Chaque année c’est la même rengaine à l’approche des fêtes de fin d’année comme Noël et le Nouvel an. Les uns affirment qu’il est ḥarâm (interdit) d’y participer car ce sont des fêtes de « kuffâr » (mécréants) et de païens, et d’autres affirment qu’il y a consensus des savants sur l’interdiction d’y participer.
Aussi, bien qu’il ne soit pas question dans cet article de rendre obligatoire la participation à telle ou telle fête, ni même de légitimer la participation aux rituels religieux qui peuvent être présents avec certains évènements, il est toutefois question de discuter du statut d’interdiction qui leur colle à la peau ainsi que les prétendues preuves le justifiant.
Affirmons alors de suite les éléments suivants : rien dans les principales sources islamiques n’interdit à un musulman de participer ou de célébrer des fêtes d’origine non-musulmane, notamment si celles-ci sont liées à sa culture et à son peuple, tant qu’il s’éloigne de ce qui est proscrit par ces mêmes sources, surtout au niveau cultuel (‘ibâda) et dogmatique (‘aqîda). Cela est appuyé par le principe théologique de base qui veut que tout soit permis jusqu’à ce que l’on démontre que telle ou telle chose est interdite.
En effet, la règle classique et admise est la suivante : al-aṣl fî-l ‘âdât al-ibâḥa (le fondement dans le domaine des actes temporels est la permission, sauf ce que Dieu a interdit) et al-aṣl fî-l ‘ibâdât at-tawqîf (le fondement dans le domaine des actes cultuels est ce qui est arrêté, institué par les textes). Voir par exemple al-I’tisâm (2/135) de l’imâm ash-Shâṭibî.
En outre, sans m’attarder sur les nombreuses divergences principologiques existantes, je rappelle à ceux qui prétendent qu’il y aurait consensus (ijmâ’) sur l‘interdiction de fêter noël pour un musulman que cela est non seulement faux, mais que c’est en plus totalement indémontrable et ce, car il est tout simplement impossible à quiconque de présenter l’ensemble des avis existant sur le sujet de la part de tous les ulémas ayant existé depuis près de 1400 ans.
Toutefois, pour mieux comprendre cette thématique, plusieurs points doivent être abordés. Mais avant d’entrer dans leur développement, il faut commencer par préciser ce que représente Noël de nos jours :
Ici, certains affirment qu’il s’agit d’une fête chrétienne et qu’en conséquence un musulman n’a pas à y participer. Ces gens aiment, pour appuyer leur opinion, évoquer l’évolution historique de cette fête aux origines païennes. En effet, d’après les historiens, la fête de Noël est célébrée le 25 décembre, date à laquelle les Romains polythéistes célébraient le solstice d’hiver et la naissance du Soleil, ce qui est considéré comme une première forme de monothéisme largement étendue sur les terres de l’Empire romain.
Cette fête est précédée, depuis le pontificat de Grégoire le Grand (590-604), par le temps de l’Avent : du latin adventus signifiant la venue ou l’arrivée. C’est un temps de prière et de recueillement qui débute le quatrième dimanche avant la fête de Noël. Comme les chrétiens se préparent à la célébration de la Passion et de la résurrection du Christ, ils se préparent pendant environ un mois à la célébration de sa naissance fixée, plusieurs siècles après la mort de Jésus et de façon totalement imprécise, le 25 décembre.
Or, quand l’évolution historique d’une fête ne les arrange plus, ils la rejettent et n’en tiennent plus compte. Effectivement, comment ne pas se rendre compte qu’aujourd’hui, en Occident notamment et en France en particulier, Noël est devenu une fête populaire (et par conséquent commercial) et familiale et qu’elle n’est plus célébrée pour ses origines païennes ou plus forcément pour son caractère chrétien ?
Certes, certains chrétiens font place à une dimension cultuelle en ce jour, et même plusieurs jours auparavant avec ce qu’on appelle l’Avent, mais combien d’athées, d’agnostiques ou de personnes ayant d’autres opinions spirituelles la célèbrent simplement parce que pour eux elle n’évoque qu’une fête traditionnelle, un moment convivial dans lequel la famille est réunie et qui est l’occasion de s’offrir quelques cadeaux en passant un bon moment avec ses proches ? Fêter Noël pour un Français n’est en rien comparable avec le fait de fêter l’Épiphanie, l’Annonciation, l’Ascension, l’Assomption ou encore la Pentecôte qui sont toutes ses fêtes purement chrétiennes. Évidemment, un musulman n’aurait pas à célébrer de telles fêtes qui n’ont rien à voir avec le culte islamique et qui ne sont, pour la majorité des Français, que des jours fériés pour certaines d’entre elles.
Toutefois, Noël est un moment bien différent et constitue aujourd’hui une fête populaire, traditionnelle et familiale avant tout que l’ensemble des Français, au-delà de leurs convictions spirituelles, célèbrent ainsi. Certes, cet événement est d’origine chrétienne (et païenne avant cela) et ce, de par l’histoire de France anciennement « fille aînée de l’Église » pour reprendre les mots du père Lacordaire en 1841. Mais il faut prendre en compte l’évolution des choses. De nos jours, cette fête n’est plus l’exclusivité du christianisme.
