« Nous n’avons pas une seconde à perdre », a affirmé mardi soir le 46e président des États-Unis, qui prendra ses premières décisions dans la foulée de son investiture, ce mercredi.
À quelques heures de son investiture, le nouveau président des Etats-Unis, Joe Biden, multiplie les annonces. C’est surtout par la voix de ses futurs ministres, entendus mardi par des commissions au Sénat pour être confirmés, que les projets se dévoilent.
Une quinzaine de décisions dès ce mercredi. « Nous n’avons pas une seconde à perdre pour faire face aux crises auxquelles nous sommes confrontés en tant que nation », a tweeté Joe Biden mardi soir.
Cet après-midi dans le Bureau ovale, devant les caméras probablement, Joe Biden, 46e président des Etats-Unis, signera ses premiers décrets présidentiels. Quinze décrets et mémorandums, auxquels s’ajouteront deux mesures demandées aux agences gouvernementales, selon la nouvelle porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki. L’un de ces décrets impose l’obligation de porter le masque dans les locaux et espaces dépendant de l’État fédéral, ainsi que lors des déplacements entre États. Un autre prévoit d’étendre le moratoire sur les expulsions de logement et de mettre sur pause le remboursement de prêts étudiants fédéraux, pour donner de l’oxygène aux personnes les plus touchées par les conséquences économiques de l’épidémie. L’interdiction faite aux personnes transgenres d’intégrer l’armée sera également levée.
- Un plan de régularisation des sans-papiers. Le Congrès sera rapidement saisi d’un projet de loi pour « réparer notre système migratoire défaillant », selon Alejandro Mayorkas, que Biden souhaite désigner ministre de la Sécurité intérieure. Les sans-papiers présents au 31 décembre 2020 sur le sol américain pourraient être régularisés dans cinq ans, à condition de remplir plusieurs conditions. Une procédure accélérée est envisagée pour les « Dreamers », ces quelque 700 000 jeunes adultes entrés clandestinement aux États-Unis pendant leur enfance et qui y ont toujours vécu depuis. Dès ce mercredi, le nouveau président va, par proclamation, suspendre les travaux de construction du mur de Trump à la frontière avec le Mexique et son financement grâce au budget du Pentagone.
- Un plan vert.En dévoilant la semaine dernière son plan de sauvegarde pour l’économie américaine, essorée par la pandémie de Covid-19, Joe Biden avait affirmé qu’un plan de relance par l’économie verte serait présenté au Congrès dans les semaines à venir. Joe Biden doit adresser ce mercredi une lettre à l’ONU pour réengager les États-Unis dans l’accord de Paris sur le climat. Déterminé à tenter de redorer le blason écolo de sa nation, accro au pétrole et à la fracturation hydraulique, démocrate prévoit de réunir les dirigeants des nations les plus polluantes pour les convaincre de revoir à la hausse leurs engagements.
- 2000 milliards pour le climat.On ne connaît pas encore le détail du plan mais le programme qui sera présenté au Congrès le mois prochain prévoir 2000 milliards de dollars pour verdir l’économie américaine. Il pourrait largement s’inspirer du Green New deal porté au sein du parti démocrate et à la Chambre des représentants par la charismatique Alexandria Ocasio-Cortez, et qui touche autant les transports, le bâtiment, l’agriculture que l’énergie électrique ou l’amélioration des soins pour tous. Des pressions s’exercent déjà pour ne pas réduire trop rapidement les combustibles fossiles, en particulier le gaz naturel, considéré comme une énergie de transition essentielle à l’économie américaine.
- Une conseillère nationale sur l’environnement.C’est la première fois qu’un tel poste est créé à la Maison Blanche, et il sera rempli par Gina McCarthy, spécialiste en santé environnementale découverte par Barack Obama. À la tête du Bureau de la politique intérieure du climat de la Maison Blanche, elle devra conseiller le président sur sa stratégie nationale pour l’environnement. Parmi les décrets signés ce mercredi, Biden va révoquer l’autorisation donnée par Donald Trump au projet controversé d’oléoduc Keystone XL, entre les Etats-Unis et le Canada. Il doit aussi adresser une lettre à l’ONU pour demander à
- Lutter contre l’extrémisme.L’extrême droite américaine a prouvé ces dernières semaines combien elle avait progressé jusqu’à Washington, à travers les émeutes du Capitole le 6 janvier, et inspiré, avec le mouvement QAnon notamment, la population autant que les plus hautes sphères et l’armée. Le prochain ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, s’est engagé mardi à lutter contre l’extrémisme au sein de l’armée américaine.
