Patiente voilée discriminée en Isère : la femme médecin sanctionnée par la Chambre disciplinaire de l’Ordre des Médecins

Lorsqu’elle poussa la porte d’un cabinet médical de l’Isère, le 16 juin 2015, affaiblie par une fatigue persistante et souffrant d’hypotension, Myriam, une patiente revêtue d’un hijab rose fuschia, n’imaginait pas une seule seconde qu’elle serait victime d’une discrimination religieuse odieuse de la part de celle qui était censée être à son écoute et soulager ses maux : le docteur L., une femme médecin généraliste qui, emportée par son aversion pour le voile, piétina rageusement le serment d’Hippocrate !

C’est sur notre site que cette mère de famille, profondément meurtrie, s’était livrée à cœur ouvert en septembre et octobre 2016, relatant une consultation en tout point ahurissante dont elle avait pressenti dès les premiers instants, après avoir croisé le regard réprobateur du docteur L. dans la salle d’attente, qu’elle ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices. Elle était loin, toutefois, de penser que l’impensable se produirait !

Hantée par l’ostracisme inqualifiable qu’elle avait subi plusieurs mois auparavant et par les paroles mortifiantes et tout aussi inacceptables  – « Je n’aime pas les femmes voilées, je n’aime pas les musulmans, je ne veux pas de femmes voilées en France. Sortez maintenant ! » – éructées par une femme en blouse blanche indigne de sa fonction, Myriam accueillait alors avec une satisfaction d’autant plus grande l’arbitrage en sa faveur de la Commission de discipline du Conseil de l’ordre des médecins de Rhône-Alpes.

Désavouée par ses pairs, le docteur L., qui fulminait plutôt que de faire amende honorable pour avoir trahi l’esprit et la lettre de l’article R. 4127 – 7 du code de la santé publique, écopait d’une radiation d’un mois avec sursis : interdiction lui était faite « d’exercer la profession de médecin pendant un mois assorti de sursis ».

Comme le stipule clairement l’article R. 4127 – 7 du code de la santé publique :

«  Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes, quels que soient leur origine, leurs moeurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard. Il doit leur apporter son concours en toutes circonstances. Il ne doit jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers la personne examinée ».

Jointe au téléphone, Myriam, plus combative que jamais, savourait sur Oumma cette victoire remportée, devant une juridiction disciplinaire, sur celle qui l’avait humiliée et refoulée avec une brutalité inouïe : « Je suis heureuse que mon statut de victime ait été reconnu par le Conseil de l’ordre des médecins. Ce sérieux avertissement donné à cette femme médecin servira d’exemple, je l’espère, et constitue une première victoire qui est essentielle pour la suite. Car je n’oublie pas que le parquet de Chambéry a classé l’affaire sans suite. Maintenant, je vais pouvoir à nouveau me tourner vers la justice de mon pays, plus forte aujourd’hui que je ne l’étais hier ».

De son côté, son avocat Me Hosni Maati que nous avions également contacté se félicitait de cette décision unique dans les annales, considérée comme l’heureux épilogue d’une première étape judiciaire. « Je suis pleinement satisfait de cette décision qui reconnaît à ma cliente son statut de victime et qui consolide son dossier face au procureur de la République. Je tiens à souligner que, à ma connaissance, c’est la première fois qu’une telle décision, assez sévère dans l’échelle des sanctions, a été rendue contre une femme médecin pour des motifs de discrimination religieuse », nous confiait-il alors.

Les mois ont passé sans que l’opiniâtreté de Myriam n’en soit émoussée, même si le douloureux souvenir de sa visite chez le médecin, un jour sombre de 2015, ne s’effacera jamais totalement.

Bien lui en a pris de ne pas baisser les bras devant l’adversité et de s’en remettre au jugement impartial des pairs du docteur L. ! En effet, la décision rendue, en juillet dernier, par la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des Médecins confirme non seulement, et sans la moindre ambiguïté, le précédent arbitrage de la Chambre régionale de l’Ordre des Médecins, mais cerise sur le gâteau, condamne le Dr L. à verser 1 000 euros à Myriam au titre des frais d’avocat.

Transmise par Me Hosni Maati, voici en substance la teneur de cette décision fébrilement attendue par les deux parties. Une décision qui a dû tomber comme un couperet sur la femme médecin, auteur d’une discrimination religieuse intolérable, laquelle avait tort de se croire immunisée par sa blouse blanche et légitimée par l’islamophobie ambiante.

La Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins,

Après en avoir délibéré,

Considérant que « Les propos tenus comme les termes utilisés par le Dr L. traduisent des excès de langage qui dépassent, à l’évidence, les limites d’une simple opinion sur la signification du voile au regard de la dignité de la femme et qu’il n’appartient pas à un médecin de professer ouvertement des jugements de valeur de cet ordre, au surplus empreints de contrevérités législatives et que ne sauraient justifier des amalgames événementiels ; qu’ainsi le manquement du Dr L. aux obligations prescrites par les dispositions légales du code de la santé publique est établi et justifie la sanction prononcée par les premiers juges ».

Par ces motifs, il a été décidé que :

  • La requête du Dr L. est rejetée ;
  • Le Dr L. versera la somme de 1 000 euros au titre du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991.

 

Pour en savoir plus sur la genèse de l’affaire, voici les deux liens vers les articles qui l’ont traitée :

https://oumma.com/isere-la-femme-medecin-coupable-de-discrimination-islamophobe-envers-une-patiente-voilee-ecope-dune-radiation-dun-mois-avec-sursis/

https://oumma.com/une-patiente-voilee-refoulee-par-une-femme-medecin-en-isere-retour-sur-une-discrimination-islamophobe-inqualifiable/