Dès lors, quel acte proscrit ou relevant du shirk (associationnisme) y a-t-il dans sa célébration avec les conditions précédemment citées si, en plus, cela relève de la tradition du peuple auquel nous appartenons ? En quoi cela serait-il interdit d’y participer, d’organiser un repas à cette occasion et de s’offrir des cadeaux en l’absence de preuve explicite provenant de la Révélation divine ?
D’ailleurs, certains religieux chrétiens confirment cette évolution évidente. Ainsi André Gounelle (pasteur, théologien et professeur de théologie systémique) dit : « Je crois surtout que dans notre pays, pour la plupart des gens, Noël n’est pas une fête chrétienne, mais plutôt une fête civile, laïque, largement profane et à peine religieuse qu’on peut donc évoquer sans impérialisme chrétien ni discrimination envers les non-chrétiens. Que les Églises et leurs fidèles célèbrent le 25 décembre la naissance de Jésus, personne ne le conteste. Mais, d’autres, pour qui Jésus ne représente rien, fêtent tout autant Noël. De plus, souvent, chez les chrétiens eux-mêmes la naissance du Christ ne tient pas la première place ce jour-là. »
Il faut donc faire preuve de réalisme et de lucidité : il ne s’agit pas de dire aux musulmans qu’ils peuvent se rendre à la messe de minuit pour célébrer la naissance de Jésus Fils de Dieu, mais il s’agit de percevoir que cette fête est aujourd’hui, et depuis plusieurs décennies, une fête qui appartient tout autant, si ce n’est plus, à un peuple qu’à une religion. Ceci étant explicité, il nous faut maintenant revenir aux arguments de ceux qui affirment l’interdiction et à leur critique :
- Dans le Coran
L’affaire n’est pas compliquée : aucun verset coranique n’interdit, même en principe, la participation à des fêtes populaires et familiale tant que nous ne pratiquons aucun culte qui ne soit coraniquement proscrit. Cela devrait dès lors suffire à autoriser la participation aux fêtes de fin d’année en tant que moments festifs, conviviaux et familiaux.
- La sunna
L’affaire n’est pas compliquée non plus : aucun ḥadîth n’interdit une telle participation. Toutefois, certains se complaisent à mentionner quelques ḥadîths pour leur faire dire ce qu’ils ne disent absolument pas explicitement. Citons par exemple le ḥadîth rapporté par Abû Dâwud et qui est souvent mal compris car mal traduit. Le Prophète (paix sur lui) aurait ainsi dit :
من تشبه بقوم فهو منهم
« Celui qui cherche à ressembler à un peuple fait partie de lui. »
Outre le degré d’acceptabilité discutable de ce ḥadîth, la traduction est très souvent contestable. En effet, le terme utilisé dans ce récit est « تشبه » qui signifie « chercher à ressembler à », et non « شابه » qui signifie « ressembler à » ou « présenter une ressemblance avec ». Ainsi en quoi celui qui fête noël car cela relèverait de la tradition de son peuple chercherait-il à ressembler à d’autres peuples ? En quoi serait-ce son intention de façon absolue ? En quoi serait-il concerné alors qu’il ne fait que participer culturellement à ce qui relève de sa propre tradition ?
En outre, il faut préciser que ce qui est proscrit traditionnellement c’est le fait de chercher à ressembler à d’autres communautés dans ce qui relève de la croyance ou du culte, et non dans ce qui concerne la tradition, la coutume et les affaires du quotidien. A ce titre, le Prophète Muḥammad (paix sur lui) faisait bien partie du peuple arabe, il partageait les mêmes manières de vivre, les mêmes us et coutumes qu’eux, ainsi que les mêmes traditions tant qu’il ne s’y trouvait pas de shirk (associationnisme) en elles. Or, les Arabes n’étaient pas tous musulmans. Ainsi, il se vêtait comme un Arabe, mangeait ce que les Arabes mangeaient, utilisait les mêmes expressions langagières, utilisait les mêmes montures, etc. Pour autant, il ne cherchait pas à ressembler aux polythéistes/codéificateurs de son temps et s’en distinguait par l’essentiel : la foi, l’éthique et la pratique cultuelle.
De plus, même à considérer la traduction parfois mise en avant, en quoi ce ḥadîth exprime-t-il une quelconque interdiction ? En quoi le fait de dire qu’en ressemblant à un peuple c’est comme si nous faisions partie de ce peuple cela exprime-t-il une réprobation ou une interdiction ?Pour interdire quelque chose en s’appuyant sur un texte, encore faut-il que le texte en question formule une prohibition, ce qui n’est pas le cas ici. Faire partie d’un peuple est le lot de toute personne et nous pouvons être musulman en appartenant à des peuples différents. Tous les Marocains, tous les Sénégalais ou encore tous les Égyptiens ne sont pas musulmans. Pour autant, tous les membres de ces pays, qu’ils soient chrétiens, juifs ou musulmans, font partie de leur peuple et c’est parfaitement normal. De même, le peuple français n’est pas constitué de gens appartenant à une seule et même religion.
