Le jeûne, entre transcendance et miséricorde

Un « propos saint » (hadîth qudsî) révèle toute la portée du jeûne en islam : « Toute œuvre pieuse des fils d’Adam leur appartient, à l’exception du jeûne car celui-ci est à Moi et c’est Moi qui le récompense ». La parole du Prophète vient confirmer la précellence du jeûne : à un Compagnon qui lui demandait quel acte pratiquer, le Prophète répondit : « Adonne-toi au jeûne, car il n’a pas de semblable ». Le jeûne, en effet, n’a pas de semblable de la même façon que Dieu n’a pas de semblable (Coran 42 : 11). Lorsque nous jeûnons, nous acquérons donc les qualités du Nom divin, al-Samad « Celui qui n’a nul besoin et dont toute chose a besoin ». « Mais soyez seigneuriaux… ! » (Coran 3 : 79), nous est-il demandé : pendant un certain nombre d’heures, nous sommes pur esprit, détachés des différents stimuli par lesquels notre corps nous assaille d’ordinaire.

Ce qui donne encore au jeûne son caractère divin est le fait qu’il n’est pas un ‘‘acte’’ en soi, tel que la prière ou le pèlerinage, mais l’abstention d’un acte (manger, boire, fumer, parler avec excès, avoir des relations sexuelles…),  Or, Dieu se définit en islam par la voie « négative » : pas de divinité… si ce n’est Dieu. Il y a ainsi dans le jeûne un secret, par lequel nous nous rendons transparents à l’Être divin.

En se faisant connaître par Ses noms et Ses attributs, Dieu se met, par miséricorde, à la portée de l’intelligence humaine, et crée ainsi une indéfectible solidarité ‘‘verticale’’ entre les plans divin et humain. C’est à partir de cette instance que l’homme se doit d’explorer sur le plan ‘‘horizontal’’ la solidarité entre tous les règnes de la création. Pensons à cette parole du Prophète : « La création tout entière est la famille de Dieu » (al-khalq ‘iyâl Allâh).

Nous sommes tous unis par notre indigence ontologique, par notre ‘‘pauvreté en Dieu’’ : « Hommes, vous êtes dans le dénuement total face à Dieu, et Dieu est le Riche, le Digne de louanges » (Coran 35 : 15). Prenons acte de cette égalité radicale pour partager, avec le frère musulman, mais aussi avec le frère non musulman, car « Vous venez tous d’Adam et Adam est de terre », selon les termes du Prophète.

Les « tables du Miséricordieux » dressées en pays musulman, et les repas offerts dans les mosquées d’Occident aux plus démunis, de toutes confessions, témoignent de cet esprit universel de l’islam. Si l’espérance n’est pas suivie de l’action, elle demeure un vain désir, écrit le spirituel égyptien Ibn ‘Atâ’ Allâh (m. 1309). Faisons donc en sorte de vivifier en nous la Miséricorde, la Rahma qui imprègne l’ensemble du Coran, afin qu’elle atteigne tous les horizons.

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