Plus de 6 millions d’Ivoiriens sont appelés à voter samedi à des élections municipales et régionales dont le principal enjeu sera de mesurer les forces en présence et notamment les membres de l’ex-coalition au pouvoir, avant la présidentielle de 2020.
« Chacun va se compter, savoir qui est avec qui et qui fait quoi, avant les élections présidentielles de 2020 », explique à l’AFP le politologue ivoirien Jean Alabro.
Principalement composée du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de l’ancien président Henri Konan Bédié et du parti du président Alassane Ouattara, le Rassemblement des républicains (RDR), la coalition au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a explosé.
Le PDCI a refusé de s’y maintenir, estimant que le parti de Ouattara tentait de l’absorber pour pouvoir présenter son candidat à la présidentielle.
Le PDCI, qui a soutenu Ouattara en 2010 et 2015, entendait que le RDR lui rende la pareille en 2020 en soutenant un candidat PDCI.
22.000 candidats ont battu campagne pendant deux semaines pour un scrutin qui doit aboutir à l’élection de 197 maires et 31 présidents de conseils régionaux.
Parmi les candidatures originales: l’ancien footballeur international Bonaventure Kalou se lance dans l’arène politique dans sa ville de Vavoua (5000.00 habitants) alors que le présentateur-producteur vedette de télévision John Chahin Sobo se présente à Akoupé.
« Dans l’ensemble du territoire la campagne s’est relativement bien déroulée, malgré des tensions », selon un bilan du ministre de l’Intérieur Sidiki Diakité mercredi.
Une personne a été tuée pendant la campagne lors d' »un affrontement entre les partisans de deux candidats » à Bediala (ouest).
« Le PDCI déplore, au cours de cette campagne, des violences sur ses militants dans deux quartiers d’Abidjan (Port Bouet et Koumassi) et à Guiglo (ouest) » a affirmé à l’AFP N’Goran Djédri, du PDCI.
« La campagne se déroule très bien » a réagi, de son côté, Mathias N’Gouan Aka, maire sortant du quartier chic de Cocody à Abidjan.
Le cas de M. N’Gouan est emblématique du changement en quelque mois du paysage politique ivoirien.
Elu sous la bannière du PDCI, le maire de Cocody se représente comme candidat RHDP ayant en face de lui un concurrent PDCI.
Conséquence, les deux partis vont s’affronter dans de multiples municipalités et notamment dans la symbolique commune du Plateau où le candidat du RDR, Fabrice Sawegnon, qui a géré les campagnes de nombreux chefs d’Etat africains, va cette fois se frotter aux urnes face au député sortant PDCI, Jacques Gabriel Ehouo.
Chacun comptera ses forces en vue de la présidentielle. Le numéro deux du PDCI, Maurice Kakou Guikahué assure: « Le PDCI est confiant et ne sera pas ridicule » face au RHDP, la seule force à pouvoir se présenter sur l’ensemble du territoire.
Mabri Toikeusse, 2e vice-président du RHDP, a appelé les candidats à s’appuyer sur « le bilan national et local » du président face aux opposants déclarés, mais aussi face à 389 listes indépendantes, parmi lesquelles les « hommes de (Guillaume) Soro », l’ancien chef de la rébellion et président de l’Assemblée nationale.
Officiellement membre du RDR avec qui il entretient des relations souvent conflictuelles, Soro soutient plusieurs listes indépendantes. L’affrontement entre son poulain, Tehfour Koné, et le ministre de la Défense, Hamed Bakayoko, dans le grand quartier populaire Abobo à Abidjan, est sans doute le plus médiatique du territoire.
Du côté du camp de l’ancien président Laurent Gbagbo, la situation a aussi changé. Après avoir laissé entrevoir une possible participation en raison de l’amnistie et la libération de son épouse Simone Gabgbo, l’aile dure du Front Populaire Ivoirien (FPI) fondé par Laurent Gbagbo a une nouvelle fois appelé au boycottage du scrutin qualifié de « forfaiture ».
Mais l’autre camp rival du FPI dirigé par Pascal Affi N’Guessan prendra part à ces scrutins après avoir boycotté celui de 2013.
Le débat se cristallise aussi autour de la Commission électorale indépendante. Décriée par l’opposition, qui réclame sa refonte, elle a été maintenue en place en attendant une réforme.
Un groupe d’organisations de la société civile, la Plateforme panafricaine des femmes et des jeunes pour la paix, la démocratie et la gouvernance (2PFJ), a déployé 470 observateurs à travers la Côte d’Ivoire.
Avec AFP