- La pratique des compagnons (ṣaḥâba)
Parmi les akhbâr (informations) évoquant les évènements cultuels, culturels, non-musulmans et d’origine païenne auxquelles participaient les ṣaḥâba (compagnons) en dehors de leur dimension rituelle et du vivant même du Prophète (paix sur lui), nous pouvons citer al-‘Atîra et al-Fara’a. A cela, certains rétorqueront qu’al-Bukhârî rapporte que le Prophète aurait dit : « Il n’y a en islam ni ‘Atîra ni Fara’a ».
Mais, comme bien souvent en matière de ḥadîth, il ne suffit pas de citer un texte dans un sens présumé, sans même en connaître le contexte précis, pour prétendre mettre en avant sa portée exacte. Or, concernant ce récit, trois ouvrages peuvent nous aider à comprendre la divergence des théologiens concernant sa compréhension :
- Al-Ḥâwî al-kabîr fî fiqh al-madhhab al-imâm ash-Shâfi’î d’Abû al Ḥasan ‘Alî Ibn Muḥammad Ibn Ḥabîb al-Mawardî,
- Le sharḥ (commentaire) du Ṣaḥîḥ Muslim de l’imâm an-Nawawî,
- et Tuḥfa al-uḥûdî d’al-Mubârakfurî.
PREMIER OUVRAGE – Nous trouvons un résumé des diverses positions de l’imâm ash-Shâfi’î sur la question. Voici ce qu’on y trouve :
: الجزء الخامس عشر التحليل الموضوعي
ص: 131 الْقَوْلُ فِي الْفَرَعَةِ وَالْعَتِيرَةِ
فَصْلٌ : فَأَمَّا الْفَرَعَةُ وَالْعَتِيرَةُ ، فَقَدْ رَوَى الشَّافِعِيُّ : الْفَرَعَةُ عِنْدَ الْعَرَبِ : أَوَّلُ مَا تُنْتَجُ النَّاقَةُ ، يَقُولُونَ : لَا تَمْلِكُهَا وَيَذْبَحُونَهَا رَجَاءً لِلْبَرَكَةِ فِي لَبَنِهَا وَنَسْلِهَا، وَالْعَتِيرَةُ : ذَبِيحَةٌ كَانَ أَهْلُ الْبَيْتِ مِنَ الْعَرَبِ يَذْبَحُونَهَا فِي رَجَبٍ، وَيُسَمُّونَهَا الْعَتِيرَةَ الرَّجَبِيَّةَ، وَقَدْ رُوِيَ فِيهَا حَدِيثَانِ مُخْتَلِفَانِ ، فَرَوَى الشَّافِعِيُّ ، عَنْ سُفْيَانَ، عَنِ الزُّهْرِيِّ، عَنْ سَعِيدِ بْنِ الْمُسَيَّبِ، عَنْ أَبِي هُرَيْرَةَ قَالَ : قَالَ رَسُولُ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ : لَا فَرَعَةَ وَلَا عَتِيرَةَ وَهَذَا نَهْيٌ عَنْهُمَا.
وَرَوَى أَبُو قِلَابَةَ عَنْ أَبِي الْمَلِيحِ عَنْ نُبَيْشَةَ أَنَّ رَجُلًا سَأَلَ النَّبِيَّ – صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ – فَقَالَ : إِنَّا كُنَّا نَعْتِرُ عَتِيرَةً فِي الْجَاهِلِيَّةِ فِي رَجَبٍ ، فَمَا تَأْمُرُنَا ؟ فَقَالَ: اذْبَحُوا فِي أَيِّ شَهْرٍ كَانَ.
وَرُوِيَ أَنَّهُ قَالَ: » وَأَطْعِمُوا » قَالَ: إِنَّا كُنَّا نُفَرِّعُ فَرَعًا فِي الْجَاهِلِيَّةِ فَمَا تَأْمُرُنَا؟ قَالَ: مِنْ كُلِّ سَائِمَةٍ فَرَعٌ وَهَذَا أَمْرٌ بِهِمَا، وَلَيْسَ فِيهِمَا نَاسِخٌ وَلَا مَنْسُوخٌ، وَفِي اخْتِلَافِهِمَا تَأْوِيلَانِ ل:
أَحَدُهُمَا: أَنَّ حَدِيثَ أَبِي هُرَيْرَةَ فِي النَّهْيِ عَنْهُمَا مَحْمُولٌ عَلَى نَهْيِ الْإِيجَابِ، وَحَدِيثَ نُبَيْشَةَ فِي الْأَمْرِ بِهِمَا مَحْمُولٌ عَلَى الِاسْتِحْبَابِ.
وَالتَّأْوِيلُ الثَّانِي: أَنَّ النَّهْيَ عَنْهُمَا عَلَى مَا ذُبِحَ لِغَيْرِ اللَّهِ مِنَ الْأَصْنَامِ وَالْجِنِّ، وَالْأَمْرَ بِهِمَا مَحْمُولٌ عَلَى مَا ذُبِحَ لِوَجْهِ اللَّهِ. وَاللَّهُ أَعْلَمُ بِالصَّوَابِ.
