LES CINQ VISAGES D’ALASSANE OUATTARA (Suite et fin)

 

Dans cette alliance des anciens belligérants, tout n’est pas au point. Mais pour Alassane, l’essentiel est de mettre fin au régime de Gbagbo. Une alliance électorale est signée entre le RDR de Alassane et le PDCI de Bédié pour la présidentielle de 2010. Ainsi en cas deuxième tour, le mieux placé est appuyé par son allié. Cette combinaison permet à Alassane d’être élu Président de la République mais pas d’être au Palais. Car l’occupant du Palais refuse de reconnaître les résultats certifiés par les Nations Unies. Dès lors la plus terrible crise post-électorale en Côte d’Ivoire s’ouvre avec plus de trois mille morts et l’emprisonnement de Laurent Gbagbo à la Cour Pénale Internationale. Alassane est dévasté. Car il découvre le visage hideux de la politique en Afrique. Mais dans son reclus de l’hôtel au milieu de ses partisans à la portée des armes de Gbagbo, il a eu le temps de méditer et beaucoup méditer. Car il fallait à la fois protéger ceux qui y étaient, et ceux qui étaient à travers le pays livrés aux escadrons de la mort, tout en faisant en sorte que le pays puisse marcher après et se réconcilier, tout en préservant l’unité avec toutes les composantes du RHDP et principalement avec Bédié, le PDCI et Soro avec ses Forces Nouvelles. Ici, Alassane démontre plusieurs qualités, le courage, la sérénité, l’esprit de créativité et l’esprit d’équipe, mais par-dessus toute la patience à toute épreuve. Ainsi à partir de sa chambre de l’hôtel du Golf où il est reclus avec de nombreuses personnalités dont Henri Konan Bédié, il arrive à grignoter petit à petit tous les pouvoirs de Laurent Gbagbo encerclé dans son bunker présidentiel de Cocody. Les ambassadeurs des grands pays tournent le dos au Palais et vont à l’hôtel du Golf. Les officiers supérieurs de l’armée se rallient les uns après les autres. Les banques ferment leurs portes,….le pouvoir réel tombe dans les mains d’Alassane. L’opposition reclue à l’hôtel du golf se permet de créer une chaine de télévision et de radio, les représentations de la banque centrale ferment. Il coordonne les interventions de trois Armés : les Forces nouvelles de la rébellion, les FDS qui se sont ralliées, les Forces internationales de l’ONU et de la France. Bref, sans le Palais, il gère le pays en Chef d’Etat à partir de sa chambre d’hotel du Golf. C’est le temps de la réflexion, de l’action, de l’anticipation, mais aussi de la méditation. Ces moments passés à l’hotel du Golf vont forger sa personnalité et son visage.

 

QUATRIEME VISAGE : 2012-2018 – de la gestion macroéconomique à la gestion du microcosme politique

 

  1. 2012-2018 – de la gestion macroéconomique à la gestion du microcosme politique ;

 

Au sortir de l’hôtel du Golfe et avant de s’asseoir au Palais Alassane a trois choses en tête:

  • la relance économique et la reconstruction du pays dévasté par la guerre entre la rébellion et le régime de Gbagbo
  • L’unité nationale et la réconciliation, et la mise en place d’une armée républicaine.
  • La consolidation du RHDP comme un puissant parti Houphouetiste.

 

Sur le point de la relance économique, Alassane fait un parcours sans faute ; l’économie reprend, les investisseurs affluent vers le pays ainsi que les milliards. C’est tout naturellement que son allié Henri Konan Bédié le propose comme candidat du RHDP pour l’élection présidentielle de 2015 qui se déroule parfaitement sans crise post-électorale. Cependant, les perspectives de l’élection présidentielle de 2020, vont laisser entrevoir des fissures au sein de la famille RHDP malgré la présence des pions du PDCI à tous les niveaux du pouvoir tels que, la Vice-Présidence, la Primature, le Sénat, le Conseil Économique et Social et de nombreux PCA, et Dg. Selon toute vraisemblance, d’une part, pendant qu’Alassane pensait à une alternance au sein du RHDP, Bédié lui pensait à une alternance automatique en faveur du PDCI. D’autre part selon certaines mauvaises langues Bédié pensait plus tôt à une alternance en faveur de sa personne alors qu’Alassane aurait voulu un choix démocratique au sein du RHDP pour tenir compte de la présence de plusieurs autres partis dans l’alliance. D’autant plus qu’ADO connaissait les intentions de Soro et de Mabri de l’UDPCI pour la Présidence aussi. Alassane avait pensé que le Parti unifie du RHDP aurait pu résoudre Ces problèmes d’égo. Au contraire, Bédié affirmait que le PDCI en tant que parti ne pouvait disparaître en aucune manière. Alassane savait que BEDIE croit mordicus que son tour est arrivé. Donc la rupture avec le Président du PDCI était inévitable de même qu’avec Soro dont l’ambition présidentielle était sans limites. Et c’était lourd de conséquences pour les Houphouetistes et la stabilité du pays. Il fallait s’y préparer dès lors.

