Abengourou- Une équipe du Projet de Gestion des pesticides Obsolètes en Côte d’Ivoire (PROGEP-CI) est allée du 13 au 16 septembre 2018, à la rencontre des populations de l’Indénié. Objectif, sensibiliser un maillon clé du cycle de vie des pesticides à savoir les revendeurs de pesticides, les coopératives agricoles et les populations sur les dangers de la mauvaise utilisation des pesticides et en particulier sur les risques liés à l’utilisation des pesticides frauduleux.
Le constat est que plusieurs produits contenant des substances actives interdites (paraquat, atrazine, endosulfan, etc….) en Côte d’Ivoire pour leurs effets néfastes avérés sur la santé humaine et l’environnement sont vendus sur les marchés aux braves paysans et utilisés dans l’agriculture.
Le chiffre d’affaire de la fraude est estimé à 12 milliards de FCFA chaque année avec une perte d’environ 3 milliards de FCFA pour l’Etat. De même, depuis quelques années, de nombreux résultats scientifiques révèlent les effets néfastes de certains pesticides chimiques de synthèse (notamment, les pesticides obsolètes) sur l’environnement (émission de gaz à effet de serre, destruction des ressources naturelles, etc…) et la santé humaine (cancer, infertilité, impuissance sexuelle, etc…).
Cette tournée de sensibilisation du PROGEP-CI conduite par Marie Ebrottié et Yoboué Justin, respectivement, Spécialiste en Communication et Spécialiste en Pesticide vise à informer, échanger et conseiller les revendeurs et les utilisateurs de pesticides sur les enjeux de l’inventaire national des pesticides en cours qui débouchera sur la collecte des pesticides obsolètes et des déchets associés en 2019.
Ainsi, après la sensibilisation des revendeurs de pesticides et des coopératives agricoles d’Abengourou, l’équipe du PROGEP-CI a rencontré les populations de la sous-préfecture d’Amélékia.
En présence du Chef de Canton, Nanan Adou Koffi, de ses notables et plus de 300 personnes, le PROGEP-CI a déploré la présence de nombreux pesticides frauduleux et interdits par la législation phytosanitaire de la Côte d’Ivoire dans les magasins de ventes des pesticides et sur les marchés des villes et des villages de Côte d’Ivoire. On peut citer, entre autres, le paraquat, herbicide dangereux par sa forte toxicité aiguë par ingestion, même à faible dose (interdit depuis 2004 ) et l’Atrazine, herbicide, neurotoxique et perturbateur endocrinien, considéré comme « l’ennemi sournois de l’eau de robinet » qui s’infiltre très fréquemment dans les eaux souterraines avec de graves conséquences sanitaires particulièrement sur les femmes enceintes, les nourrissons et les enfants qui consomment cette eau contaminée.
« Les produits phytosanitaires ont pour cibles privilégiées les mauvaises herbes ou les insectes ravageurs des plantes cultivées. Cependant, mal utilisées ou lorsqu’ils sont obsolètes, ils peuvent avoir des effets néfastes sur l’homme et son environnement. L’étape de l’homologation par l’autorité compétente est donc incontournable avant leur commercialisation et leur utilisation. » Elle permet d’analyser et évaluer le dossier toxicologiques et éco toxicologiques, l’efficacité et la sélectivité des pesticides avant leur distribution dans le circuit de commercialisation » prévient Roger Yéboué, Directeur Exécutif de CropLife.
« Notre objectif n’est pas de créer la psychose mais d’attirer l’attention de tous afin que les paysans n’utilisent plus les pesticides de la fraude en Côte d’Ivoire et garantir de ce fait, une sécurité sanitaire de nos aliments » a martelé Marie Ebrottié. A travers des sketchs et des films, l’équipe a prodigué quelques conseils aux revendeurs et utilisateurs de pesticides. « Les pesticides sont les médicaments des plantes. Prenez toujours conseils auprès des agents d’encadrement du Ministère en charge de l’Agriculture avant d’acheter un pesticide et de traiter votre champ » conclut-elle.
En côte d’ivoire, la fraude transfrontalière représente 90% de la fraude totale. Les produits sont souvent fabriqués sur le continent asiatique, ou dans les pays de la sous-région et entrent par les frontières terrestres. La fraude par la contrefaçon représente quant à elle, près 15% de la fraude et concerne les imitations des étiquettes, des emballages, des stickers des produits homologués. Ces produits de la fraude circulent sur le territoire au mépris de la législation phytosanitaire en vigueur et constituent des menaces économiques, sociales et environnementales graves avec des pertes financières pour le pays, la destruction des matrices environnementales, des risques d’insécurité alimentaire et de santé publique avec l’accroissement de la pauvreté et l’intoxication des applicateurs, des paysans et des consommateurs des produits.
Comme solution, tous recommandent le renforcement du cadre juridique et réglementaire assorties de lourdes sanctions et la sensibilisation de tous les acteurs du cycle de vie des pesticides : des distributeurs jusqu’aux utilisateurs finaux en passant par les structures étatiques impliquées dans la surveillance de nos frontières (forces de l’ordre, douane, commerce, eaux et forêts)
Cette tournée de sensibilisation qui se poursuivra en octobre prochain dans la région de la Nawa, se situe dans le cadre de l’inventaire national des pesticides dont la seconde phase a démarré le 03 septembre dernier. Au total 6.000 dépôts de pesticides seront visités par les 145 agents d’inventaire du PROGEP-CI issus du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural.
Cet inventaire est le premier pas pour cerner l’ampleur du problème causé par les pesticides en Côte d’Ivoire. Il concerne tous les pesticides (homologués ou non) à usage agricole, vétérinaire, d’hygiène publique et de traitement du bois, les déchets associés (emballages vides, les appareils de traitement usagés, les équipements contaminés, les casques, bottes, gants contaminés, etc. ainsi que les semences et sites contaminés.
L’inventaire numérisé et exhaustif des pesticides utilisables et obsolètes mis en œuvre par la Côte d’Ivoire à travers le PROGEP-CI constitue une première en Afrique. .
Au terme de la collecte et du traitement des données recueillies, le PROGEP-CI procédera à la mise en place d’un Système d’Information sur les pesticides en Côte d’Ivoire qui favorisera une meilleure gestion du cycle de vie des pesticides chimiques de synthèse et des bio- pesticides.
Cette vision nationale de la gestion écologiquement rationnelle des pesticides, tout en contribuant à limiter les pertes agricoles liées aux ravageurs, permettra de réduire leurs risques sur la santé humaine, animale et sur l’environnement.
Abidjan.net