Portraits : ces Africaines qui font bouger les lignes

De grandes carrières, des parcours exemplaires, mais surtout un grand caractère… Elles incarnent aujourd’hui ces femmes qui repoussent les clichés et portent l’espoir d’un continent sur la voie du développement. Portraits

Folorunsho Alakija, de la mode au pétrole

Femme la plus riche du Nigeria avec une fortune personnelle qui dépasse le milliard de dollars, Folorunsho Alakija incarne encore aujourd’hui la réussite féminine dans les affaires sur le continent. Née dans une famille nombreuse – 52 frères et sœurs – Alakija est envoyée sur les bancs de l’école au pays de Galles alors qu’elle n’a que sept ans. Dans les années les 1980, elle lance la marque d’habillement Supreme Stitches. Parmi ses clientes, feue Maryam Maryam King, épouse de l’ancien président nigérian Babangida. La marque fait sensation et le passage d’Alakija par l’American College de Londres – section mode – y est pour beaucoup. En 1991, elle investit dans le secteur de l’édition et crée un groupe d’imprimerie, Digital Reality, dont les rotatives tournent encore aujourd’hui.

Mais le point culminant de sa carrière de femme d’affaires, c’est lorsqu’elle décide de se tourner vers le secteur des hydrocarbures. En 1993, au lendemain de la Guerre du Golfe dont le Nigeria était belligérant -500 hommes envoyés au front- la businesswoman acquiert l’OPL 216, un bloc pétrolier de 250 000 hectares dont personne ne voulait. En 2000, les réserves de ce dernier sont estimées à 1 milliard de barils. Aujourd’hui, le pétrole « coule toujours à flots » du bloc, devenu OML 127.

Nunu Ntshingila, la prodige de Soweto

Nunu Ntshingila est une femme du « cru » sud-africain. Née à Soweto, le plus célèbre des townships du pays, elle part au Swaziland – actuel Eswatini- intégrer l’université. Elle y étudie la politique et l’administration publique. Des spécialités qui devaient la destiner à rejoindre les rands du secteur public. Sauf qu’en 1993, elle est sélectionnée pour un MBA à la Morgan State University’s School of Business and Management (Baltimore aux Etats-Unis), où elle obtient son master en 1995. Fraîchement diplômée, elle rejoint le staff d’Ogilvy & Mather South Africa, une des plus grandes agences publicitaires du continent. Avec de la persévérance, un talent indéniable et portefeuille client important (office de tourisme sud-africain), elle y gravit les échelons jusqu’à en devenir CE0 en 2004. Au mois de septembre 2015, elle quitte Ogilvy and Mather et devient la responsable du premier bureau du groupe Facebook en Afrique. Aujourd’hui, elle est en charge de la phase expansion du groupe à travers le continent.

Ory Okolloh, l’avocate inébranlable

Ory Okolloh est une battante dans l’âme. Elle est sur tout les fronts lorsqu’il s’agit de sauvegarder les principes de bonne gouvernance. Née dans au Kenya à la fin des années 1970, Okolloh est une avocate, cyberactiviste et l’une des femmes les plus influentes du continent africain. Elle est diplômée en sciences politiques de l’université de Pittsburgh aux Etats-Unis. En 2005, elle décroche son diplôme en droit de la prestigieuse Harvard. C’est cette même année qu’elle donne la preuve de son engagement en tant que militante lorsqu’elle crée Mzalendo (patriote, en swahili), un site qui surveille les activités des parlementaires du pays.

En 2011, elle est nommée directrice de la stratégie de Google pour l’Afrique. Deux ans plus tard, elle prend la tête du département Investissements de la fondation Omidyar Network où elle participe à la démocratisation de l’accès à Internet sur le continent. En plus de son engagement militant, on lui compte aujourd’hui différents passages en tant que consultante chez le cabinet d’avocats Covington & Burling, la Commission nationale des droits de l’homme au Kenya, et la Banque mondiale.

Elsie S. Kanza, accélérer le développement du continent

Elsie S. Kanza est un pur produit des institutions de développement. Née de parents tanzaniens, Elsie Kanza a vu le jour et a grandi au Kenya. Entre 1997 et 2006, elle obtient une licence en administration des affaires internationales de l’United States International University – Africa ; une maîtrise en finance de l’University of Strathclyde au Royaume-Uni ; et une maîtrise en économie du développement du Center for Development Economics du Williams College aux États-Unis. Bradée de ces diplômes, elle occupera différents postes du secteur public tanzanien, notamment au sein des ministères des Finances et à la Banque centrale. Elle a été aussi assistante personnelle auprès Jakaya Mrisho Kikwete, président de la Tanzanie, responsable des Affaires économiques de 2006 à 2011.

Aujourd’hui à la tête de la zone Afrique du World Economic Forum, elle veille à multiplier les initiatives visant à accélérer le développement du continent, telle l’« African Strategic Infrastructure Initiative », le « Water Resources Group Partnership » et la « Responsible Mineral Development Initiative ».

Vera Songwe, l’économie avant tout

Classée en 2013 parmi les 20 jeunes femmes les plus puissantes d’Afrique (magazine Forbes), Vera Songwe a le parcours d’une combattante. Camerounaise et fille d’un médecin, elle entame sa scolarité au sein du Our Ladies of Lourdes College, un établissement secondaire pour filles exclusivement catholique dans la banlieue de Bamenda (département du Mezam, dans le nord-ouest). Elle poursuit ses études en économie mathématique du Center for Operation Research and Econometrics (CORE) de l’Université catholique de Louvain (UCL) en Belgique (doctorat). Sowenga est a également obtenu une maîtrise en droit et en économie et un diplôme d’études approfondies en sciences économiques et en sciences politiques de l’UCL. Licenciée en sciences économiques et sciences politiques de l’Université du Michigan, elle obtient un poste de professeur invité à l’université de Californie du Sud. En 1998, elle intègre la Banque mondiale au département Asie de l’Est- Pacifique. Elle passe par plusieurs postes au sein de l’institution de Bretton Woods avant de se voir nommée en 2016, à de nouvelles responsabilités au sein du département Afrique de l’Ouest et Afrique centrale de la Société financière internationale, le bras de la Banque mondiale, dédié au secteur privé.

Le 3 août 2017, Vera Songwe atterrit au poste de Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Dans ses bagages, « une longue expérience de la formulation de conseils stratégiques sur les questions de développement et un riche bilan de résultats concrets en termes de développement pour l’Afrique, ainsi qu’une vision stratégique claire et déterminée pour le continent ».

Bethlehem Tilahun Alemu, l’entrepreneure engagée

Avoir un esprit écolo est peut dire lorsqu’on évoque Bethlehem Tilahun Alemu. Née dans le quartier pauvre de Zenabwork (Adis-Abeba), cette fille d’un père électricien et d’une mère cuisinière sait déjà que son destin ne sera pas facile. Après des études en comptabilité à l’Unity University d’Addis Abeba, elle décroché son diplôme en 2004 et entame son premier travail en tant que comptable dans différentes structures de textile et cuir et qu’elle abandonnera bien plus tôt qu’elle en le pensait. A 25 ans, Bethlehem Tilahun Alemu lance son projet de conception de de chaussures à base de pneus usagés, « afin de travailler avec une matière première bon marché et dans le but d’exploiter les capacités artisanales des habitants pauvres de son quartier ». La marque SoleRebels est née. Investissement initial 5 000 dollars, avec cinq salariés dans l’atelier de la jeune pousse. Dès 2010, le succès de la marque est fulgurant et 2012, SoleRebels dispose de magasins dans une vingtaine de pays.

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