En résumé, il est rapporté qu’ash-Shâfi’î a expliqué qu’al-Fara’a (far’) chez les Arabes correspondait au fait d’immoler le premier chamelon (ou une chamelle) afin d’obtenir la bénédiction des divinités (idoles païennes) dans le lait et la progéniture des (autres) chamelles. Quant à al-‘Atîra, elle correspondait également à une immolation se déroulant au cours du mois de Rajab. Deux ḥadîths, en apparence contradictoires, nous sont parvenus en lien avec ces deux évènements (rites) :
- Dans le premier ḥadîth susmentionné et rapporté par Abû Hurayra, le Prophète aurait dit : « Il n’y a ni Fara’a ni ‘Atîra en islam. »
- Dans le second rapporté par Nubaysha, le Prophète aurait répondu à un homme qui le questionnait à propos d’al-‘Atîra : « Immolez au cours de n’importe quel mois. » Dans une autre version : « Donnez à manger (de la bête immolée) ».
- Concernant al-Fara’a, le Prophète aurait répondu : « Pour chaque troupeau (de bêtes), il y a une partie. » Or, ces réponses laissent clairement entendre qu’il n’y a pas d’interdiction à participer à ces évènements pourtant d’origine païenne.
Ceci étant dit, il n’y a pas en réalité de nâsikh (abrogeant) et de mansûkh (abrogé) dans ces deux ḥadîths, mais il y a divergence quant à leur compréhension chez les shâfi’ites notamment. Ainsi, deux interprétations se dégagent :
- Première interprétation : le ḥadîth d’Abû Hurayra correspond simplement à l’interdiction d’imposer la pratique d’al-‘Atîra et d’al-Fara’a. Il s’agit donc de ne pas rendre wâjib (obligatoire) ces deux rites, mais simplement permis. Quant au ḥadîth de Nubaysha, il se rapporte à la recommandation, et non à l’obligation, de ces deux évènements.
- Deuxième interprétation : l’interdiction supposée dans ces deux évènements est relative à ce qui fut égorgée pour autre que Dieu. Quant à l’ordre présumé d’y participer, il se comprend dans le sens où l’immolation est faite pour obtenir l’agrément de Dieu et non des divinités païennes. Il s’agit donc ici de participer à un événement d‘origine non-musulmane dans ce qui ne contredit pas l’islam et d’en modifier certains aspects pour les rendre compatibles avec l’islam.
DEUXIEME OUVRAGE – Dans le commentaire du Ṣaḥîḥ de l’imâm Muslim, il est dit (en résumé) :
قَالَ الشَّافِعِيُّ – رَضِيَ اللَّهُ عَنْهُ – : الْفَرَعُ شَيْءٌ كَانَ أَهْلُ الْجَاهِلِيَّةِ يَطْلُبُونَ بِهِ الْبَرَكَةَ فِي أَمْوَالِهِمْ ، فَكَانَ أَحَدُهُمْ يَذْبَحُ بِكْرَ نَاقَتِهِ أَوْ شَاتِهِ ، فَلَا يَغْذُوهُ رَجَاءَ الْبَرَكَةِ فِيمَا يَأْتِي بَعْدَهُ، فَسَأَلُوا النَّبِيَّ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ عَنْهُ فَقَالَ : » فَرِّعُوا إِنْ شِئْتُمْ ، أَيِ : اذْبَحُوا إِنْ شِئْتُمْ » وَكَانُوا يَسْأَلُونَهُ عَمَّا كَانُوا يَصْنَعُونَهُ فِي الْجَاهِلِيَّةِ خَوْفًا أَنْ يُكْرَهَ فِي الْإِسْلَامِ ، فَأَعْلَمَهُمْ أَنَّهُ لَا كَرَاهَةَ عَلَيْهِمْ فِيهِ ، وَأَمَرَهُمُ اسْتِحْبَابًا أَنْ يُغْذُوَهُ ، ثُمَّ يُحْمَلَ عَلَيْهِ فِي سَبِيلِ اللَّهِ . قَالَ الشَّافِعِيُّ: وَقَوْلُهُ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ: (الْفَرَعُ حَقٌّ) مَعْنَاهُ: لَيْسَ بِبَاطِلٍ، وَهُوَ كَلَامٌ عَرَبِيٌّ [ص: 119] خَرَجَ عَلَى جَوَابِ السَّائِلِ.
La Fara’a était un « rite » à travers lequel, en immolant un animal, les Arabes cherchaient la bénédiction dans leurs biens. Ainsi, comme les musulmans avaient l’habitude d’interroger le Prophète par rapport à ce qu’ils faisaient dans la jâhiliyya (période préislamique) afin de s’assurer qu’il n’y avait rien de détestable, il fut questionné à propos d’al-Fara’a. Il répondit alors : « Faites la Fara’a si vous le souhaitez. », c’est-à-dire « immolez si vous le désirez ». Le Prophète leur fit donc comprendre qu’il n’y avait rien de réprouvable dedans, leur recommanda de le faire ainsi que de donner, cela leur étant compté comme faisant partie des actes faits « dans le sentier de Dieu ».
