous laisser des séquelles jusque dans vos gènes. Il n’y avait pas à l’époque de l’islam originel la technique moderne qui d’année en année se surpasse dans l’industrie de la mort.
Ce qu’il n’y avait pas surtout dans le cœur et dans l’intention du Prophète et de ses combattants, c’est la hargne et l’acharnement jahiliens qui animent aujourd’hui la folie furieuse de la violence moderne: chaque vingt minutes un enfant ou une paysanne sautent sur les mines anti-personnelles enfouies sous le sol des pays du Sud. Il y en a, disent les experts, cent dix millions dans les pays pauvres et déchirés comme l’Angola, le Mozambique ou le Cambodge. Il y en a zéro virgule zéro sous le sol des pays producteurs, des millions dans leurs entrepôts, prêtes à être exportées.
La folie furieuse de la violence moderne va de pair avec l’Ignorance qui aveugle les esprits et transforme l’homme en loup pour l’homme. Les sciences modernes, mères de la technologie efficace, elle-même ingénieur des instruments de mort, sont au service de l’ignorance jahilienne. L’antique jahilia du temps du Prophète n’avait pas à sa disposition le monstrueux arsenal de la violence savante moderne.
Notre Prophète a laissé l’enseignement du rifq clairement énoncé dans des Hadiths comme celui-ci que nous rapporte Mouslim dans son recueil: « Dieu est clément et aime la clémence. Il accorde par le moyen du rifq (le résultat) que ne peut donner la violence ». Le mot rifq est riche de significations. Pour le traduire, il faut évoquer toutes les connotations du Coran et du Hadith, ainsi que l’illustration vécue et l’exemple donné par les Prophètes, Grâce et Paix sur eux. Serait pertinente la traduction-explication qui alignerait devant rifq les mots français: clémence, douceur, tolérance, bonté, don, pardon, mansuétude et compassion.