(Ecofin Hebdo) – Comptant parmi les fruits les plus consommés au monde, l’avocat est devenu, en quelques années, la nouvelle star du marché mondial des fruits. Avec l’explosion de la demande dans de nombreuses régions comme l’Europe et l’Amérique, le fruit tropical connaît un véritable essor. Une opportunité pour de nombreux pays africains qui souhaitent booster leurs exportations horticoles, à condition qu’ils se donnent les moyens de faire face à la concurrence.
Un commerce mondial en pleine expansion
Le marché de l’avocat est l’un des rares dans l’univers du commerce fruitier à ne pas connaître l’essoufflement. Si le volume commercialisé est encore inférieur à celui de fruits tropicaux comme la banane ou l’ananas, la consommation est l’une des plus fortes enregistrées, avec un rythme de croissance moyen de 150 000 à 200 000 tonnes par an depuis le début de la décennie.
L’avocat est devenu la nouvelle star du marché mondial des fruits.
Cette progression fulgurante a permis aux échanges internationaux de plus que doubler en passant de 650 000 tonnes en 2006/2007 à 1,6 million de tonnes en 2016/2017, selon les données de la FAO.
Cette progression fulgurante a permis aux échanges internationaux de plus que doubler en passant de 650 000 tonnes en 2006/2007 à 1,6 million de tonnes en 2016/2017, selon les données de la FAO.
D’après l’organisme onusien, la production mondiale a atteint 5,46 millions de tonnes en 2016 et devrait culminer à 6,42 millions de tonnes en 2020. Pour sa part, le Centre du commerce international (ITC) souligne que les importations mondiales du fruit se sont chiffrées à 4,8 milliards $ en 2016.
Si le marché de l’avocat se porte aussi bien, c’est d’abord en raison du dynamisme du marché américain. A lui seul, le pays de l’Oncle Sam aura importé pour 2 milliards $ du fruit tropical en 2016 contre 1,5 milliard en 2014, ce qui représente 41% du marché mondial. Les USA tirent véritablement l’industrie mondiale avec une consommation record de 1,1 million de tonnes en 2018, selon l’Organisation mondiale de l’avocat (WAO) créée en février 2016 par le Mexique, le Pérou, les Etats-Unis, le Brésil et l’Afrique du Sud.
Les Etats-Unis arrivent aussi en tête, en ce qui concerne le volume consommé par habitant, avec environ 3 kg par an.
Les Etats-Unis arrivent aussi en tête, en ce qui concerne le volume consommé par habitant, avec environ 3 kg par an. Les Pays-Bas arrivent au second rang avec 480 millions $, soit une croissance de 70 % entre 2014 et 2016 et une part de marché de 10 %. Le pays européen doit cette place de dauphin en matière d’importation, non pas à sa consommation, mais plutôt à ses réexportations depuis le Port de Rotterdam vers le reste du Vieux continent. S’approvisionnant essentiellement auprès des marchés comme le Pérou et le Chili, les Pays-Bas alimentent des pays européens comme l’Allemagne, la Norvège et la Suède.
Pour l’instant, l’avocat sud-américain se taille la part du lion.
La France complète le trio de tête avec 376 millions $, soit 8 % des achats mondiaux. Si elle arrive au troisième rang des importateurs, la France est, de loin, le premier en matière de consommation en Europe. Le pays tricolore devance la Grande-Bretagne et l’Allemagne avec 159 500 tonnes d’avocats en 2018, selon Xavier Equihua, directeur général de la WAO.
Du côté de l’approvisionnement mondial, l’Amérique latine et les Caraïbes demeurent la première région productrice avec le Mexique, premier producteur (2 millions de tonnes) et exportateur mondial (1 million de tonnes), devant la République dominicaine et le Pérou.
L’essor du commerce international de l’avocat s’explique notamment par les récoltes record permettant de suivre la demande, l’amélioration de la chaîne logistique ainsi que par l’amélioration des techniques de mûrissage à des degrés divers dans des enceintes conçues à cet effet. « L’adoption de ce procédé déjà bien en place outre-Atlantique, a permis de révéler les caractéristiques gustatives du produit, mais aussi de renforcer sa fiabilité », souligne Eric Imbert, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).
L’Afrique compte pour moins de 10 % des exportations mondiales.
En outre, l’essor de la variété Hass, dont les caractéristiques particulières (solidité et épiderme ligneux) ont rendu possibles la mondialisation du fruit et le commerce de masse, y a contribué notablement. A cela, s’ajoutent les campagnes de promotion des bienfaits de l’avocat sur la santé. Source abondante de lipides sains, l’avocat est une excellente source de vitamine B et E et a un effet bénéfique sur le cholestérol sanguin.
Source abondante de lipides sains, l’avocat est une excellente source de vitamine B et E et a un effet bénéfique sur le cholestérol sanguin.
La diversité des formes de consommation (sucré, salé, cru ou cuit) ainsi que la popularité du guacamole mexicain (purée d’avocat mélangée à des tomates, du citron, des oignons et du piment) sont également des éléments qui étoffent chaque année le rang des consommateurs de l’avocat.
Pour l’ITC, le 6e fruit le plus importé au monde après la banane, le raisin, la pomme, l’orange et l’amande, n’a pas encore fini sa success-story. D’après l’organisation, le potentiel encore disponible à l’export est estimé à 2,9 milliards $, dont 1,1 milliard aux USA, 282 millions $ aux Pays-Bas et 241 millions $ en France.
Une participation africaine encore faible au commerce mondial
Le continent africain reste encore en retrait du marché mondial de l’avocat. L’Afrique est la seconde région de production du fruit, mais compte pour moins de 10 % des exportations mondiales.