TROISIEME OUVRAGE – Dans Tuḥfa al-uḥûdî d’al-Mubârakfurî, on apprend la chose suivante (en résumé) :
وَاسْتَنْبَطَ الشَّافِعِيُّ مِنْهُ الْجَوَازَ إِذَا كَانَ الذَّبْحُ لِلَّهِ جَمْعًا بَيْنَهُ وَبَيْنَ حَدِيثِ » الْفَرَعُ حَقٌّ » وَهُوَ حَدِيثٌ أَخْرَجَهُ أَبُو دَاوُدَ وَالنَّسَائِيُّ وَالْحَاكِمُ مِنْ رِوَايَةِ دَاوُدَ بْنِ قَيْسٍ عَنْ عَمْرِو بْنِ شُعَيْبٍ عَنْ أَبِيهِ عَنْ جَدِّهِ عَبْدِ اللَّهِ بْنِ عُمَرَ ، وَكَذَا فِي رِوَايَةِ الْحَاكِمِ : سُئِلَ رَسُولُ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ عَنِ الْفَرَعِ قَالَ : » الْفَرَعُ حَقٌّ وَإِنْ تَتْرُكَهُ حَتَّى يَكُونَ بِنْتَ مَخَاضٍ أَوِ ابْنَ لَبُونٍ ، فَتَحْمِلَ عَلَيْهِ فِي سَبِيلِ اللَّهِ ، أَوْ تُعْطِيَهُ أَرْمَلَةً ، خَيْرٌ مِنْ أَنْ تَذْبَحَهُ يُلْصَقُ لَحْمُهُ بِوَبَرٍ وَقَوْلُهُ نَاقَتَك » . قَالَ الشَّافِعِيُّ فِيمَا نَقَلَهُ الْبَيْهَقِيُّ مِنْ طَرِيقِ الْمُزَنِيِّ عَنْهُ : الْفَرَعُ شَيْءٌ كَانَ أَهْلُ الْجَاهِلِيَّةِ يَذْبَحُونَهُ ، يَطْلُبُونَ بِهِ الْبَرَكَةَ فِي أَمْوَالِهِمْ ، فَكَانَ يَذْبَحُ أَحَدُهُمْ بَكْرَ نَاقَتِهِ ، أَوْ شَاتِهِ ، رَجَاءَ الْبَرَكَةِ فِيمَا يَأْتِي بَعْدَهُ ، فَسَأَلُوا النَّبِيَّ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ عَنْ حُكْمِهَا : فَأعْلَمَ أَنَّهُ لَا كَرَاهَةَ عَلَيْهِمَا فِيهِ ، وَأَمَرَهُمِ اسْتِحْبَابًا أَنْ يَتْرُكُوهُ حَتَّى يَحْمِلَ عَلَيْهِ فِي سَبِيلِ اللَّهِ ، وَقَوْلُهُ : حَقٌّ أَيْ لَيْسَ بِبَاطِلٍ ، وَهُوَ كَلَامٌ خَرَجَ عَلَى جَوَابِ السَّائِلِ ، وَلَا مُخَالَفَةَ بَيْنَهُ وَبَيْنَ حَدِيثِ ( لَا فَرَعَ وَلَا عَتِيرَةَ ) ، فَإِنَّ [ ص: 85 ] مَعْنَاهُ لَا فَرَعَ وَاجِبٌ وَلَا عَتِيرَةَ وَاجِبَةٌ ، وَقَالَ غَيْرُهُ : مَعْنَى قَوْلِهِ : ( لَا فَرَعَ وَلَا عَتِيرَةَ ) أَيْ لَيْسَ فِي تَأَكُّدِ الِاسْتِحْبَابِ كَالْأُضْحِيَّةِ وَالْأَوَّلُ أَوْلَى..
L’imâm ash-Shâfi’î a déduit qu’il était permis d’immoler lors de ces évènements à la condition que cela soit fait pour Dieu (cela correspond à l’une des interprétations susmentionnées). De même, le ḥadîth affirmant qu’il n’y a ni ‘Atîra ni Fara’a en islam n’entre pas en contradiction avec ceux incitant à y participer. En effet, le sens de ce ḥadîth est qu’il n’y a pas d’obligation dans le fait de faire la ‘Atîra ou la Fara’a. C’est donc simplement le caractère obligatoire préalable qui fut abrogé, et non la permission d’y participer. D’autres ont dit qu’il s’agissait d’affirmer qu’elles n’avaient pas le statut de recommandé, contrairement à al-Uḍḥiyya (en islam). Toutefois, la première interprétation est préférable.
Ici, nous constatons donc que plusieurs compagnons du Prophète, et le Prophète lui-même, ne voyaient pas d’inconvénient à participer à un événement d’origine païenne tant que la dimension paganiste de ces évènements était absente dans la pratique des musulmans.
