Grand fauve de la politique, l’ancien président de la République Jacques Chirac est mort jeudi matin à l’âge de 86 ans, a annoncé à l’AFP son gendre Frédéric Salat-Baroux.
« Le président Jacques Chirac s’est éteint ce matin au milieu des siens. Paisiblement », a déclaré M. Salat-Baroux, époux de Claude Chirac.
Les hommages ont afflué aussitôt après l’annonce du décès de celui qui fut président de la République pendant douze ans (1995-2007). De France où l’ex-président François Hollande a salué « un combattant » qui « avait su établir un lien personnel avec les Français »
Mais aussi de l’étranger. « Aujourd’hui, l’Europe perd une de ses figures de proue, la France un grand homme d’État et moi un ami fidèle », a réagi le président de la Commission européenne, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Le Premier ministre libanais Saad Hariri a salué l’un des « plus grands hommes » de la France.
L’Elysée a annoncé qu’Emmanuel Macron prononcera à 20H00 une allocution télévisée en hommage à son prédécesseur. Le chef de l’Etat a renoncé à se rendre à Rodez, où il devait lancer le débat national sur les retraites dans la soirée.
L’industriel François Pinault, ami intime du couple Chirac qui a fait part de son « infinie tristesse », est passé une vingtaine de minutes au dernier domicile parisien de Jacques Chirac, au 4 rue de Tournon près du Sénat, a constaté l’AFP.
Une minute de silence a été observée à l’Assemblée nationale, ainsi qu’au Sénat, où le décès a été annoncé en séance. « Jacques Chirac fait désormais partie de l’Histoire de France », un pays « à son image: fougueuse, complexe, parfois traversée de contradictions, toujours animée d’une inlassable passion républicaine » a estimé le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand.
L’ancien premier ministre Edouard Balladur a appris « avec émotion » son décès « après tant d’années de souffrance », tandis que le patron du Modem François Bayrou saluait son « attachement à l’unité des Français et aux valeurs républicaines ».
La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a salué le président « capable de s’opposer à la folie de la guerre en Irak » tandis que son père Jean-Marie, battu par M. Chirac au second tour de la présidentielle en 2002, estimait que « mort, même l’ennemi a droit au respect ».
Le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius a rendu hommage à un homme qui n’a « cessé d’être épris de la République et de la servir ».
« Paris est en deuil », a assuré Anne Hidalgo, maire de la capitale dirigée pendant 18 ans par Jacques Chirac. Le patron de Générations, Benoît Hamon, a rappelé « le discours du Vel d’Hiv en 1995, le Non à la guerre en Irak en 2003 et son rejet viscéral de l’extrême droite ».
L’ex-chef de l’Etat était l’un des grands fauves de la droite française dont la longévité, entre succès brillants et échecs cuisants, a démontré une exceptionnelle capacité de rebond.
Celui qui n’apparaissait plus en public depuis plusieurs années fut président de la République pendant douze ans (1995-2007), deux fois Premier ministre, trois fois maire de Paris, créateur et chef de parti et ministre à répétition.
Ses mandats élyséens resteront marqués par son « non » à la deuxième guerre d’Irak, la fin de la conscription militaire, la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat français dans les crimes nazis, le passage au quinquennat, le cri d’alarme (« notre maison brûle ») face à la dégradation de l’environnement, une première victoire importante sur l’absurde mortalité routière.
Jacques Chirac était parvenu à conquérir l’Elysée – rêve d’une vie pour ce fils unique – en 1995 après deux défaites (1981 et 1988).
En 2007, affaibli par un accident vasculaire cérébral qui l’a frappé deux ans plus tôt, il doit voir triompher Nicolas Sarkozy pour lequel il est loin de manifester la ferveur indéfectible de son épouse Bernadette.
Populaire, mais à l’image abîmée
« Perte de mémoire », « absences », surdité: Jacques Chirac apparaîtra ensuite de plus en plus rarement en public.
Sa dernière sortie publique remonte à novembre 2014, au Musée du Quai-Branly consacré aux arts premiers, et qui porte depuis son nom.
L’ancien président, affaibli mais souriant, était aux côtés de l’un de ses successeurs, François Hollande. Ironie de l’histoire, l’ancien chef du RPR avait indiqué trois ans plus tôt qu’il allait voter pour le socialiste à la présidentielle, contre le sortant Sarkozy.
Particulièrement populaire depuis qu’il avait quitté le pouvoir, Jacques Chirac avait pourtant essuyé de cuisants échecs. En 1988, sèchement battu par François Mitterrand, son épouse Bernadette s’était désespérée que « les Français n’aiment pas (son) mari ».
Douze ans plus tard, la dissolution qui devait conforter sa majorité à l’Assemblée a provoqué une humiliante déroute de la droite.
C’est enfin sur le terrain judiciaire que l’animal politique s’était abîmé: protégé par l’immunité attaché au mandat présidentiel, il avait été rattrapé par les juges après son retrait de la politique. En 2011, il devint le premier ancien chef de l’Etat condamné au pénal, à deux ans d’emprisonnement avec sursis, pour une affaire d’emplois fictifs à la Mairie de Paris.
Il avait eu deux filles, Laurence, anorexique depuis sa jeunesse décédée en avril 2016, et Claude, qui fut sa conseillère en communication.
AFP