En 2012, le destin tragique d’Amina al-Fidali, une jeune fille de 16 ans qui échappa à jamais à une union contre nature avec son violeur, contractée pour sauver « l’honneur de la famille », en mettant fin à ses jours, fut l’un des événements déclencheurs d’une prise de conscience nationale au Maroc : la nécessité impérieuse d’éradiquer les violences faites aux femmes, que ce soit dans la sphère privée ou publique.
Véritable électrochoc dans un royaume projeté sous la lumière crue des projecteurs, le geste fatal commis par cette adolescente (elle avala de la mort aux rats ) pour s’extirper de sa terrible impasse avait abouti deux ans plus tard, en 2014, à l’abrogation de la loi moyenâgeuse autorisant les violeurs à épouser leurs victimes et, par conséquent, à la fin d’une culture de l’impunité masculine.
Dans le cadre de sa politique volontariste en faveur de l’égalité entre les sexes, le Parlement marocain vient de criminaliser officiellement la violence exercée contre les femmes, en adoptant, mercredi 12 septembre, une nouvelle loi qui consolide la législation en vigueur. Une législation qui, en février dernier, s’était considérablement durcie contre les auteurs de viols et de harcèlements sexuels, qu’ils sévissent dans l’intimité des foyers ou dans la rue, à travers tout un éventail de sanctions, allant des amendes à des peines de prison.
Ce rempart fortifié contre les abus de pouvoir au masculin et leurs formes de violences extrêmes est considéré par Bassima Hakkaoui, la ministre de la Famille et de la Solidarité, comme « l’un des textes les plus importants renforçant l’arsenal juridique national dans le domaine de l’égalité des sexes ».
Cette législation a introduit une nuance à la définition du harcèlement sexuel pour y inclure « les actes, déclarations ou signaux à caractère sexuel non sollicités, délivrés en personne, en ligne ou par téléphone ». Elle interdit également les mariages forcés, bien que les mariages d’enfants soient proscrits au Maroc depuis 2004.
Toutefois, certaines voix s’élèvent parmi les militantes des droits des femmes pour exprimer leur déception devant la lettre de la loi qui, selon elles, ne criminalise pas le viol conjugal en des termes suffisamment explicites.
« La loi qui a été adoptée hier nous a énormément déçues », s’est exclamée Nouzha Skalli, ex-ministre de la Famille, dans un entretien au Washington Post. « Elle ne modifie que certains articles du code pénal et ne peut être perçue comme une grande avancée dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes », déplore-t-elle vivement.
Du côté de l’ONG Human Rights Watch, c’est une satisfaction en demi-teinte qui prime. Si ses responsables estiment que le texte entériné par le Parlement marocain « offre des protections supplémentaires », ils lui reprochent cependant de « contenir des lacunes qui ne sauraient être passées sous silence ».
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