A la une

Le Ramadan 2019 est fini: trois couples mixtes nous racontent l’envers du décor

Réel soulagement pour certains, la fête de l’aïd marque également la fin d’une période de rapprochement pour certains couples.

RAMADAN – L’Aïd el-Fitr, la fête de la rupture du jeûne qui marque la fin du mois sacré de ramadan a lieu ce mardi 4 juin. Comment ce mois de célébrations, de jeûne et de prières a été vécu au sein des couples mixtes, ces unions rassemblant musulmans et non musulmans? Marine et Charlotte sont en couple avec Omar et Souleyman, tous deux musulmans, comme Sabri qui est en couple avec Julie, athée. Tous les trois nous racontent leur ramadan.

Marine, en couple depuis 7 ans avec Omar, “des repas de Noël tous les week-ends et plus de disputes”

“En rentrant du travail, je ne mange et je ne bois rien avant la fin du jeûne. Le repas du soir, c’est un repas convivial, qu’on fait forcément en famille. Malgré tout, je ne peux pas suivre exactement le même rythme que mon mari. La semaine, pour pouvoir faire deux repas la nuit, il se couche vers 2 heures du matin et récupère un peu le matin quand je prends mon petit-déjeuner et m’occupe de notre fille.

Le Ramadan, c’est un mois de fatigue et d’organisation nouvelle: ce sont des courses tous les soirs et de longues préparations en cuisine. D’autant plus avec un bébé de onze mois qu’il faut gérer le matin, le soir, le week-end. C’est surtout en fin de semaine que nous faisons vraiment la fête, tous les vendredis et samedis, nous sommes invités chez des amis et nous y passons une bonne partie de la nuit. On mange un premier repas vers 21h30 – 22h puis un second vers 3h du matin. Entre temps, nous jouons aux jeux de société. C’est comme un repas de Noël à chaque fois.

C’est le septième ramadan que nous vivons ensemble et plusieurs fois, j’ai voulu essayer de jeûner toute une journée pour l’accompagner et le soutenir mais je n’y arrive pas. On ne peut pas dire que le ramadan soit vraiment un moment que j’attende avec impatience chaque année car le jeûne, la fatigue provoque plus de disputes, de malentendus. Mon mari est plus à fleur de peau.

Pour le couple, c’est un peu dur. La plupart du temps, je me couche et mon mec est sur le canapé en attendant son deuxième repas. Malgré tout, j’y suis attachée, si jamais il me disait ne plus vouloir le faire, je serai déçue.”

Sabri*, en couple depuis 5 ans avec Julie, “C’est quelque chose de personnel, que je ne veux imposer à personne.”

“Cela fait 5 ans que je suis avec Julie qui est athée mais qui connaît bien les religions. Nous vivons ensemble et pour nous le ramadan n’a jamais été un moment de tension. Enfin, cela crée autant de tensions que les vêtements qu’on laisse traîner l’un et l’autre. Donc je dirais que ça se passe super bien et au contraire, c’est plutôt un moment qui nous rapproche.

Tout d’abord parce que Julie est très tranquille, compréhensive et attentionnée. Elle comprend que j’ai besoin de vivre le jeûne de mon côté et moi j’essaye de ne pas restreindre, ou de contraindre les personnes qui sont autour de moi par ma foi. C’est à mes yeux quelque chose de très personnel et qui ne doit jamais être imposé aux autres.

Faire le ramadan, ne m’empêche pas de penser à elle. Si je sais qu’elle n’aura pas mangé à son retour du boulot, je ferais comme d’habitude et prendrais le temps de lui préparer quelque chose, même si je ne mange pas. Ça me dérangerait qu’elle vive ma foi comme une contrainte, alors de mon côté je ne change rien à nos habitudes et je fais mon jeûne sans que ça interfère dans notre vie de couple.

Elle, elle pense un peu plus à moi, elle trouve que c’est très difficile. On a déjà parlé de le faire ensemble pour qu’elle puisse comprendre ce que ça apporte d’un point de vue spirituel: il y a quelque chose autour du jeûne qui est intéressant. Le fait de se restreindre permet de comprendre l’importance des ressources qu’on a.

Je trouve que ça colle bien avec une l’idéologie écolo dont elle se sent plutôt proche mais elle m’a dit que c’était trop difficile pour elle de ne pas boire d’eau pendant toute la journée. Donc je lui ai répondu qu’il ne fallait pas qu’elle se fasse du mal en le faisant mais que si elle voulait essayer je serais là pour l’aider.

Pour moi l’aïd, c’est une fête très familiale, qui permet de se rapprocher de ceux que l’on a peu l’occasion de voir, où on se pardonne tout aussi. Et encore une fois, je célèbre ce moment avec ma famille, même si Julie serait la bienvenue. Elle, je la vois tout le temps, et j’ai peu l’occasion de voir ma famille.

Charlotte, en couple depuis 3 ans avec Souleyman, “Je suis soulagée que ce soit fini.”

“Cela fait 3 ans que je suis avec Souleyman, on habite ensemble depuis bientôt un an. Il est très croyant et applique sa religion à la lettre. Pendant le ramadan, il met notre couple entre parenthèse. Pendant un mois: pas de sexe parce que nous ne sommes pas encore mariés, pas de contact, pas même un bisou. Même me croiser en sous-vêtement dans la salle de bain est un problème. Alors pendant les premières années de notre couple on s’arrachait la gueule. C’était super dur parce que pour lui le ramadan est hyper important et que moi je ne comprenais pas en quoi ça l’était.

Je suis baptisée mais je n’ai pas fait ma profession de foi. Je suis athée et je ne sais rien du carême, et encore moins du ramadan, de l’islam. Quand on s’est rencontré lui et moi, je n’avais jamais eu l’occasion de fréquenter des personnes musulmanes non plus. Alors cette mise à distance qu’impliquait le jeûne, je ne la comprenais pas du tout. Au début j’ai cru que c’était une blague.

Je ne prenais pas du tout la mesure de ce que ça représentait pour lui. Du coup, je continuais à rechercher le contact comme j’avais l’habitude de le faire. Et lui ça l’énervait. Maintenant que j’ai compris que je dois éviter tout contact physique avec lui, c’est plus simple mais je vis toujours ce moment comme une contrainte.

On se voit très peu et on fait très peu de choses ensemble pendant le ramadan. Son rythme est décalé. Quand il mange, j’ai déjà mangé depuis longtemps. Quand il vient à mes dîners de famille, il ne mange pas. Il aime bien retrouver ses amis musulmans le soir quand il brise le jeûne. Et je ne pense pas qu’il aimerait que je le rejoigne à ce moment-là. Il n’y aurait pas de sens à le faire puisque j’ai bu et mangé toute la journée. Et puis, encore une fois, un mois sans contact physique, c’est très long. Donc, on se voit beaucoup moins, alors qu’on habite ensemble.

Chaque année il me propose de le faire même s’il sait que ça me saoûle. Moi je ne me vois pas aller travailler sans manger, ni boire de la journée. Mais il est très tolérant, quand je lui dis que ça me saoûle, ça le fait rire.

Lorsque le ramadan prend fin, c’est la vie normale qui reprend son cours. Et chaque année, c’est un peu plus facile à supporter mais je suis contente que ça ne dure pas deux mois. Quand ça se termine je suis trop contente. C’est un vrai soulagement.”