Le nom de Jacques Chirac, décédé jeudi 26 septembre, apparaît dans plus d’une dizaine d’affaires judiciaires. Longtemps protégé par l’immunité présidentielle, il est devenu le premier chef d’État français à avoir été condamné en justice.
Il n’avait jamais mis les pieds dans un palais de justice en tant que prévenu. Si la carrière politique de Jacques Chirac, mort jeudi 26 septembre, a longtemps été placée sous le signe des affaires judiciaires, l’ancien président a bénéficié de ce que Le Canard Enchaîné qualifiait en 2009 de « 30 ans de baraka judiciaire ». Ce qui ne l’a pas empêché au final de devenir le premier président français à être condamné en justice, en 2011. Mais Jacques Chirac, en mauvaise santé, n’avait pas pu se déplacer au tribunal.
« Abracadabrantesques », des accusations « qui font pschitt ». Protégé par le statut de président, qui ne peut pas être poursuivi en justice tant qu’il est en exercice, Jacques Chirac a toujours nié vigoureusement et avec son sens coutumier du bon mot avoir quoi que ce soit à se reprocher. Et durant ses presque douze ans à la tête de l’État (1995-2011), il a passé du temps à se défendre car son nom est apparu dans plus d’une dizaine de dossiers.
« Abracadabrantesque »
Chemin de croix judiciaire
Le plus emblématique, et qui finira par lui valoir sa condamnation à deux ans de prison avec sursis, concerne les emplois fictifs à la Mairie de Paris. La justice s’est intéressée, dans deux affaires distinctes, à un total de 28 postes distribués à des amis ou alliés politiques entre 1990 et 1995. Mais au-delà de cette trentaine d’emplois, c’est le procès de tout un système clientéliste mis en place par la chiraquie durant le mandat de Jacques Chirac à l’Hôtel de ville (1977-1995) que les parquets de Nanterre et Paris ont instruit. Un lourd dossier qui aussi valu des condamnations à plusieurs proches du président, dont le fidèle Alain Juppé en 2004.
Le long chemin de croix judiciaire de l’ex-président est d’ailleurs jonché d’amis qui ont trinqué, comme l’illustre la gigantesque affaire des lycées d’Île-de-France. Ce scandale a éclaboussé la quasi-totalité des partis politiques, accusés d’avoir touché des centaines de millions de francs de commissions sur l’attribution de marchés publics pour la rénovation d’établissements scolaires franciliens dans les années 1990.
Cette fois-ci, c’est en tant que patron du RPR que Jacques Chirac est concerné. Mais protégé par l’immunité présidentielle, il n’est pas inquiété par la justice, contrairement à plusieurs de ses plus fidèles lieutenants. Michel Roussin, son ancien directeur de cabinet et ami corrézien de longue date, assume parfaitement son rôle de fusible lorsqu’il déclare à la barre après avoir été condamné à quatre ans de prison ferme : « On me poursuit depuis dix ans en tant qu’ancien directeur de cabinet, mais il tient encore le soldat Roussin ! ».
Grand train au frais du contribuable
Jacques Chirac peut encore dire merci à la fonction présidentielle en 2001, lorsqu’il est convoqué comme « simple témoin » dans le cadre du dossier des HLM de Paris, une autre affaire de financement occulte. Le chef de l’État ne se présente pas et le juge d’instruction n’insiste pas. Le magistrat ne parviendra pas à démontrer que des grands patrons ont alimenté les caisses noires du RPR, malgré la publication en 2000 de la célèbre cassette posthume de Jean-Claude Méry, homme d’affaires et membre du RPR, qui reconnaît l’existence de paiements illégaux faits en présence de Jacques Chirac. Et lorsque le procès s’ouvre le 23 janvier 2006, aucun responsable politique n’apparaît sur le banc des accusés.
« Pschitt »
L’ancien président a aussi été accusé à plusieurs reprises d’avoir mené grand train au frais des contribuables. En 2002, il lui a été reproché par l’inspection générale de la Ville de Paris d’avoir dépensé l’équivalent de 2,1 millions d’euros en « frais de réception » entre 1987 et 1995. Mais, pour la justice, les éventuels faits qui pouvaient être reprochés aux époux Chirac étaient prescrits. Cette affaire, dite des « frais de bouche », s’est malgré tout frayé un chemin jusqu’à la Cour de cassation, qui a prononcé un non-lieu définitif en 2005.
Le couple présidentiel a aussi été inquiété par la justice pour des vols gratuits dont il a bénéficié entre 1995 et 1999. Ce dossier concerne surtout Bernadette Chirac, qui a été soupçonnée d’avoir voyagé à cinq reprises avec la compagnie Euralair sans avoir à dépenser un centime. L’enquête, là encore, s’est soldée par un non-lieu, faute de preuve en 2009.
C’est cette succession de péripéties judiciaires dont Jacques Chirac est toujours sorti indemne qui lui ont valu le surnom d' »intouchable ». Et il aura fallu attendre la retraite de celui qui reste l’un des présidents les plus populaires de la Ve République pour que son incroyable « baraka » prenne fin.
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