Cinquième pilier de l’islam, qui fait obligation à chaque musulman ayant les moyens matériels et physiques de s’y rendre au moins une fois dans sa vie, le pèlerinage de La Mecque (le hadj, en arabe) constitue un défi sécuritaire et logistique pour l’Arabie saoudite. Mais c’est aussi le point culminant d’un tourisme religieux dont le royaume tire des ressources substantielles.
- 1,323 million d’étrangers sur place
Plus de deux millions de musulmans sont attendus à partir du samedi 18 août à La Mecque. Un chiffre impressionnant, comparable à la population de Paris, mais pourtant en baisse après avoir dépassé les deux millions dans les années 2008-2012. Ils étaient 150 000 dans les années 1950.
L’accès aux lieux saints pendant la période du hadj est strictement contrôlé par les autorités saoudiennes. Depuis 2013, en raison des travaux en cours à la Grande Mosquée, le royaume a réduit de 20 % le nombre de pèlerins étrangers autorisés à s’y rendre ; pour les pays musulmans, un ratio d’un pèlerin pour 1 000 habitants est appliqué.
Le hadj est le point culminant de la saison touristique, mais le royaume accueille chaque année plus de 18 millions de touristes, selon la Banque mondiale.
- 17 000 agents mobilisés en 2016
Le hadj est un événement placé sous haute surveillance. Pour assurer la sécurité des pèlerins, la défense civile avait ainsi mobilisé 17 000 agents et plus de 3 000 véhicules en 2016. L’année précédente, en 2015, le hadj avait connu la pire bousculade de son histoire : au moins 2 297 personnes avaient trouvé la mort, selon un bilan établi à partir des annonces par pays (alors que l’Arabie saoudite reste sur le décompte de 769 morts). D’autres mouvements de foules avaient déjà endeuillé le pèlerinage, notamment en 2006 (364 morts) et 1990 (1 426 morts).
- 100 milliards de dollars de travaux
Pour accueillir les pèlerins dans de meilleures conditions, la capacité d’accueil de la Grande Mosquée, pouvant accueillir 1,5 million de fidèles en même temps, doit être portée à 2,2 millions. L’effondrement d’une grue de cet immense chantier a aussi provoqué la mort de 107 personnes en 2015. Depuis les années 1950, plus de 100 milliards de dollars ont ainsi été investis par l’Arabie saoudite en infrastructures, selon le chercheur Juan Eduardo Campo, de l’université de Californie.
Ces chantiers s’accompagnent de la construction de projets hôteliers et d’équipements urbains, entraînant parfois la destruction du patrimoine historique de La Mecque, dont la maison présumée de Khadija, première femme du prophète, remplacée par des toilettes publiques, ou celle d’Abou Bakr, compagnon de Mahomet et premier calife de l’islam, par un hôtel Hilton.
Si deux millions de pèlerins doivent être accueillis, ce sont aussi deux millions de personnes qui doivent se loger, se nourrir, qui consomment et repartent chez eux les bras chargés de souvenirs.
- 5,75 milliards d’euros de revenus
Selon une étude de la chambre de commerce et d’industrie de La Mecque publiée en août 2015, la dépense moyenne d’un pèlerin venu de l’étranger est de l’ordre de 4 100 euros et celle d’un pèlerin « national » de 1 200 euros.
Au total, les étrangers ont dépensé près de 20 milliards de riyals saoudiens durant le seul hadj 2015, soit 4,75 milliards d’euros, et les locaux plus d’un milliard d’euros. Sur l’ensemble de l’année 2015, le tourisme religieux devait générer 16,4 milliards d’euros, selon Abdullah Al-Marzouq, professeur en économie du hadj à l’université Um Al-Qurah.
Logistique des rituels
Hôtels, policiers, pompiers… mais aussi pierres et bouteilles d’eau. Obéissant à des règles codées que les fidèles accomplissent au même moment, le pèlerinage nécessite aussi une logistique des rituels.
- 100 millions de cailloux
Après avoir marché en souvenir de l’errance d’Agar à la recherche d’eau pour Ismaël, les pèlerins se rendent à la source Zamzam : près de 18 millions de litres distribuées en 2016 ; le rituel de la lapidation de Satan a nécessité 100 millions de cailloux en 2014, quand 600 000 moutons ont été sacrifiés pour l’Aïd.
Malgré son importance, à la fois comme défi logistique et comme source de revenus pour l’économie locale, le hadj n’est pas pour autant le plus grand pèlerinage du monde musulman. Commémoré chaque année dans la ville irakienne de Kerbala, l’« Arbaïn », qui marque la fin des quarante jours de deuil après l’anniversaire de la mort de l’imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet, a vu l’an dernier affluer près de 20 millions de pèlerins chiites, dont 5 millions d’étrangers, en quarante jours.
LE MONDE