Dans la galaxie arabo-musulmane, la Tunisie peut se targuer de cultiver sa différence de manière éclairée, pour le bien de tous ses concitoyens, sans exclusive.
Premier pays arabe à avoir aboli l’esclavage en 1846 sous l’ère des Beys, devançant de deux ans la France qui, pourtant, portait haut le flambeau des Lumières, mais aussi les Etats-Unis et de nombreux autres pays occidentaux, le pays du jasmin vient à nouveau de laisser son empreinte singulière sur un vote historique, applaudi des deux mains dans et en dehors de son Parlement : l’adoption d’une loi pénalisant le racisme – le discours raciste, l’incitation à la haine et la discrimination – considérée comme un « tournant pour la Tunisie » par Jamila Ksiski, députée affiliée au parti Ennahda, elle-même issue de la minorité noire, dont c’est l’heureux aboutissement d’un long combat législatif.
Ce mardi 9 octobre fut assurément à marquer d’une pierre blanche pour la Tunisie, qui peut être fière d’être à nouveau élevée au rang de pionnière dans le monde arabe, grâce à cette avancée majeure que le ministre des Affaires étrangères a immédiatement saluée sur Twitter, la qualifiant de « réalisation qui honore la Tunisie ». Une réaction officielle élogieuse qui fut le prélude à une série de commentaires à l’unisson sur les réseaux sociaux, empreints d’un patriotisme exalté.
« Il s’agit d’un tournant très important dans l’histoire de la Tunisie, équivalent à l’abolition de l’esclavage », s’est exclamé Messaoud Romdhani, responsable du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, avant toutefois de tempérer son enthousiasme à l’épreuve du terrain : « C’est un pas de géant, mais il reste encore beaucoup de travail à faire pour que cette loi devienne une réalité dans une société où il y a du racisme à l’encontre de 10% des Tunisiens noirs et des Africains d’Afrique subsaharienne, qui subissent des insultes et parfois des attaques violentes ».
Désormais criminalisé en Tunisie, le racisme sous toutes ses formes y sera lourdement puni, qu’il relève de la rhétorique la plus délétère – le discours raciste sera passible d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une amende se montant à 1 000 dinars tunisiens (environ 300 euros) – ou qu’il contribue à l’exacerbation de la haine, à la banalisation des discriminations, et plus grave encore, qu’il entraîne le pays dans la spirale de la violence. Les peines encourues allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement, assorties d’amendes oscillant entre 1 000 et 3 000 dinars tunisiens (1 000 euros), voire même, face à des actes hautement répréhensibles, s’élevant à 15 000 dinars tunisiens (environ 5 000 euros).