Un autre « ḥadîth » souvent utilisé par ceux qui affirment que fêter Noël est interdit nous apprend que le Prophète (paix sur lui) aurait dit aux ṣaḥâba :
إنكم مُسْتَنْزَلون بين ظهراني عجم، فمن تشبه بهم في نيروزهم ومهرجانهم حُشِرَ معهم
« Vous irez bientôt dans les pays des non-arabes. Celui-ci qui cherche à leur ressembler dans leur Nayrûz et leur Mahrajân (des fêtes) sera ressuscité avec eux. »
Toutefois, je n’ai pas trouvé de sanad (chaîne de transmission) à ce « ḥadîth ». De plus, le fait qu’il soit cité sans sanad dans certaines fatwâ, à l’instar de celle d’Aḥmad ibn Yaḥyâ al-Wansharîsî, ne lui donne aucun statut d’authenticité. En outre, on attribue à ‘Abdullah ibn ‘Amr ibn al ‘Âs un propos similaire, cette fois-ci avec un sanad. Mais il semble qu’il y ait des choses à dire à ce niveau. En effet, sa parole est rapportée par deux voies dont l’une comporte un certain « al-Walîd » ou « Abû al-Walîd » dont on semble ignorer l’identité. De plus, la version d’après al-Mughîra ibn al-Qawwâs est isolée car le seul qui rapporte de lui est ‘Awf al-‘Arabî. Ainsi, le ḥadîth, selon cette version, peut devenir munkar ou shâdhdh, selon le degré de fiabilité du transmetteur.
En effet, al-Bayhaqî rapporte ce qui suit :
الاثر عن عبد الله بن عمرو بن العاص.
أخرجه البيهقي في الكبرى في كتاب الجزية باب كراهية الدخول على أهل الذمة في كنائسهم والتشبه بهم يوم نيروزهم ومهرجانهم.
أخبرنا أبو طاهر الفقيه أنبأ أبو بكر القطان ثنا أحمد بن يوسف ثنا محمد بن يوسف قال ذكر سفيان عن عوف عن الوليد أو أبي الوليد (9/ 234 ، رقم 18642 ) وأخبرنا أبو عبد الله الحافظ ثنا أبو العباس محمد بن يعقوب ثنا الحسن بن علي بن عفان ثنا أبو أسامة ثنا عوف عن أبي المغيرة (9/ 234 ، رقم 18643 ) (الوليد أو أبو الوليد و أبو المغيرة ) عن عبد الله بن عمرو قال : من بنى ببلاد الأعاجم وصنع نيروزهم ومهرجانهم وتشبه بهم حتى يموت وهو كذلك حشر معهم يوم القيامة قال الشيخ الإمام رحمه الله قال الشيخ أبو سليمان رحمه الله بنى هو الصواب.
وقال عقب الطريق الثانية » وهكذا رواه يحيى بن سعيد وبن عدي وغندر وعبد الوهاب عن عوف عن أبي المغيرة عن عبد الله بن عمرو من قوله » ـ 9/ 234
وأبو المغيرة القواس تفرد بالرواية عنه عوف الاعرابي والوليد لم أتبين من هو.
هذا والله أعلم
Ajoutons encore que la participation à ces deux fêtes, Mahrajân et Nayrûz, pour des raisons diverses fut rapportée en ce qui concerne ‘Alî ibn Abî Ṭâlib et approuvée par ‘Âïsha à la condition de ne pas consommer de viande non licite. Encore une fois, on constate que la permission est la règle tant que ce qui est proscrit islamiquement n’est pas pratiqué.
D’autres ajoutent encore que le Prophète aurait dit qu’il y a deux fêtes en islam, celle de la fin du jeûne du Ramaḍân et celle du « sacrifice » (‘îd al-fiṭr et ‘îd al-aḍḥâ) :عن أنس رضي الله عنه قال : قدم رسول الله صلّى الله عليه وسلّم المدينة ولهم يومان يلعبون فيهما. فقال : ما هذان اليومان ؟ قالوا : كنّا نلعب فيهما في الجاهلية. فقال رسول الله صلّى الله عليه وسلّم : إن الله قد أبدلكم بهما.
D’après Anas, lorsque le Prophète (paix sur lui) arriva à Médine, les habitants avaient deux jours durant lesquels ils se divertissaient. Le Prophète aurait alors dit: « Quels sont ces deux jours ? »
Ils répondirent : « Nous avions l’habitude de nous divertir durant ces deux jours dans la Jâhiliyya ». Le Prophète dit alors : « Certes, Dieu vous a remplacé ces deux jours par deux jours meilleurs : le jour du sacrifice et le jour de la rupture du jeûne ».
Plusieurs remarques s’imposent :
- Ce ḥadîth n’indique nullement dans sa formulation que les fêtent des Médinois furent proscrites. En effet, dire que des fêtes sont meilleures que d’autres de par leur sens, leur symbolique et autres ne signifie pas que les fêtes précédentes soient interdites.
- De même, il n’y a pas dans ce ḥadîth d’interdiction prononcée quant à la participation à d’autres fêtes ayant des origines diverses et qui ne sont pas instituées par l’islam.
- J’attire d’ailleurs votre attention sur le fait que les deux fêtes mentionnées dans le ḥadîth ne sont pas non plus instituées par le Coran.
