Le Crédit suisse, la deuxième banque de la Confédération helvétique, a été éclaboussé cette semaine par un règlement de compte interne rocambolesque, digne d’une série policière mêlant finance, trahison et coups tordus. Avec, dans le mauvais rôle, le patron de la banque : Tidjane Thiam. Ce super banquier franco-ivoirien a bien failli perdre son poste.
Tout commence par une banale querelle de voisins, sur les rives du lac de Zürich, où vivent dans le luxe et la discrétion les hauts cadres de l’industrie bancaire helvète. L’un critiquant le jardin de l’autre, au cours d’une réception organisée chez le premier. En l’occurrence : Tidjane Thiam. À son actif, le redressement du Crédit suisse où il a été nommé PDG il y a quatre ans. Ce brillant polytechnicien né en Côte d’Ivoire, qui a eu tant de mal à s’imposer dans l’establishment, est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs dirigeants de la place européenne. L’autre s’appelle Iqbal Kahn, c’est aussi un virtuose de la finance, le numéro trois de Crédit suisse, un successeur potentiel de Tidjane Thiam. L’amitié et le respect professionnel que se vouent les deux hommes se muent en rivalité monstrueuse quand ils deviennent voisins. Iqbal Kahn ne supporte plus cette ambiance délétère, mais plutôt que de changer de maison, il préfère changer d’employeur.
En septembre, il rejoint le concurrent direct de Crédit suisse, la banque UBS
Iqbal Kahn doit y faire de la gestion de grandes fortunes internationales. La panique et la paranoïa se déchainent alors dans les murs du Crédit suisse, car cette activité est le nouveau gagne-pain de la banque. Une filature est alors prestement ordonnée, histoire de vérifier que le démissionnaire n’est pas en train de débaucher ses anciens collègues. Le vaudeville dégénère en fait divers sordide : les espions sont découverts par Ikbal Khan en personne, l’affaire éclate au grand jour. Bilan de l’opération, un vrai mort : le détective dont l’identité a été révélée s’est suicidé. Un grand blessé dans son amour propre : Pierre-Olivier Bouée, bras droit de Tidjane Thiam, a accepté de jouer le fusible ; il a démissionné mardi en endossant l’entière responsabilité de cette enquête illégale. Et un survivant : Tidjane Thiam, cloué au pilori par la presse à scandale helvète, et finalement soutenu par les actionnaires comme par les cadres de la banque.
Tidjane Thiam est donc mis hors de cause ?
Pas tout à fait encore. Dans les milieux financiers, des questions demeurent : si Pierre-Olivier Bouée a agi à sa guise, sans avertir son boss, n’est-ce pas une faute grave de management ? Pourquoi Ikbal Kahn a-t-il pu passer à l’ennemi sans observer un délai de carence ? Pour continuer à diriger sereinement Crédit suisse, Tidjane Thiam, le mal aimé de la place zurichoise, souvent critiqué par la presse locale pour son manque de connaissances des réseaux suisses, pour ses voyages trop fréquents, devra sans doute répondre à ces questions et prouver qu’il est toujours la bonne personne à ce poste. Il a redressé les comptes de la banque, réorienté son activité, mais la valeur de son action a été divisée par deux et elle peine à remonter. Au moment où les taux négatifs rognent les marges des banques, les milliardaires sont devenus leur dernière planche de salut. La dimension hors norme de cette affaire jette une lumière crue sur la concurrence féroce à laquelle se livrent aujourd’hui les banques pour capter la gestion de ces grandes fortunes.
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RFI