Mon histoire avec Amadou Gon

Le premier Ministre El Hadj Amadou Gon, s’en est allé à un moment crucial de l’histoire de la Côte d’Ivoire en général, et en particulier, celle de la communauté musulmane qui vient de perdre son leader historique, le Cheick Ahima Boikary, une Curiosité de l’histoire humaine. Les deux hommes ont fait leur dernier pèlerinage ensemble. J’ai vu, les deux dans une navette de l’aéroport international de Dubaï, en partance pour leur terminal de départ vers la Mecque, quand je rentrais au pays après une mission au Cap en Afrique du Sud.
Ensuite, nous nous sommes retrouvés à la primature au cours d’une séance de travail avec le Club des Hommes d’Affaires Musulmans en Côte d’Ivoire (CHAMCI) et dont il avait été le parrain du gala de bienfaisance dédié aux enfants malades du rein en 2016. Au cours de cette mémorable rencontre, le Premier Ministre Amadou Gon s’est d’emblée excusé pour avoir mis du temps pour nous recevoir. Il s’est étendu sur les rapports familiaux qu’il avait avec notre Présidente du Conseil d’Administration (PCA), Madame Oumou Coulibaly, ses études, son enfance et ses vacances chez les COULIBALY. Il les appelait affectueusement Tantie et Tonton, (le couple du Général Aboulaye COULIBALY).
Ainsi, le premier Ministre Amadou Gon qui ne fait rien au hasard, a tenu à nous partager une partie de sa vie privée. Et puis à la fin de la séance de travail, il nous a surpris en nous demandant pourquoi nous n’avons pas soulevé ce qui devait être une préoccupation. Nous l’avons regardé médusé et admiratif. Amadou était comme ça : sensible, professionnel, humain et homme de parole.
Avant de conclure la séance de travail, il a fait la promesse d’aider personnellement le CHAMCI, mais aussi au plan institutionnel, dans la mesure où la Côte d’Ivoire ambitionne de créer des champions nationaux dans tous les domaines de l’économie nationale.
Mais bien auparavant, j’avais rencontré le jeune ingénieur Amadou Gon, dans son petit bureau des Grand Travaux à Cocody. Je ne l’avais jamais rencontré auparavant.
A l’époque, j’avais été chargé par la communauté musulmane de la Riviéra (CMR) pour piloter le projet de collecte de la zakat par virement permanent, dénommé ZAVIP (Zakat Anticipée par Virement Permanent), auprès des cadres musulmans. Sans rendez-vous, je me présentai chez lui à son bureau, il m’ouvrit la porte. Je lui présentai le projet. Je lui expliquai qu’il s’agissait d’initier auprès des cadres musulmans, le payement de leurs Zakats par virement bancaire mensuel, au lieu d’attendre une hypothétique épargne en fin d’année, conformément à la pratique traditionnaliste. Ce projet innovateur dit ZAVIP (Zakat Anticipée ou Acquis par Virement Permanent), ainsi expliqué avait impressionné Amadou Gon. Ensuite, Il me posa une seule question : avez-vous les documents de virement permanent sur vous ? Je lui tendis le document. Il prit le soin de le lire entièrement. Puis me regarda droit dans les yeux, sans rien dire de plus, et signa le document sur lequel son numéro de compte personnel était porté. En m’accompagnant à la porte, il me dit ceci ‘‘ça c’est vraiment une bonne action pour aider notre communauté … je vais en parler autour de moi … et bonne chance …)
Et pendant plusieurs années et jusqu’à la fin du projet ‘‘la Zakat Anticipée par Virement Permanant (ZAVIP)’’, Amadou Gon virait chaque mois sa zakat sur les comptes bancaires de la communauté musulmane de la Riviéra. Il ne nous a jamais demandé ce qu’on faisait avec son argent.
Mais, il savait que c’est grâce à cette opération, en grande partie, que les terrains de la mosquée de la Riviéra III, d’Aghien, d’Angré et de Bonoumin avaient été acquis.
A la primature, malgré ses charges, Amadou répondait toujours aux sollicitations de la communauté. Plusieurs fois, et discrètement, ISLAM INFO a reçu d’importants appuis de sa part. ISLAM INFO perd en lui un soutien inestimable.
Tel était l’homme, le croyant, l’homme de parole en tout temps et en toute circonstance. Ce n’est donc pas par hasard, que malgré son programme politique et gouvernemental chargé, il a toujours répondu présent aux préoccupations de la communauté musulmane de la Côte d’Ivoire.
Son dernier rêve, était la réalisation du lycée musulman de Korhogo après ceux d’Abobo-Biabou et de Yamoussoukro qui fonctionnent parfaitement aujourd’hui, dont il a suivi les travaux avec sérieux et assiduité.
Amadou Gon est parti sans pouvoir réaliser tous ses rêves, notamment ceux en faveur de notre communauté. C’est ce que hélas le destin nous réserve à chacun et à chacune. Aussi, la vie et la mort d’Amadou nous enseignent que faute de réaliser notre dernier rêve, utilisons intelligemment et rapidement nos positions et facultés pour réaliser ou participer activement à la réalisation des préoccupations de notre communauté et de notre pays. Amadou incha Allah ton dernier rêve sera réalisé. Car tu as semé la bonne graine avec les femmes et les hommes fidèles qui poursuivront ton rêve.
Adieu Amadou. Que la terre du Seigneur Tout Puissant te soit légère !

 

Par EL Hadj DOUKOURE Ousmane, Directeur Général des Editions
ALIF ISLAM INFO, Chronique du vendredi, juillet 2020