« Les activités auxquelles nous avons assisté récemment dans nos rangs, en termes de comportements potentiellement racistes ou extrémistes, sont à mon avis absolument inacceptables », a assuré l’ancien général quatre étoiles au sujet de la participation de militaires en civil à la « prise » du Capitole. « La tâche du ministère de la Défense est de protéger l’Amérique de nos ennemis, mais nous ne pouvons pas la mener à bien si certains de ces ennemis se cachent dans nos rangs », a affirmé le premier Afro-Américain à diriger le Pentagone devant la commission des Forces armées du Sénat.
- Une politique protectionniste vis-à-vis de la Chine.En matière commerciale, Donald Trump a manié le fouet contre la Chine et l’Europe, en imposant de nombreuses surtaxes sur les produits importés. La future secrétaire au Trésor Janet Yellen a annoncé devant le Sénat que l’administration Biden allait s’inscrire dans ce sillage en déployant un large arsenal d’outils pour contrer les pratiques « abusives », « injustes » et « illégales » de Pékin. « Nous pouvons remporter la compétition avec la Chine », a abondé le prochain secrétaire d’Etat américain Antony Blinken. Mais le chef de la diplomatie veut changer radicalement de méthode et « travailler avec les alliés au lieu de les dénigrer, de participer et mener les institutions internationales plutôt que de s’en désengager ».
En choyant ses alliés historiques, les Etats-Unis seront « en bien meilleure posture pour contrer les menaces posées par la Russie, l’Iran et la Corée du Nord et pour défendre la démocratie et les droits humains », a-t-il fait valoir. À l’égard de l’Europe, en revanche, la position américaine pourrait s’adoucir. Yellen a déjà pris langue avec l’UE pour discuter de l’épineux dossier de la fiscalité des géants du numérique.
- Renouer un dialogue exigeant avec l’Iran.Durant son mandat, Donald Trump a plusieurs fois semblé au bord du conflit avec la république islamique. Il a claqué la porte de l’accord international sur le nucléaire et multiplié les sanctions à l’égard de Téhéran. Selon Antony Blinken, les Etats-Unis pourraient revenir dans l’accord « si l’Iran revient dans les clous » de ses engagements nucléaires dont il s’affranchit chaque jour un peu plus, et si l’entente internationale inclut le programme de missiles balistiques de l’Iran ainsi que ses « activités déstabilisatrices » au Moyen-Orient.
- Le retrait d’Afghanistan confirmé.« Je voudrais voir ce conflit s’achever avec un règlement négocié », a encore expliqué Lloyd Austin aux sénateurs, jugeant que « se focaliser sur les opérations antiterroristes à l’avenir serait utile ». En revanche, dans des réponses écrites à des questions d’élus, le futur chef du Pentagone a dit son intention de réexaminer les retraits militaires d’Allemagne et de Somalie voulus par Donald Trump.
- En Israël, Jérusalem confortée, souhait de dialogue avec les Palestiniens.Le président Biden ne reviendra pas sur la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, selon son futur ministre des Affaires étrangères Antony Blinken. Alliés historiques mais vigilants d’Israël, les Etats-Unis ont accompli ce geste hautement politique en décembre 2017, puis transféré leur ambassade dans la ville sainte, au grand dam d’une partie de la communauté internationale qui a estimé que Donald Trump jetait de l’huile sur le feu. En avril dernier, Biden avait déjà annoncé qu’il ne déplacerait pas l’ambassade. Il s’était aussi dit prêt à rouvrir un consulat dans Jérusalem Est pour relancer le dialogue avec l’autorité palestinienne.
« Le président pense comme moi que la meilleure manière, peut-être la seule manière d’assurer à Israël son avenir en tant qu’État juif démocratique, et de donner aux Palestiniens l’État auquel ils ont droit, c’est la solution dite à deux États », a affirmé Blinken, qui ne voit cependant pas de solution à « court terme ».