Évidemment, à juste titre, les militants du FPI ont laissé riens et les responsables politiques de notre pays doivent eux
éclater leur joie. Des scènes de joie indescriptibles, prin-
cipalement à Yopougon. Des douleurs et frustrations de tous ordres, longtemps contenues ont trouvé ce jour un exutoire. Malheureusement, au lieu de percevoir en cette liberté supposée un point de rupture pour sceller un nouveau pacte du vivre-en- semble perdu par les Ivoiriens, beaucoup de nos compatriotes sont restés prisonniers de leurs émotions. Si tant est que la nou- velle était vérifiée, ce jour devrait être celui du rassemblement d’un nouveau départ pour notre pays. Au contraire, on a plutôt été surpris d’entendre des propos condamnables et déplorables qui ont refroidi tous ceux qui misaient sur une belle occasion de réconciliation vraie entre Ivoiriens. Là apparait la problématique de l’émotion dans la vie de tous les jours. Au sein du couple, dans la famille, l’entreprise, la vie communautaire et principa- lement dans la construction du vivre-ensemble en vue de l’avè- nement de la nation.
Oui, l’émotion quand elle est mal maîtrisée, devient un piège, une chaîne à nos pieds qui nous empêche de sortir de la prison de nos convictions erronées. C’est pourquoi, le célèbre psycho- logue américain Aaron Beck affirme : « Le principal problème du raisonnement émotionnel est que, une fois que nous permet- tons à nos émotions de se transformer en vérités assumées, il est très difficile de lever l’ancre de ces iles habitées par la tourmente. »
A vrai dire, il ne faut pas se laisser gagner par le désespoir au vu de ce qui est arrivé le vendredi 14 décembre 2018. Ce fut un test en grandeur nature qui a permis de sonder et de percevoir sans voile l’état d’esprit d’une partie des Ivoiriens sur la question de la réconciliation nationale. Est-ce pour cela que les autres Ivoi-
aussi se laisser prendre au piège de l’émotion. Que Nenni ! Sans exagérer, il apparait clairement que le vrai problème de la Côte d’Ivoire, réside dans le fait qu’une bonne partie des Ivoi- riens soient principalement captifs de leurs émotions. Or, comme l’analyse Aaron Beck : « Si nos pensées restent embourbées à cause de sens symboliques biaisés, de raisonnements illogiques et d’interprétations erronées, nous deviendrons, en réalité, aveu- gles et sourds. » C’est ce que Aaron Beck appelle la distorsion cognitive.
Qu’on le veuille ou pas, nous sommes condamnés à vivre en- semble et à nous entendre, pour construire main dans la main, la Côte d’Ivoire unie, paisible et prospère pour les futures généra- tions. C’est pourquoi, les responsables du pays, les chefs reli- gieux et coutumiers, la société civile, chacun à son niveau, nous savons maintenant le chantier auquel nous devons tous nous at- taquer, dans nos familles, quartiers, villages, villes, communes, lieux de cultes, etc.
Au total, il faut aider les uns et les autres à sortir de la prison de l’émotion. Sur ce nouveau chantier, il faut se féliciter que cer- tains de nos compatriotes ont déjà montré la voie à suivre à leur manière, à travers des vidéos sur les réseaux sociaux. Ivoiriens, pour une fois, mettons la Côte d’Ivoire au-dessus de tout. Sor- tons de la prison de nos émotions. Allons vers l’autre, voyons en lui un allié, un frère ou une sœur et faisons le pari que c’est dans l’amour de l’autre qu’on trouve l’arme fatale de le vaincre.
NURUDINE OYEWOLE [email protected] Expert-consultant en communication