L’Arizona élit pour la première fois une femme au Sénat

Dans la soirée du mardi 6 novembre, les partisans de la démocrate Kyrsten Sinema attendaient, anxieux, les résultats de l’élection sénatoriale, à l’Hôtel Renaissance, dans le centre de Phoenix. Après quelques heures, ils avaient quitté les lieux, la mine défaite. La républicaine Martha McSally était en tête. Les commentateurs attribuaient déjà un siège de plus au Sénat pour les républicains.

Dans la nuit, les scores se sont rapprochés. Kyrsten Sinema a conseillé la patience à ses partisans, sachant que les votes du comté de Maricopa, le plus peuplé, qui englobe l’agglomération de Phoenix et une forte minorité de Latinos, n’avaient pas été tous comptabilisés. Sont venus ensuite les votes par correspondance et ceux des militaires déployés à l’étranger. Le 10 novembre, la démocrate est passée en tête. Et, lundi soir 12 novembre, elle a été déclarée victorieuse, avec plus de 30 000 voix d’avance.

Bastion républicain

A 42 ans, Kyrsten Sinema, ancienne assistante sociale, devient la première sénatrice démocrate de l’Arizona. L’Etat était l’un des 22 (sur 50) qui n’avaient jamais élu une femme à la Chambre haute. Dans ce bastion républicain, qui n’avait pas choisi de démocrate pour un siège de sénateur depuis 1976, elle a conquis le siège du modéré Jeff Flake, qui avait choisi de ne pas se représenter, se disant incapable « en conscience » de défendre la présidence de Donald Trump. Sa victoire donne un 47e siège aux démocrates. Les républicains contrôlent 51 sièges. Deux sont encore indécis : le siège de Floride, où un recomptage est en cours. Et celui du Mississippi, où un deuxième tour est prévu le 27 novembre.

Kyrsten Sinema, membre de la Chambre des représentants depuis 2013, avait fondé sa campagne sur le thème de l’assurance-santé et du vote des républicains – dont son adversaire – en faveur de l’abrogation de l’Obamacare. Elle s’était présentée comme une centriste, loin de l’esprit partisan qui empêche Washington de fonctionner. Elle se plaisait à rappeler qu’elle avait voté avec les républicains à plusieurs reprises, dont la réforme fiscale, décriée, à la quasi-unanimité du Parti démocrate, comme un « cadeau pour les riches ».

Duel de femmes

Martha McSally, 52 ans, ancienne colonelle de l’US Air Force, avait, elle, mis en avant son palmarès militaire : elle fut la première femme pilote de combat de l’armée américaine. Elle avait attaqué son adversaire sur son passé de pacifiste, et fait largement usage de photos montrant Kyrsten Sinema en tutu rose dans une manifestation féministe, en 2003. La républicaine, qui avait longtemps battu froid le candidat Trump, s’était ralliée au président après l’élection de 2016, au risque de s’aliéner John McCain, son mentor, ancien pilote comme elle.

Lunettes branchées, esprit sarcastique, adepte de triathlon, Kyrsten Sinema a grandi dans un milieu déshérité avant d’obtenir un diplôme de droit et de s’engager dans l’action sociale. « Elle sait ce que c’est que d’avoir vécu dans une station-service désaffectée, traite le fait d’être bisexuelle comme si ça n’était rien du tout, et n’a pas peur de porter du fuchsia », a commenté le magazine Elle. Dans son discours de victoire, elle n’a pas évoqué le Parti démocrate, mais a longuement cité John McCain, le Maverick (anticonformiste) républicain. Son sens du devoir, mais aussi du compromis.« “Prendre position pour ce qui est juste, même si on est seul”, a-t-elle cité. Son exemple va nous guider. » Kyrsten Sinema a manifestement l’intention de se positionner comme la nouvelle Maverick du Congrès.

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