L’Etat d’Edo est le territoire du Nigeria d’où partent chaque semaine des centaines de jeunes et moins jeunes vers les différentes routes de migration. Depuis des décennies, de véritables réseaux constitués organisent et encadrent le parcours et, dans de nombreux cas, le trafic humain. Depuis un peu plus d’un an, le Nigeria, avec l’aide de l’OMI (l’Office international des migrations), affrète des avions pour faciliter le retour des Nigérians émigrés et en situation de détresse.
À l’aéroport international de Lagos, les passagers en provenance de Libye s’impatientent. Sept femmes et 153 hommes attendent en rang dans une zone interdite au public. D’ordinaire, ici sont déchargés le fret et les vols postaux. Ces rapatriés portent un survêtement à capuche décliné en gris clair, gris sombre, bleu marine ou noir.
Une boite médicalisée en bandoulière, Nathaniel Bagadoji porte un gilet jaune fluo. Ce soir c’est le 32e vol spécial qu’il accueille en moins d’un an. « Nous sommes habitués à ces “revenants” volontaires. Nous savons comment ils se comportent et comment ils peuvent réagir. Et ils réagissent parfois violemment mais nous savons comment leur parler. Ce n’est pas toujours simple à gérer. Mais nous sommes heureux de voir nos compatriotes revenir vivants de Libye. »
Nathaniel travaille pour l’État d’Edo. Comme lui, cinq autres agents sont aussi là. Membres du service de lutte contre le trafic humain, ils guident les premiers pas au Nigeria de ces revenants volontaires.
« C’est à partir des informations recueillies sur ces tables que l’on peut vous venir en aide. C’est parmi les gens dont les noms seront inscrits sur la liste que les autorités ou le vice-président vont choisir les gens qu’ils vont aider. Donc si vous n’êtes pas identifiés, ils ne vous choisiront pas. Et lorsqu’ils viendront pour recruter des gens parmi vous, vous pouvez être sûrs que vous n’en ferez pas partie. »
Chacun des 160 migrants s’est vu remettre l’équivalent en naira de 97€. Cinquante sont montés dans les trois minibus affrétés par l’Etat d’Edo, direction la capitale de l’Etat : Benin City.
Le témoignage d’une « revenante »
Installée dans ce port du sud du Nigeria, Ivie Agbonwaneten bénéficie d’un accompagnement depuis son retour volontaire de Libye. Elle a obtenu une allocation lui permettant de payer six mois de loyer du salon de coiffure qu’elle a ouvert à Benin City. Âgée d’une vingtaine d’années, Ivie se sait très fragile, car régulièrement, elle reçoit des appels de ses amis qui ont réussi à traverser la Méditerranée.
Elle explique ce qui l’a poussé à entamer ce périple vers l’Europe. « Une de mes amies m’a recommandée auprès de la patronne. Cette dernière m’a demandé de suivre un passeur, et que je ne devrais pas m’inquiéter, car cet homme allait me guider jusqu’à elle en Europe. Elle m’a dit qu’elle était coiffeuse et qu’elle avait besoin d’aide, quelqu’un qui s’associerait à elle pour faire le travail. »
Mais rapidement, le voyage prend une tournure désastreuse. Ivie raconte la traversée du désert et son calvaire libyen. « Lorsque nous étions dans le désert, nous avons vu des miliciens qui voulaient nous tuer. Mais grâce à Dieu, ils nous ont simplement laissés continuer notre chemin après nous avoir dépouillés de tout ce que nous avions comme argent. »
« Ensuite, quand nous sommes arrivés en Libye, nous étions dans la ville de Sabha et nous avons demandé au passeur de venir nous aider à nous orienter mais il a refusé, poursuit-elle. Deux semaines plus tard, nous avons été kidnappés alors que nous dirigions vers Benghazi. Et c’est comme ça que j’ai compris que c’était l’enfer. Nous étions à peu près 450… »
Maintenant qu’elle est revenue au Nigeria, elle se sent plus en sécurité et reprend pied petit à petit. « Depuis mon retour au Nigeria, je peux dire que j’ai retrouvé le sommeil. En Libye c’était impossible de fermer l’œil, car tout pouvait arriver là-bas. Des Libyens pouvaient débarquer à tout moment avec leurs fusils et prendre d’assaut les lieux. Donc, c’est impossible de dormir en Libye. Mais depuis que je suis au Nigeria, je dors maintenant la nuit. Je suis en paix et l’esprit tranquille. »
RFI