- En outre, au niveau des uṣûl al-fiqh (fondements du droit), l’indication d’un nombre particulier dans un ḥadîth ne signifie pas nécessairement que ce nombre constitue une limite à ne pas dépasser. Aussi, le fait de dire qu’il y a deux fêtes en islam ne signifie nullement qu’il n’y en ait que deux. A titre d’exemple, on trouve dans un autre ḥadîth rapporté par Ibn Mâja que le Prophète aurait dit que le vendredi est également un jour de fête et on trouve dans un autre récit rapporté par at-Tirmidhî que les jours de tashrîq sont également des jours de fête en islam. Cela témoigne du fait que la citation des deux fêtes dans le premier ḥadîth ne signifie pas que leur nombre se limite à deux et les exemples en ce sens sont nombreux.
Ci-après, voici quelques tentatives d’argumentation hors-sujet :
- « Il est interdit de soutenir les ennemis de Dieu » : en référence à un verset coranique sorti de son contexte et de son ensemble textuel, certains affirment que fêter Noël revient à soutenir les ennemis de Dieu. Mais quel est rapport avec le fait de participer à une fête populaire en famille et entre amis ?
En outre, Dieu explicite Sa Parole dans un autre verset dans lequel il est dit que ceux qu’on ne peut pas prendre pour alliés sont uniquement ceux qui combattent al-islâm et al-muslimûn :
لَا يَنْهَاكُمُ اللَّهُ عَنِ الَّذِينَ لَمْ يُقَاتِلُوكُمْ فِي الدِّينِ وَلَمْ يُخْرِجُوكُم مِّن دِيَارِكُمْ أَن تَبَرُّوهُمْ وَتُقْسِطُوا إِلَيْهِمْ إِنَّ اللَّهَ يُحِبُّ الْمُقْسِطِينَ ¤إِنَّمَا يَنْهَاكُمُ اللَّهُ عَنِ الَّذِينَ قَاتَلُوكُمْ فِي الدِّينِ وَأَخْرَجُوكُم مِّن دِيَارِكُمْ وَظَاهَرُوا عَلَى إِخْرَاجِكُمْ أَن تَوَلَّوْهُمْ وَمَن يَتَوَلَّهُمْ فَأُوْلَئِكَ هُمُ الظَّالِمُونَ
« Dieu ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures (de prendre soin d’eux et bien se comporter avec eux). Car Dieu aime les équitables. Dieu vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes. »
2. « Il est interdit de pratiquer les cultes chrétiens » : il est vrai qu’un musulman n’a pas à pratiquer le culte d’une autre religion, surtout si ce dernier ne véhicule pas ce qui est conforme au message coranique. Mais il ne faut pas se méprendre : une fête n’est pas synonyme de culte. Rien n’empêche donc une personne de participer à une fête sans sa dimension culturelle et populaire, tout en délaissant la dimension cultuelle.
3. « Il existe des fatwâ, notamment d’Ibn al-Qayyim et d’Ibn Taymiyya, interdisant de participer aux fêtes des non-musulmans » : Oui cela est vrai et ? Ibn Taymiyya est-il Dieu et Ibn al-Qayyim son Prophète ? Évidemment que non. Alors, (1) une fête populaire n’appartient pas qu’aux non-musulmans, mais elle appartient à l’ensemble des membres d’une communauté nationale peu importe leur spiritualité. Ensuite, (2) une fatwâ n’est pas une preuve en islam pour autorisé ou interdire et (3) une fatwâ s’inscrit, par définition, dans un contexte précis et y est dépendante. Il faut donc avoir pleinement connaissance du contexte dans lequel elle fut prononcée avant d’en faire une généralité. En effet, les fuqahâ n’ont de cesse de répéter que la fatwâ va de pair avec son contexte et elle évolue donc en fonction de celui-ci. C’est ainsi que l’imâm al-Qarâfî a dit en s’adressant au mujtahîd muftî (savant délivrant des avis juridiques/fatwas) :
“مهما تجدد في العرف اعتبره ومهما سقط أسقطه، ولا تجمد على المسطور في الكتب طول عمرك بل إذا جاءك رجل من غير إقليمك يستفتيك، فلا تجره على عرف بلدك وسله عن عرف بلده فاجره عليه وأفته به دون عرف بلدك والمقرر في كتبك، فهذا هو الحق الواضح والجمود على المنقولات أبدا ضلال في الدين وجهل بمقاصد علماء المسلمين والسلف الماضيين”
« Toutes les fois qu’il y a un renouvellement dans la coutume (‘urf) des gens, le mujtahid (savant) la prend en considération, et toutes les fois où elle s’arrête, il la laisse. Ne te fige pas sur ce qui est consigné dans les livres toute ta vie ! Mais plutôt, s’il te vient un homme qui n’est pas de ta région qui te demande la fatwâ (avis juridique), ne le ramène pas vers la coutume de ton pays. Questionne-le sur la coutume de sa région, guide-le vers celle-ci et donne-lui la fatwâ par elle sans tenir compte de celle de ton pays et de ce qui est établi dans tes livres. Ceci est la vérité claire et limpide. Le fait d’être figé à jamais dans les textes rapportés (al-manqulât) est un égarement dans la religion et une ignorance des desseins des savants musulmans et des prédécesseurs (salafs). »
En conséquence, la position d’Ibn Taymiyya et d’Ibn al Qayyim est liée à leur contexte. Anas Ahmed Lala explique d’ailleurs bien ceci dans un article dédié dans lequel il écrit que « plutôt qu’une simple divergence de vues par rapport à l’avis de Ibn ul-Qayyim en la matière, al-Qardhâwî opte davantage pour le fait qu’il s’agirait d’une divergence d’avis liée à un changement de contexte. En effet, al-Qardhâwî explique son avis en disant que sur plusieurs points, la situation a changé par rapport à l’époque de Ibn Taymiyya et Ibn ul-Qayyim.
