La société de corruption

 

Faire des audits, c’est bien. Débarquer et emprisonner au besoin, quelques dirigeants de sociétés d’État, c’est bien. Ce sont de bons signaux mais ces signaux ne peuvent pas tenir bien longtemps.

Parce que, au fond, c’est notre société elle-même qui pose problème en raison de ce que  la corruption y est devenue un système social.

Que faisons-nous  de:

La corruption des élus ?

La corruption des magistrats?

La corruption des avocats?

La corruption des greffiers?

La corruption dans les prisons?

La corruption des journalistes ?

La corruption des enseignants?

La corruption des forces de l’ordre ?

La corruption dans les concours?

La corruption des commerçants ?

La corruption des chefs coutumiers?

La corruption dans le milieu médical ?

La corruption de toute la société ?

En réalité nous vivons dans une société dont les pratiques culturelles basées sur la solidarité à l’africaine, génèrent au quotidien, de la corruption.

Combien de demandes de parrainages pour des mariages, pour des baptêmes, pour des veillées religieuses, pour des tournois de football, pour des sorties officielles d’associations diverses;

combien de demandes d’aides pour un enfant ou un parent malade, pour un corps à la morgue, pour un deuil, pour un enfant renvoyé de l’école, pour un enfant qui veut passer un concours…un élu (maire, député, président de conseil régional…), un fonctionnaire haut placé, un directeur de société privée ou d’État, un ministre, un PCA…reçoit par jour, par semaine, par mois?

Devant chaque sollicitation, il faut réagir, il faut trouver une solution, il faut trouver de l’argent.

Et gare à vous, si vous prétendez ne pas avoir de l’argent, une fois, deux fois, trois fois. Votre nom est gâté, c’est que vous êtes méchant et…tout le monde vous attend au tournant.

“Il est député, il a de l’argent mais il n’aide personne. Il est maire, il a de l’argent mais il n’aide personne, il est très méchant. C’est un directeur général mais son argent est comme caca de chat, il est très méchant. Il est ministre, mais c’est un faux ministre, il est avare comme ce n’est pas possible, il n’ira pas loin.”

Dans les familles, vous pouvez être le plus âgé mais si vous n’avez pas de l’argent, si le petit frère, le coussin, le neveu, a de l’argent pour faire face aux dépenses, peu importe l’origine de cet argent, c’est lui le chef, c’est lui que tout le monde attend avant de commencer la réunion.

Dans une société pareille, vous avez beau être intelligent, travailleurs, rigoureux, si vous n’ajoutez pas à cela la danse, le rire banana, la distribution des billets de banque, les dons de toutes sortes, vous ne serez jamais aimé et il n’est pas certain qu’en dehors de circonstances exceptionnelles, vous puissiez devenir président de la République à la suite d’une élection.

Dans une société pareille, les médiocres sont les plus aimés et prospèrent.

Le président de la République lui-même, s’il rend visite à des populations ou s’il reçoit une communauté ou des chefs traditionnels, cela coûtera entre 10 et 100 millions, aux caisses publiques.

Il n’est pas en effet, concevable que le président s’en aille sans laisser une grosse enveloppe.

Il n’est pas concevable que les chefs sortent de la présidence ou de la résidence présidentielle sans une grosse enveloppe pour leur transport.

Le président lui, a, pour agir ainsi, à sa disposition, un budget de souveraineté.

Mais, et le petit maire, et le député, et l’agent des douanes, et le directeur de société, et le petit policier, et le petit fonctionnaire, où trouvera-t-il l’argent pour être un bon ivoirien ?

Comment ils font pour tenir devant une telle pression sociale et psychologique?

Le fonctionnement de notre société, notre conception de la vie, de la solidarité et nos modes de vie sont le carburant qui alimentent la corruption dans nos pays.

Peut-être que face à cette réalité, nous dévons poser autrement la question de la lutte contre la corruption.

J’ai ma petite idée sur la question. Mais je la garde pour moi.

Mais il ne faut pas confondre la corruption et le vol des deniers publics. Ce sont deux choses totalement différentes.

 

Assalé Tiémoko.

Député de la  Nation.