L’autonomisation financière des femmes, un défi d’avenir pour tous les hommes

«L’avenir de l’homme est la femme». La célèbre citation du poète français Louis Aragon, reprise quelques années plus tard dans un ordre inversé par le chanteur Jean Ferrat, n’est pas qu’une simple maxime. C’est un fait que tendent à démontrer de nombreuses études, comme le rappelle l’ONU Femmes. L’entité des Nations unies spécialisée dans l’égalité des sexes montre, chiffres à l’appui, combien l’autonomisation des femmes constitue un enjeu d’avenir pour notre planète, et encore plus pour l’Afrique.

Selon ONU Femmes, «l’investissement dans l’autonomisation économique des femmes est la voie la plus sûre vers l’égalité des sexes, l’éradication de la pauvreté et une croissance économique inclusive. Les femmes apportent une contribution énorme à l’économie, que ce soit au sein d’entreprises, dans les exploitations agricoles, comme entrepreneuses ou employées, ou par leur travail non rémunéré à la maison, où elles s’occupent de leurs familles». L’autonomisation économique des femmes est fondamentale pour réduire la pauvreté, mais elle est aussi une condition préalable au développement durable. Autonomiser les femmes, c’est donc contribuer activement au développement des États.

«Plus il y a de femmes au travail, plus l’économie prospère», affirme à raison ONU Femmes. Car si le taux d’emploi rémunéré des femmes était le même que celui des hommes, le revenu par habitant augmenterait de 14 % d’ici 2020 et de 20 % d’ici 2030, dans 15 grandes économies en développement, dont le Nigéria et l’Égypte. Permettre aux femmes d’accéder à plus d’autonomie constitue une priorité pour le développement économique et social de notre continent.

200 000 femmes ivoiriennes soutenues via le FAFCI

Nous connaissons bien les freins qui empêchent encore les femmes africaines d’accéder à cette autonomie. Nos entrepreneuses éprouvent une grande difficulté d’accès aux financements. Trop peu de femmes africaines obtiennent les fonds nécessaires pour lancer leur affaire, alors même que cela permettrait de faire vivre toute une famille, voire même un quartier. L’insuffisance de ressources propres, les conditions draconiennes de garantie et les taux d’intérêt prohibitifs pratiqués par les banques constituent les principaux obstacles rencontrés par nos consœurs. Mais ce constat n’est pas une fatalité. Grâce à la mobilisation des différents acteurs économiques, des solutions émergent désormais pour faciliter la création d’entreprises par les Africaines.

Parce que ces questions ont toujours été d’une grande importance à mes yeux, j’ai lancé dès 2012, avec le soutien de mon époux Alassane Ouattara tout juste élu à la Présidence de la République, le Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI). Ce mécanisme de microcrédit à taux réduit (1 % par mois) permet aux femmes non éligibles aux financements classiques de bénéficier de prêts, dans le but de créer et de développer des activités génératrices de revenus. Toutes les femmes ivoiriennes qui le souhaitent peuvent en bénéficier, sans distinction ethnique, religieuse ou politique. Dans le cadre de ce dispositif, les bénéficiaires peuvent aussi être formées gratuitement à la comptabilité.

A ce jour, le FAFCI s’est doté d’un capital de 12 milliards de francs CFA, qui a déjà permis de financer les activités de près de 200 000 femmes. Cela représente au total environ 1,5 million de personnes sorties de la pauvreté grâce à ce fonds. Preuve de l’efficacité de l’initiative : le taux de remboursement des emprunts s’élève à 97 %, ce qui signifie que la quasi-totalité des entreprises créées sont viables et même rentables. Aujourd’hui, le FAFCI s’autoalimente largement puisque le retour sur investissement a dépassé les 29 milliards de francs CFA.

La condition féminine en question

Je me suis rendue le 18 juin dernier à Man, lieu symbolique, car c’est ici que s’est déroulée la toute première remise de chèques organisée dans le cadre du FAFCI, il y a plus de 6 ans. J’ai fait ce déplacement afin de délivrer une nouvelle série de prêts pour les femmes de la région du Tonkpi, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. À l’époque, une somme de 30 millions de francs CFA avait été prêtée aux 300 premières bénéficiaires du FAFCI dans le pays. De ce montant de départ, nous sommes aujourd’hui, six années après, à une enveloppe de 700 millions de francs CFA. Ces sommes, mises à la disposition des femmes du Tonkpi, permettent à plus de 5 000 d’entre elles de financer leurs activités dans le commerce, l’agriculture, l’élevage ou encore l’artisanat. C’est un investissement sur l’avenir qui doit permettre d’améliorer les conditions de vie des familles de la région et de stimuler l’économie locale et nationale.

Pour saluer l’énergie et la bravoure de mes consœurs ivoiriennes, j’ai eu le bonheur de leur délivrer, à l’occasion de ma venue, une enveloppe supplémentaire de 300 millions de francs CFA en signe de renouvellement de ma confiance et de mon soutien. Ce bonus porte à un milliard de francs CFA le capital du FAFCI pour la région du Tonkpi, auxquels s’ajoutent des dons en nature : broyeuses de manioc, décortiqueuses de riz, tricycles, matériel de couture et de coiffure, vivres, etc.

Ces considérations matérielles et financières ne doivent toutefois pas masquer le sujet principal, à savoir la condition de la femme en Côte d’Ivoire, en Afrique et dans le monde. Au-delà des questions d’autonomisation économique, soyez assurés que cette problématique demeure au cœur de la politique du président de la République et de son gouvernement. Plusieurs mesures légales et réglementaires ont d’ailleurs été prises à cet effet afin de renforcer la représentativité des femmes au sein des assemblées élues. Tous ces efforts convergent vers le même but : faire des femmes de véritables actrices du développement de notre pays pour y garantir un futur prospère.

AFRIQUE.LATRIBUNE