Il cite notamment ce point-ci : aujourd’hui, pour une grande partie des occidentaux, Noël n’est plus vécu comme un phénomène religieux mais comme un phénomène traditionnel à l’occasion duquel ils se réunissent, se font des cadeaux et prennent ensemble un repas (fin de citation). Chacun connaît ainsi des gens qui sont agnostiques, voire même athées, et qui pourtant fêtent Noël assidûment. La célébration de Noël consiste pour eux à se réunir en famille, à prendre un repas et à se faire des cadeaux. »
A. L. Lala explique ce qui suit en citant le cas où il y a plusieurs avis sur une question à cause d’une divergence de circonstances et de contexte. Il donne cet exemple : « …une fatwa indienne datant de la colonisation britannique de l’Inde déclarait que, pour un homme musulman, porter chemise et pantalons sont interdits ; une autre fatwa, plus récente, affirme que cela n’est pas interdit du moment que cela reste ample. On pourrait hâtivement conclure à la contradiction. Or il n’en est rien. Le principe est unique : une tenue vestimentaire est interdite si elle est le symbole d’un peuple non-musulman ; mais si elle n’est le symbole d’aucun peuple non-musulman particulier elle est autorisée (sous condition qu’elle ne contredise aucun autre principe islamique non plus). Quand l’Inde était colonisée, la chemise et le pantalon étaient les symboles des Anglais, des chrétiens, et le musulman indien devait donc s’abstenir de les porter. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, les porter est donc autorisé du moment qu’ils sont suffisamment amples pour ne pas révéler les formes du corps. »
Ainsi, concernant Noël par exemple, il convient de mettre en avant le fait qu’il s’agisse d’une fête populaire et qu’elle n’est pas le symbole exclusif d’une religion, puisque des centaines de milliers d’athées, de déistes, d’agnostiques et de croyants divers la célèbrent de par le monde. Certes, les chrétiens y ajoutent un aspect religieux. Mais énormément de personnes ne célèbrent pas cette fête avec cette dimension, mais juste en tant qu’événement populaire et familial. Avant, en Inde, la chemise et le pantalon étaient les symboles des Anglais et des Chrétiens. Aujourd’hui non, plus exclusivement. La fatwâ a donc changé. Avant, en Occident, Noël était un symbole des Chrétiens, après avoir été celui des païens. Aujourd’hui non, plus exclusivement. La fatwâ doit donc changer.
Les musulmans peuvent-ils célébrer l’arrivée au monde de Jésus ?
La question serait en fait pourquoi ne le pourraient-ils pas ? En effet, à l’instar du Mawlid an-nabawî (commémoration de la naissance du Prophète Muḥammad dont la date est également soumise à divergences), qui est par ailleurs validé par une multitude de ulémas (comme as-Suyûṭî, al-‘Irâqî, as-Sakhâwî, as-Subkî, etc.), je ne vois aucun problème à ce que les musulmans commémorent, le 25 décembre, la naissance de Jésus en tant que Messie (Al Masîḥ), fils de Marie, Messager (Rasûl) et Verbe (Kalima) de Dieu et un Esprit (Rûḥ) provenant de Lui et ce, même s’il est évident que la véritable date de sa naissance nous est inconnue. Ceci n’a rien de répréhensible islamiquement.
Conclusion
Comme cela fut développé dans cet article, aucun texte du Coran et de la sunna ne permet d’affirmer que fêter noël en tant que fête populaire et familiale serait interdit, ce qui est pourtant la réalité de cette fête dans notre contexte et ce, quoiqu’en disent les uns et les autres. Le statut théologique de cette fête devrait donc être, en notre contexte, celui de la permission pour que celui ou celle qui veut y participer puisse le faire en prenant plaisir à retrouver sa famille, passer un moment agréable et resserrer les liens.
Évidemment, ce sujet concernera davantage les musulmans dont la famille a pour habitude de célébrer noël ou ceux pour qui vivent avec une belle-famille ou dans un environnement multiculturel et multiconfessionnels. Mais, plus généralement, je pense que les musulmans de France et surtout les Français musulmans de tous les horizons devraient, dans un esprit de vivre et de faire ensemble, participer d’une manière ou d’une autre à cette fête et l’instaurer dans leur foyer dans ce qu’elle a de familial car, en demeurant dans ce pays ou en y étant nés très souvent, ils sont et font le peuple de France et, en ce sens, cette fête est donc la leur. Après, chacun est libre de se situer sur la question tout en prenant garde d’interdire ce que Dieu n’a jamais interdit.
Wallahu a’lam
William Blob