A Pékin, le Forum de coopération entre l’Afrique et la Chine, ou Focac, s’est ouvert ce lundi matin, en présence du président chinois et de la plupart des chefs d’État africains. C’est le troisième forum du genre depuis 2000, mais la Chine a mis l’accent sur cette édition, alors que les intérêts économiques et diplomatiques chinois ne cessent de grandir en Afrique, où Pékin devient plus qu’un partenaire économique.
Alors que les relations sino-africaines sont essentiellement économiques, recevoir la plupart des dirigeants africains, en grande pompe, à Pékin, participe à donner une coloration plus politique à ces relations.
Si Pékin se défend de tout néo-colonialisme en Afrique, force est de constater qu’une puissance grandissante doit bien protéger ses intérêts à l’étranger. Et c’est là que le politique et l’économique sont étroitement liés : la Chine vend de plus en plus d’armes aux pays africains, la Chine a invité des militaires africains à un Forum de sécurité et de défense en juillet dernier.
Ce n’est pas un hasard si la première base militaire chinoise à l’étranger a été ouverte l’an dernier à Djibouti, l’un des pays d’Afrique les plus endettés vis-à-vis de la Chine.
Alors oui, les pays africains sont toujours friands d’investissements chinois en infrastructures, mais de plus en plus de critiques s’élèvent contre les risques de dépendance économique vis-à-vis de la Chine.
Comme un avertissement, la semaine dernière, lors d’un échange devant des journalistes, le président namibien a répondu à l’ambassadeur de Chine : « Vous ne devriez pas nous dire ce qu’on doit faire. Nous ne sommes pas des marionnettes. »
■ La Chine, une puissance en Afrique
Ce 3e sommet sino-africain rassemblera 54 délégations venues du continent, en plus des dirigeants de l’ONU, de l’Union africaine, et de 26 organisations africaines et internationales. Ce forum a pour thème « communauté de destin et partenariat mutuellement avantageux ». Il va surtout consacrer la montée en puissance de la Chine, premier partenaire commercial de l’Afrique.
Des camions produits en Afrique du Sud au chemin de fer construit au Nigeria, en passant par les usines de confection au Rwanda ou en Ethiopie, la Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique et l’un des investisseurs les plus dynamiques. Plus de 10 000 entreprises chinoises opèrent sur le continent d’après Pékin ; et dans le secteur des infrastructures, la part des entreprises chinoises atteint les 50%. On est loin de l’idée reçue d’une Chine concentrée exclusivement sur l’achat de matières premières. La puissance chinoise se diffuse dans tous les domaines, de la haute technologie à la manufacture de base.
Mais la relation est souvent jugée déséquilibrée et génératrice d’effets pervers. Ainsi le FMI et la Banque mondiale se sont inquiétés de voir les prêts chinois accroître la dette africaine qui a doublé en cinq ans. Un exemple, 70% de la dette publique camerounaise est détenue par la Chine. Au Kenya la situation est comparable et au Mozambique comme au Congo-Brazzaville, les prêts chinois ont contribué au surendettement des pays. La Chine détient déjà 14% de la dette africaine. Quoi qu’il en soit, les fameuses routes de la soie et les investissements lancés par Pékin façonnent le continent. La relation entre les deux entités est chaque jour un peu plus forte.
■ Reportage : Une entrepreneuse africaine en Chine
Au programme du sommet qui s’ouvre ce 3 septembre, notamment, une question : comment rendre profitables aux deux parties les nombreux partenariats qui existent déjà entre la Chine et l’Afrique ? Un rendez-vous important pour les acteurs économiques chinois et africains et à cette occasion. Rencontre avec Essivi Amehon, une entrepreneuse togolaise de 39 ans installée à Shanghai. Elle a créé il y a deux ans sa propre entreprise de conseils pour aider les investisseurs chinois à s’implanter en Afrique et les Africains à faire affaire en Chine.
Avec notre correspondante à Shanghai, Angélique Forget
Depuis son arrivée en Chine il y a 10 ans, Essivi Amehon, Togolaise, en est persuadée : l’économie chinoise doit inspirer l’Afrique, être un modèle à suivre. « La Chine est partie de zéro pour en arriver là donc l’Afrique aussi peut y arriver. Les Chinois ont travaillé dur donc l’Afrique doit faire pareil. »
Essivi Amehon veut aussi servir de lien entre son pays d’adoption et son continent d’origine. A Shanghai, elle a créé son cabinet de conseil pour faciliter les investissements des Chinois en Afrique. Leur intérêt ne cesse de grandir. « Souvent quand ils viennent c’est pour le bois en Afrique, les produits miniers, l’or, dit-elle. Les Chinois adorent l’or, le coton, le cacao, le café. C’est une chance pour nous d’avoir des ressources et d’avoir des gens qui s’intéressent à nos ressources. »
Aujourd’hui plus de 10 000 entreprises chinoises opèrent en Afrique, mais les sociétés africaines, elles, peinent à se faire une place en Chine. « J’aimerais que le sommet Chine-Afrique commence par repérer les petits pions comme nous et qu’ils commencent à penser à nous, comment nous cadrer, comment nous supporter pour grandir et représenter plus l’Afrique surtout dans le secteur privé. »
Désormais, dit-elle, les dirigeants africains doivent soutenir davantage les entrepreneurs qui partent à la conquête de la Chine.
RFI