C’est au plus fort de l’odieuse campagne de l’ivoirité contre l’ancien et unique premier ministre d’Houphouet qu’apparaît la question de l’islam dans la politique en Côte d’ivoire. Traité de « mal absolu » par Simone Gbagbo, jeté au diable ou à Satan par le pasteur Kacou Severin ou encore assimilé à Mahomet qui devrait être battu par Jésus aux dires du ministre Théodore Mel Eg, Alassane Ouattara aura tout entendu, subi. C’est donc sans surprise qu’il concentrera les frustrations non seulement de ses parents dioulas, des populations du Nord mais finalement de la communauté musulmane dont il devient le porte-étendard.
« Que n’ai-je pas entendu en l’an 2000, avant la période électorale, quand je faisais mes tournées à l’intérieur du pays ? Dans certains villages, des gens étaient surpris de me voir en costume ou correctement habillé. Ils me disaient : mais on nous a dit quand vous allez devenir président de la République vous aller casser toutes les églises et tous les temples pour les remplacer par des mosquées , confiait le leader du RDR à des sœurs chrétiennes venues lui rendre visite » nous fait savoir Moriba Magassouba à la page 178 de son livre « Alassane Ouattara, La passion du devoir ».
De la campagne de l’ivoirité, les successeurs du président Houphouet basculent dans la religion en opposant les religions chrétiennes et musulmanes à travers un amalgame entre dioulas, musulmans et étrangers.
Certains iront même à dire que Ouattara, l’intégriste va islamiser la Côte d’ivoire, une fois au pouvoir.
« La plupart de ces étrangers-là sont des musulmans. Après le pouvoir économique, il ne leur reste plus que le pouvoir politique. C’est ça le problème » n’a pas hésité à affirmer, Jean Noël Loukou, alors directeur de cabinet de Bedie, cité par Moriba Magassouba à la page 180.
De fausses accusations des TSO ( Tout sauf Ouattara) pour qui connaît l’homme. Ce dernier ayant longtemps tenu ses distances vis-à-vis de ses coreligionnaires.
« Certes son comportement évoluera bien entendu, plus tard, lorsqu’il prit conscience de l’importance de l’électorat musulman et entreprit alors de se rapprocher de cette communauté qui s’était pourtant toujours reconnue en lui » écrit l’auteur à la page 180 ( chapitre 11 ).
Gbagbo s’installe dans le « sang des martyrs de la communauté musulmane »
« Paradoxalement, c’est avec l’accession au pouvoir de Laurent Gbagbo, ami de l’imam Koudouss que la communauté musulmane connaît son premier chemin de croix » écrit Moriba Magassouba, page 188.
Le lundi 11 juin 2001, alors que le président Gbagbo s’attendait à des paroles élogieuses, son ami, l’imam Koudouss, par ailleurs président du conseil national islamique ( CNI) lui lançait : « Monsieur le président, nous constatons malheureusement que la IIe République s’est installée dans le sang des martyrs de la communauté musulmane ». Allusion faite aux violentes manifestations de rue qui ont suivi la proclamation des résultats de la présidentielle contestée d’octobre 2000 et des législatives du mois de décembre de la même année.
« La communauté musulmane cherche encore à comprendre ce qui a pu motiver les forces de l’ordre et de sécurité de la République, soutenues par la FESCI à torturer, à tuer les musulmans, à détruire et profaner ses symboles religieux ( mosquée, Coran) à l’issue de l’élection présidentielle » demandait l’imam Koudouss à son ami président Laurent Gbagbo.
Enfin, là encore comme pour son entrée en politique, Alassane Ouattara va capitaliser à son corps défendant le mécontentement de toute une communauté et de toute une région, soit des millions de concitoyens qui se sont regroupés sous sa bannière parce qu’il souffrait de la même discrimination qu’eux.
Philippe Kouhon