L’épreuve du bikini est-elle indispensable aux Miss?

Les organisateurs de l’élection Miss America ont décrété la fin du passage en maillot de bain des candidates.

Les candidates à l’élection Miss America ne défileront pas en bikini lors de la prochaine édition du concours. Dans un communiqué publié le 5 juin, les organisateurs ont annoncé la suppression de la présentation des candidates en maillot de bain qui comptait pour 10% de la note finale. Elle est remplacée par un dialogue avec les membres du jury. Le temps pour les participantes d’évoquer les causes pour lesquelles elles souhaiteraient s’investir si elles étaient élues.

Autre changement dans les règles du concours dont l’édition 2019 sera diffusé le 9 septembre prochain sur la chaîne américaine ABC, le passage des jeunes femmes en robe de soir -15% de la note finale- deviendra une présentation des candidates, habillées dans une tenue de leur choix.

« Nous ne sommes plus un concours de beauté »

Gretchen Carlson, gagnante du concours Miss America en 1989 et nommée présidente du conseil d’administration de la Miss America Organization affiche clairement sa volonté de nettoyer l’élection de son image sexiste. « Nous ne sommes plus un concours de beauté, nous sommes une compétition », a-t-elle déclaré dans un communiqué. Et Regina Hopper, présidente de Miss America d’ajouter : « Le nouvel objectif de Miss America est de préparer de grandes femmes pour le monde, et de préparer les grandes femmes au monde. »

Une prise de décision qui ne trouve pas écho auprès de Sylvie Tellier. « J’ai du mal à saisir le sens de ces déclarations. Si ce n’est plus un concours de beauté alors il faudrait définir ce que c’est. Une compétition d’éloquence, de talent, de chant ? » Impossible pour la directrice de l’Organisation Miss France d’envisager le concours annuel sans le défilé en robe couture ou sans le passage en maillot de bain. « Ce sont des costumes qui font partie du spectacle. Nous sommes là pour offrir du beau et transmettre le folklore de cette élection. »

Une évolution des critères de sélection

Mais peut-on encore parler de concours de beauté si la majorité des critères pour remporter l’élection tendent à s’orienter sur des qualités intellectuelles et sur la personnalité plus que sur le physique ? C’est en tout cas ce « qui permet de rendre le concours socialement plus acceptable », explique Camille Couvry, doctorante en sociologie et qui a réalisé sa thèse sur les concours de beauté.

En France aussi, les règles ont évolué. Une note inférieure à la moyenne au test de culture générale est éliminatoire. « Avant le test de culture générale importait peu, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La future Miss France a un rôle d’ambassadrice même si on ne fait pas de politique », souligne Sylvie Tellier. Le temps de parole consacré aux Miss a été augmenté et c’est désormais le vote des téléspectateurs à 100% qui décide de la gagnante. « L’interview au micro fait souvent basculer les voix, preuve que les téléspectateurs ne sont pas uniquement dans une recherche esthétique », ajoute la directrice du comité Miss France.

Sylvie Tellier, directrice générale de la société Miss France et de Miss Europe Organisation.

Sylvie Tellier, directrice générale de la société Miss France et de Miss Europe Organisation.

Le niveau d’études des candidates a lui aussi augmenté. Il faut remonter le temps jusqu’en 2000 pour trouver une gagnante qui n’a pas obtenu le bac. Ces dernières années, la grande majorité des jeunes femmes en lice pour remporter la couronne étaient diplômées d’un BTS, d’une licence ou d’un master. Marine Lorphelin -Miss France 2013- était étudiante en médecine, Iris Mittenaere -Miss France 2016- étudiante en cinquième année de chirurgie dentaire et plus récemment Maëva Coucke – actuelle Miss France 2018- est étudiante en licence de droit. Les diplômes sont-ils devenus un critère de sélection pour redorer le blason d’un rendez-vous qui a mauvaise presse du côté des féministes ? Pour Sylvie Tellier, « c’est surtout le reflet de la massification scolaire ».

Laisser plus de place à la personnalité

L’appréciation physique tend à être reléguée au second plan, pour laisser place à une recherche de personnalité. « Il y a une injonction à affirmer son ‘je’. Il faut être capable de monter sur scène et prouver que l’on est la meilleure, que l’on est engagée. Pour le moment ce tempérament self-woman est surtout américain, dans la version française nous n’avons d’ailleurs pas de compétition de talents », note Camille Couvry.

L’actualisation des règles du concours de Miss America est aussi une façon de s’adapter -sous-couvert de féminisme- à une évolution de la représentation des femmes dans notre société. Sylvie Tellier s’interroge sur la sincérité de l’organisation américaine à l’origine de la polémique : « Je connais bien l’élection de Miss USA, à ne pas confondre avec l’élection de Miss America qui est moins médiatisée. C’est peut-être un levier d’action pour revenir sur le devant de la scène. »

La question esthétique, toujours bien présente

Paradoxalement, les critères de sélection pour se présenter au concours de Miss France, eux, ne bougent pas d’un iota. Il faut avoir entre 18 et 24 ans, mesurer minimum 1m70 et n’avoir jamais eu recours à la chirurgie esthétique. La personnalité et les éventuels engagements des jeunes femmes sont évidemment un plus, mais ne sont pas mentionnés dans le règlement.

L’évaluation du corps des femmes demeure omniprésente dans ce type de concours, même si l’on supprime le défilé en bikini. « On veut que la question du jugement esthétique soit plus floue, mais elle ne recule pas, estime Camille Couvry. Elle est simplement davantage combinée à la personnalité. » Les Miss ne sont plus soumises à la maxime « sois belle et tais toi ». L’art oratoire en France et la maîtrise d’un talent artistique aux États-Unis -chant, théâtre- pèsent considérablement dans la balance. Si la beauté est un avantage considérable et demeure une condition sine qua non pour accéder à ce type de concours, cela ne suffit plus.

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