 

CINQUIEME VISAGE : 2018-2020-de la certitude humaine à l’incertitude divine

 

La rupture avec BEDIE, le PDCI et Soro comportait beaucoup de risques. Le premier risque concernait la viabilité d’un parti unifié sans le PDCI et les forces nouvelles de Soro. Le deuxième risque, c’était l’ajustement indispensable au niveau des nominations aux hautes fonctions de l’Etat. Autrement, comment éviter de transposer les divergences politiques au niveau de la haute administration civile et sécuritaire ? Et ensuite, comment rassurer l’extérieur notamment les investisseurs que malgré la fissure au sommet il n’y aura pas de changement brutal et grave ? La tâche était très complexe. Car au même moment, Alassane préparait le passage du Pouvoir à la jeune génération représentée par Amadou Gon. Cela était une obsession chez lui. Il voulait réussir le pari historique de passer pacifiquement le pouvoir a un successeur, en la personne du premier Ministre Amadou Gon Coulibaly. Amadou incarnait les valeurs auxquelles il croyait fortement : compétence, droiture, courage, fidélité, don de soi…  Mais un choix contesté avec véhémence par l’ancien chef de la rébellion, son ancien allié et aussi par trois autres compagnons de route : le Vice-Président Kablan Duncan, Amon Tanoh et Mabri Toikeusse. Et puis tout à coup brusquement la mort faucha Amadou GON COULIBALY, le dauphin désigné. ADO est dévasté, mais reste debout face au Destin. Il fait montre d’une capacité de résilience incroyable.

C’est dans ce contexte que les élections présidentielles du 31 Octobre 2020 sont annoncées. Dans la foulée, ses anciens compagnons à l’exception du Vice-Président Duncan se rallient tous à Henri KONAN BEDIE qui lui-même s’est rallié à Laurent Gbagbo. Mais Alassane reste imperturbable devant les menaces proférées par toute l’opposition regroupée dans un front dirigé par désormais Henri KONAN BEDIE et Laurent Gbagbo qui a appuyé ouvertement et totalement l’opposition dans les revendications suivantes :

 

– non à la candidature de Alassane OUATTARA ;

– non à la Commission Electorale Indépendante ;

– et non aux délibérations du Conseil Constitutionnel.

 

Après l’opposition politique contre la candidature d’Alassane, l’Eglise Catholique prend ouvertement position. Alassane réagit simplement et régulièrement pour dire que les élections auront bien lieu le 31 Octobre 2020 conformément à la Constitution.

Ainsi malgré un boycott actif particulièrement violent, les ivoiriens se rendent aux urnes avec un taux de participation de plus de 53 pour cent selon les observateurs internationaux et la Commission Electorale Indépendante (CEI). Alassane OUATTARA est proclamé Président de la République et prête serment devant le Conseil Constitutionnel le 14 Décembre 2020, conformément à la loi fondamentale.

Cette détermination à affronter l’adversité sans reculer est un trait de caractère d’Alassane. Il l’avait déjà démontré au Président Gbagbo et à son armée, surarmée et sur-encadré. Bédié et l’opposition élargie viennent d’en faire l’amère expérience.

En un mot comme en cent, si l’on doit retenir un seul visage qui traduit les cinq visages ou les cinq étapes de la vie politique d’Alassane OUATTARA entre 1993 et 2020, on dirait simplement qu’Alassane est un homme politique qui ne cherche pas à plaire, mais il cherche plutôt à être utile. C’est tout le contraire du populisme ambiant de ses adversaires politiques.

 

SIXIEME VISAGE : Quel visage probable pour 2020-2025 ?

 

Du technocrate de 1990 au Président de la République de 2020, que de chemins parcourus ! Que reste-il encore à Alassane OUATTARA à démontrer entre 2020 et 2025 ?

En moins de dix ans, Alassane OUATTARA aura tout donné pour hisser la Côte d’Ivoire au niveau des nations respectables et respectées dans le monde après les nombreuses crises politiques qui ont plombé le pays. Pour parvenir à ce résultat extraordinaire malgré les obstacles rencontrés, il faut faire montre de certaines qualités humaines en plus de la compétence technique. Mais surtout, il faut avoir la Baraka. L’adversité fait partie de la vie des hommes. Comment s’en sortir en restant lucide, clairvoyant et apte au service sans la Baraka ? tel est le vrai défi quotidien de chacun et de chacune d’entre nous.

Entre 2020 et 2025 les défis du Président Alassane OUATTARA seront moins macroéconomiques et moins politiques.

Il aura à faire face aux défis humains, pas seulement du ″Vivre Ensemble″, mais aussi et surtout du ″Partager Ensemble″. Dans cette perspective, le mastodonte de l’Etat doit se rapprocher un peu plus du citoyen lambda pour solutionner ses problèmes basiques sans pour autant l’écraser. Parallèlement, il va falloir au Président, d’une part à continuer sans relâche à inculquer à ses fidèles, sa culture du travail en équipe et de la patience à toutes épreuves. Autrement dit, savoir s’effacer pour les autres, savoir s’effacer pour la cause commune. Et d’autre part, emmener les jeunes et les citoyens au respect des biens, des deniers publics, de la loi, des institutions et des personnes qui les incarnent en toutes circonstances et en tout lieu.

Ce programme ambitieux peut être déroulé entre 2020 et 2025 parallèlement à la poursuite par les jeunes générations (en préparation pour l’alternance), des grands projets structurant pour le développement économique et social à travers tout le pays.

Ce visage d’Alassane OUATTARA est certainement celui qui sera gravé dans la conscience collective des ivoiriens, pour des siècles et des siècles.

 

Fin.