Réuni en bureau politique le 17 juin, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a endossé l’accord politique signé le 12 avril par son président Henri Konan Bédié, mais décidé de n’examiner les statuts et règlements que lors de son prochain congrès, qui aura lieu après l’élection présidentielle de 2020. Récit des six heures de débats.
Débats animés, clameurs et empoignades : le bureau politique du PDCI du dimanche 17 juin, élargi au comité des sages, sentait le souffre. Il a duré près de six heures et tenu toutes ses promesses.
La séance a débuté par un premier moment de tension. Après un propos d’introduction du secrétaire exécutif Maurice Kacou Guikahué, N’Dri Kouadio Narcisse, porte-parole du parti, a fait le compte rendu des travaux du comité de haut niveau, dont il était membre.
Daniel Kablan Duncan hué
Le vice-président, Daniel Kablan Duncan, qui menait la délégation du PDCI au sein de ce comité, s’est ému de ne pas avoir été associé à la rédaction de ce compte-rendu. Il a ensuite expliqué que le parti unifié était une chance pour sa formation politique et qu’un rejet pourrait avoir des conséquences sur la stabilité du pays. Son intervention a été huée…
Quatre résolutions, entérinées en amont par la direction du parti, ont ensuite été soumises au quelques 700 membres présents. Les trois premières ont été approuvées sans encombre. Rappelant sa détermination « à reconquérir le pouvoir en 2020 », le PDCI a d’abord décidé de reporter son 13e congrès, prévu en octobre prochain, à après cette élection présidentielle. En conséquences, le bureau politique a prolongé le mandat de tous les organes et structures annexes du PDCI, ainsi que celui de son président Henri Konan Bédié.
Ambiance de corrida
Le dernier point à l’ordre du jour concernait le parti parti unifié, RHDP. Il a suscité de vifs débats dans l’auditorium de la maison du PDCI, à Cocody. La résolution lue par N’Dri Kouadio Narcisse, porte-parole du parti, stipulait que « le PDCI endosse l’accord politique signé le 12 avril par les membres de Rassemblement des Houphouëtistes pour la paix (RHDP), prend acte des statuts et règlement tels que validés par le comité de haut niveau et décide de soumettre ces documents à l’examen du prochain congrès ordinaire du PDCI-RDA. » Ces statuts prévoient que chacune des formations entre ensuite dans une période de transition de 12 à 18 mois avant de s’auto-dissoudre pour rejoindre le RHDP.
À la lecture de la résolution, qui repousse une possible adhésion au parti unifié à après 2020, 60 personnes ont demandé à prendre la parole. Finalement, une dizaine, pro et anti-parti unifié, s’est exprimée dans une ambiance de corrida. Le président du Conseil économique et social, Charles Diby Koffi, le secrétaire général de la présidence, Patrick Achi, le président du Sénat, Jeannot Ahoussou Kouadio, ou le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani, ont demandé à ce que les statuts et règlements soient également endossés lors du bureau politique. Leurs adversaires ont répondu que seul un congrès avait le pouvoir de le faire.
« Quand on fait un prêt à la banque, on accepte les conditions », a argumenté Diby Koffi. « On ne peut pas endosser un chèque sans provision », lui a répondu Billon.
Léger compromis
Ce climat a contraint Bédié à faire un léger compromis. Après une courte pause, le président a indiqué qu’il avait compris qu’il était nécessaire de « trouver un juste milieu » et que le PDCI ne pouvait « pas prendre la responsabilité d’aller à la rupture avec ses alliés ». Il a ainsi demandé à ce que deux alinéas soient ajoutés à la résolution.
Bédié a tenu à recadrer ses troupes, déclarant être désormais le seul habilité à parler du parti unifié et de l’alternance
Le premier lui donne mandat « pour poursuivre les négociations dans le cadre du RHDP, et ce à toutes les étapes du processus de mise en œuvre du parti unifié ». Le second l’encourage, lui et les instances du parti, « à poursuivre la finalisation de la mise en œuvre du RHDP qui sera effective à l’issue d’un congrès constitutif au terme d’une période transitoire de 12 à 18 mois. Cette période devant permettre aux partis membres du RHDP de renforcer leur cohésion et de régler, de façon consensuelle, les difficultés éventuelles auxquelles ils seraient confrontés ».
Faut-il comprendre que le PDCI ne ferme pas la porte, notamment si l’alternance lui est garantie ? « Ce compromis a permis de calmer les esprits », raconte un participant. Après l’adoption de la résolution, Henri Konan Bédié a tenu à recadrer ses troupes, déclarant être désormais le seul habilité à parler du parti unifié et de l’alternance dans les médias. « S’il y a des incompréhensions, je ferai les mises au point », a-t-il déclaré.
Désormais, les yeux sont rivés sur Alassane Ouattara. Ces dernières semaines, le chef de l’État avait tenté de mettre la pression sur son allié. Assurant qu’il n’avait rien promis à Bédié sur une quelconque alternance, ADO avait indiqué qu’il comptait accélérer la mise en place du parti unifié et nommer, fin juin ou début juillet, un nouveau gouvernement qui n’inclurait que les membres des partis portant l’étiquette RHDP. Mettra-il ses menaces à exécutions ?
Par jeuneafrique