Sur le continent africain, l’Afrique australe et orientale sont les zones majeures de production du fruit. Le Kenya et l’Afrique du Sud dominent largement la filière à l’échelle continentale.
Le Kenya a connu une progression impressionnante de ses exportations depuis 2013, jusqu’à devenir en 2017, le leader africain avec 51 500 tonnes. Selon les données de Trade Map, les recettes d’exportation y ont grimpé de 8 millions $ en 2001 à 64 millions $ en 2016.
Le Kenya a connu une progression impressionnante de ses exportations depuis 2013, jusqu’à devenir en 2017, le leader africain avec 51 500 tonnes. Selon les données de Trade Map, les recettes d’exportation y ont grimpé de 8 millions $ en 2001 à 64 millions $ en 2016.
Le Kenya compte pour environ 30% de la production africaine d’avocats et 41 % des expéditions.
L’Afrique du Sud est le second exportateur avec 35 % du total africain et 15 % de la récolte. La Nation arc-en-ciel s’est fait supplanter en 2017 par le Kenya en exportant environ 43 500 tonnes. Après ces deux pays, figurent le Maroc et la Tanzanie qui comptent respectivement pour 13 % et 7 % des exportations. On peut aussi citer le Zimbabwe et le Mozambique dont les récoltes tournent respectivement autour de 5000 tonnes et 1000 tonnes.
Répartition des parts de marché à l’export de l’avocat en Afrique en 2017, Selina Wamucii/ITC
Principalement destinées à l’Europe, les exportations africaines peinent à suivre le rythme des pays latino-américains. Alors que le volume africain envoyé vers le Vieux continent a crû de 5 % entre 2014 et 2017 (82 000 tonnes à 86 000 tonnes), sa part sur le marché européen a fondu de 27 % à 18 % sur la même période d’après le portail Fresh Fruit Portal.
Alors que le volume africain envoyé vers le Vieux continent a crû de 5 % entre 2014 et 2017, sa part sur le marché européen a fondu de 27 % à 18 % sur la même période d’après le portail Fresh Fruit Portal.
Dans le même temps, les autres fournisseurs de l’Union européenne (UE) comme le Pérou et le Mexique ont tous vu leur volume progresser. Si les pays africains ne peuvent pas rivaliser en matière de volume sur le marché européen, face à ces pays latino-américains, ils peuvent tirer pleinement profit du décollage de la consommation au niveau des réservoirs de développement présents en Asie, avec au premier rang la Chine.
Le marché chinois, futur eldorado mondial
L’empire du Milieu a affiché une croissance importante aux côtés des marchés traditionnels comme l’Europe et les USA. Même s’il demeure modeste au regard des quantités consommées, le marché chinois demeure stratégique. « Les Chinois s’y mettent. Leur consommation est seulement de 50 000 tonnes aujourd’hui, mais elle risque de doubler ou de tripler chaque année », confie au Parisien, M. Equihua.
« Les Chinois s’y mettent. Leur consommation est seulement de 50 000 tonnes aujourd’hui, mais elle risque de doubler ou de tripler chaque année », confie au Parisien, M. Equihua.
Le pays asiatique, actuellement 9e importateur mondial d’avocats, a vu ses achats exploser entre 2011 et 2017. Le volume importé est passé de 32 tonnes à 32 100 tonnes en 2017 pour une valeur de 105 millions $.
Face à ce potentiel important, certains pays latino-américains se sont déjà positionnés. Le Chili est le principal exportateur vers la Chine avec 16 700 tonnes en 2017, suivi par le Mexique (8800 tonnes) et le Pérou (6700 tonnes).
Pour les pays africains, le potentiel chinois pourrait permettre de diversifier les débouchés, au-delà du marché européen où la concurrence provient essentiellement des pays d’Amérique latine comme le Mexique et le Pérou.
L’Afrique du Sud veut développer ses exportations d’avocat.
Le Kenya est le pays africain qui a affiché le plus clairement ses ambitions de conquête de ce marché florissant. Le pays est-Africain a déjà signé en avril 2018 un mémorandum d’entente sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, ce qui lui a ouvert les portes de ce marché. D’après les autorités, cette entente pourrait permettre à la Chine d’absorber 40% de la récolte kényane d’avocats.
En Afrique du Sud, l’industrie locale cherche aussi à tirer profit de cet engouement afin de dynamiser la filière et diversifier ses débouchés au-delà des marchés traditionnels comme le Moyen-Orient, les pays de la mer Noire et l’UE. La Nation arc-en-ciel devrait notamment ajouter annuellement, sur les 5 prochaines années, 1500 hectares à sa superficie actuellement consacrée au fruit (17 500 hectares).
En Tanzanie, les autorités ont également indiqué vouloir entamer des discussions afin de permettre aux exportateurs tanzaniens d’accéder au marché chinois.
Toutefois, s’il est vrai que le marché chinois offre de nombreuses promesses aux pays africains, il faut souligner que le terrain n’est pas conquis d’avance. En effet, il faudra répondre aux nombreuses exigences comme les normes sanitaires et phytosanitaires (SPS). Le Kenya, notamment, a expérimenté l’année dernière des mesures strictes relatives à la congélation de ses cargaisons sur fond de crainte de l’apparition des mouches des fruits et les problèmes de traçabilité. Plusieurs exportateurs se sont notamment plaints de la difficulté dans l’installation de machines et de refroidisseurs pour éplucher et congeler les fruits avant exportation.
Dans ce contexte, une amélioration de la chaîne du froid reste cruciale afin de répondre aux normes relatives au refroidissement (permettant de ralentir le métabolisme de l’avocat pour faciliter sa conservation, NDLR) pendant l’entreposage et durant le transport vers les points d’exportation.
Espoir Olodo